jeudi 25 janvier 2024

Réticences Fin de vie : les responsables religieux s’opposent ensemble à un changement législatif

par Bernadette Sauvaget   publié le 23 janvier 2024

Les principaux représentants des cultes français ont collégialement exprimé leurs réticences à une loi sur la fin de vie, dont un projet devrait être rendu public, selon les engagements du chef de l’Etat, en février.

Sous les lambris de la salle du conseil d’administration de l’Ecole de médecine à Paris, les principaux responsables religieux en France, chrétiens, juifs et musulmans, ont affirmé à nouveau, ce mardi 23 janvier, leur stricte opposition à une loi sur la fin de vie. Reçus le 8 janvier à l’Elysée par Emmanuel Macron pour les traditionnels vœux de début d’année, ils avaient déjà exprimé leurs réticences à un changement législatif.

Très fermement opposé à l’euthanasie et au suicide assisté, le grand rabbin de France, Haïm Korsia, réputé proche du chef de l’Etat qui le consulte régulièrement, estime en termes très solennels qu’une loi sur la fin de vie constituerait une «rupture anthropologique». Invoquant la loi Claeys-Léonetti, le responsable juif considère que celle-ci est «très bien faite». Selon Korsia, elle aurait «un seul défaut : les soins palliatifs ne sont pas assez développés. Mettons-les enfin en place partout et ensuite on verra. On ne peut pas décider que, même dans un cas exceptionnel, on peut donner la mort».

Pour le grand rabbin de France, voter une loi sur la fin de vie ne se justifierait pas. «Le job de la loi, ce n’est pas de régler tous les cas de conscience», a-t-il martelé lors de cette conférence de presse qui réunissait les contributeurs de l’ouvrage Religions et fin de vie (Fayard), publié sous la direction de l’anthropologue Laëtitia Atlani-Duault.

Donner la mort ne peut «être considéré comme un acte de soin»

Président de la Conférence des évêques de France, Eric de Moulins-Beaufort estime, lui aussi, qu’il faudrait mieux appliquer la loi Claeys-Léonetti, qui autorise notamment la sédation longue et continue. «Il faudrait la faire vivre davantage», dit-il, avant d’envisager de légiférer à nouveau. Cette stricte opposition à l’aide active à mourir est également exprimée par les responsables musulmans. «Dieu nous a donné la vie, c’est lui qui décide à quel moment il doit la reprendre», a avancé le recteur de la Grande Mosquée de Paris, Chems-Eddine Hafiz. Pour le professeur Sadek Beloucif, chef du service d’anesthésie-réanimation à l’hôpital Avicenne, l’acte de donner la mort ne peut «être considéré comme un acte de soin».

Avant la conférence de presse de mardi, chacun des cultes avait exprimé son opposition à changer la législation. Réfutant fermement l’idée d’un front uni des religions, les responsables des principales institutions religieuses en France se retrouvent pourtant sur la même longueur d’onde dans leur opposition au projet de loi sur la fin de vie qui devrait être rendu public, selon les engagements du chef de l’Etat, en février. Rarement d’ailleurs une question de société n’a fait autant l’unanimité au sein des grandes religions en France.

Au sein de chacune des religions, des voix discordantes s’expriment peu ou prou. Ainsi l’ancien président de la Fédération protestante de France, le pasteur François Clavairoly, présent mardi à la conférence de presse, a raconté que «sa position avait évolué». Opposé à l’euthanasie mais ouvert désormais à des possibilités de suicide assisté, il estime qu’il faudrait tirer «des leçons des législations mises en place dans d’autre pays».

Deux lois distinctes

Ces dernières années, le chef de l’Etat a régulièrement interrogé les cultes sur la question de la fin de vie. Un dîner avait été organisé à l’Elysée, en 2019, réunissant plusieurs responsables religieux et partisans de l’aide active à mourir. Lors de ses vœux le 8 janvier, Emmanuel Macron a promis de revoir les responsables religieux dans le courant du mois de février pour aborder à nouveau ce dossier.

Une occasion pour clarifier un imbroglio concernant la future loi sur la fin de vie ? Lors de la conférence de presse de mardi, le grand rabbin de France et le recteur de la Grande Mosquée de Paris ont en effet répété qu’Emmanuel Macron leur avait déclaré, le 8 janvier, qu’il y aurait deux lois distinctes, l’une sur les soins palliatifs et l’autre sur l’aide active à mourir, une configuration qui satisfait les responsables religieux. Mais qui a été démentie par l’Elysée dès le 10 janvier.


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