vendredi 29 décembre 2023

Quintuple homicide à Meaux : ce que l’on sait du meurtre d’une mère et de ses quatre enfants

Par   et     Publié le 26 décembre 2023

Un homme de 33 ans a été interpellé mardi, après ce drame familial qui a eu lieu en Seine-et-Marne. Il avait déjà porté un coup de couteau à sa conjointe en 2019 et souffre de troubles psychiatriques, a déclaré le procureur de la République.

Devant l’immeuble de Meaux (Seine-et-Marne) où ont été retrouvés les corps d’une mère et de ses quatre enfants, le 26 décembre 2023.  

« Une scène de crime d’une très grande violence. » Tels sont les mots du procureur de la République de Meaux (Seine-et-Marne), Jean-Baptiste Bladier, pour décrire ce que les fonctionnaires de police ont découvert en pénétrant dans un appartement de la ville, le 25 décembre. Un homme de 33 ans est suspecté d’y avoir tué sa femme et leurs quatre enfants. Interpellé à Sevran (Seine-Saint-Denis) mardi et placé en garde à vue, il souffre de troubles psychiatriques, selon M. Bladier, qui a donné une conférence de presse le même jour, en fin de matinée. Une information judiciaire va être ouverte pour « homicides volontaires sur mineurs de 15 ans » et « homicide volontaire par conjoint », a confirmé le procureur.

C’est peu avant 21 heures, le jour de Noël, que des amis de la famille se manifestent auprès des policiers du commissariat de Meaux. Ils s’inquiètent de l’absence de réponse de la mère depuis quelques heures. Elle ne donne pas plus de signes de vie quand ses amis frappent à la porte de l’appartement situé au rez-de-chaussée de l’immeuble, dont les volets sont baissés. Quelques traces de sang sont visibles sur le palier.

Le petit appartement encombré de meubles, de vêtements et de chaussures, symboles d’une vie familiale ordinaire, est le lieu d’une effroyable tuerie : cinq cadavres y sont découverts, dans des flaques de sang et parmi un grand nombre de mouchoirs et essuie-tout sanguinolent ; les corps de la mère, âgée de 35 ans, de ses deux filles de 10 et 7 ans, de ses deux fils de 4 ans et de 9 mois.

Les trois défuntes ont été victimes d’un « très grand nombre de coups de couteau dont il est impossible de déterminer le nombre pour l’instant », selon M. Bladier. Les corps du petit garçon et du nourrisson ne présentaient pas de plaies apparentes. La piste de l’étouffement ou de la noyade est privilégiée. Des autopsies à l’institut médico-légal de Paris auront lieu mercredi 27 décembre.

Aucun antécédent judiciaire

Les voisins ont confié aux enquêteurs avoir entendu des cris le 24 décembre vers 23 heures et le 25 vers 3 heures. Ils ne se sont pas pour autant inquiétés, car « la mère de famille avait l’habitude de crier après ses enfants », selon leurs propos rapportés par le procureur. Le principal suspect, lui, avait disparu, mais a été retrouvé grâce à l’exploitation des vidéos de surveillance. Il a été interpellé peu avant 8 heures, aux abords du domicile de son père.

Placé en garde à vue, le mis en cause a dit « savoir pourquoi il était en garde à vue, s’en être pris à sa famille et évoquer son mal-être personnel et sa dépression », a rapporté le procureur. Au moment de la conférence de presse, il était toujours hospitalisé en raison d’importantes blessures à la main, sous le régime de la garde à vue.

Les premiers éléments de l’enquête permettent de dresser une ébauche de portrait de cet homme de nationalité française, né à Colombes (Hauts-de-Seine), en 1990, titulaire d’un CAP de plomberie, dont le casier judiciaire est dépourvu de tout antécédent. Il était néanmoins connu des services de police pour avoir porté, le 14 novembre 2019, un coup de couteau à l’omoplate à sa conjointe, ayant entraîné une incapacité totale de travail de cinq jours.

L’état psychiatrique au cœur de l’enquête

A l’époque, la femme avait expliqué, lors de l’audition, être en couple avec son agresseur depuis quatorze ans (ils se sont mariés en octobre 2023). « Sur l’existence de violences, elle avait affirmé n’avoir subi “qu’une” gifle quand l’aînée du couple était petite », a ajouté le procureur. Elle évoquait surtout l’état dépressif de son conjoint, qui avait interrompu son traitement depuis quelque temps.

L’homme était suivi pour troubles dépressifs et psychotiques depuis 2017, après une tentative de suicide. La jeune femme avait par ailleurs refusé de déposer une plainte et avait décliné l’assistance d’une association d’aide aux victimes, qui lui était proposée. Des documents médicaux et administratifs, ainsi que des ordonnances de tranquillisants ont de fait été retrouvés par les enquêteurs au domicile de la famille, après le quintuple homicide.

Hospitalisé en psychiatrie en 2019, après avoir poignardé sa femme, l’homme avait été placé en garde à vue à la fin de son hospitalisation, le 13 janvier 2020. Dans une brève audition, il ne contestait pas les faits et parlait de ses « idées noires »et de l’« envie de se faire du mal »« Le coup de couteau est parti tout seul », avait-il déclaré pour se justifier après l’attaque de sa conjointe à l’arme blanche. La procédure avait été classée sans suite au motif d’un état mental déficient, a précisé M. Bladier, une expertise ayant reconnu l’abolition du discernement chez l’homme.

L’état psychiatrique du mis en cause au moment des faits sera au cœur de cette nouvelle enquête. Le sujet est politiquement sensible. « Il faut une meilleure coopération entre les services de médecine, les services sociaux et judiciaires », défend Jean-François Copé, maire Les Républicains de Meaux, évoquant un « tabou autour des questions psychiatriques ».

L’ancien ministre déplore la disparition de cette famille « en souffrance et en danger, sans qu’on le sache clairement ». Présent sur les lieux, mardi matin, l’édile évoque « un crime absolument effroyable qui a bouleversé tout le monde à Meaux », précisant qu’une cellule psychologique avait été mise en place dans le centre social non loin de l’appartement et dans l’école des enfants.

Cent deux féminicides en 2023

L’histoire s’inscrit dans une triste série d’infanticides commis par des pères, depuis octobre, en région parisienne. Fin novembre, un homme avait avoué le meurtre de ses trois filles, âgées de 4 à 11 ans, à Alfortville (Val-de-Marne). En octobre, un gendarme avait tué ses trois filles, avant de se donner la mort, à Vémars (Val-d’Oise).

Ce crime porte aussi à 102 le nombre de féminicides commis dans le cadre conjugal, en 2023, selon la page Facebook du collectif militant Féminicides par compagnons ou ex, qui tient ce recensement depuis huit ans, en s’appuyant principalement sur les articles de presse.

Selon le bilan annuel de la délégation aux victimes du ministère de l’intérieur, 118 femmes ont été tuées dans le cadre conjugal en 2022, sur 145 victimes au sein du couple, et 12 enfants. « Plus de 850 féminicides depuis mai 2017 », date de l’élection d’Emmanuel Macron, alertaient, début novembre, des collectifs, dont Nous toutes, en dénonçant l’« indifférence totale » des pouvoirs publics face à ce fléau.


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