dimanche 3 décembre 2023

Où va notre petite enfance à la mort de nos parents ?

Darons daronnes

Instagram est vraiment un lieu étonnant. L’autre soir, je zonais dans mes suggestions algorithmiques lorsque Charlotte Gainsbourg est apparue, entre une professeure de suédois et l’acteur irlandais Cillian Murphy (deux passions secrètes). Il s’agissait d’une interview sur France Inter, le 20 septembre, et, puisque la radio est désormais filmée, j’ai regardé le visage longiligne de l’actrice s’animer en parlant de sa mère, Jane Birkin, morte le 16 juillet. « J’ai vécu la mort de mon père. Ça m’a terrassée. Mais la mort d’une mère, c’est dans notre corps. Il y a quelque chose auquel on ne s’attend pas du tout. (…) Il y a quelque chose de la colonne vertébrale qui s’effondre. Et je n’ai plus de repères. »

Ces quelques phrases ont résonné en moi de plusieurs façons. D’abord, parce que j’y ai entendu comme une inversion parfaite des rôles. La mort d’une mère, c’est dans notre corps. Mais la naissance d’un enfant aussi, c’est dans notre corps (de mère). On dirait une restitution. Comme si nous, filles de nos mères, acceptions à notre tour de porter en nous celles qui nous ont portées, le jour où elles disparaissent.

Je trouve cette idée superbe, incorporer nos morts. Là, c’est un peu bizarre comme association, mais il faut que je vous raconte que ma fille cadette, 5 ans, qui est en grande section de maternelle, se trimballe ces jours-ci dans notre salon en gratifiant à tout-va ceux qui l’agacent d’un : « Mange tes morts ! » suivi d’un tchip. Passons sur la (double) appropriation culturelle. Avant d’être un titre de film de Jean-Charles Hue, sorti en 2014, et un tweet de la députée « insoumise » Danièle Obono en 2022, « mange tes morts » est, ai-je appris, une insulte d’origine yéniche, manouche et gitane, utilisée à l’encontre de quelqu’un qui renie ses origines. Et désormais un hit des cours de récré, certainement grâce à un morceau assez inspiré du rappeur français Seth Gueko (« Avec du vin et du Boursin, mange tes morts »). C’est une expression d’une force étrange, à la consonance plaisante, presque gourmande. Fin de la parenthèse divagatoire.

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