jeudi 9 novembre 2023

Billet Réseaux sociaux et santé mentale des jeunes : tirer la sonnette d’alarme jusqu’à quand ?

par Katia Dansoko Touré   publié le 9 novembre 2023

Amnesty International vient de publier une enquête démontrant l’impact néfaste d’une fonction de TikTok sur la santé mentale des jeunes. Un énième avertissement qui met en lumière le cynisme des réseaux sociaux.
publié aujourd'hui à 8h01

«Poussés vers les ténèbres.» C’est le surtitre de l’un des deux rapports que vient de publier Amnesty International à propos des effets néfastes de l’une des fonctionnalités du réseau social chinois TikTok. Il s’agit du fil «Pour toi» qui propose, de façon aléatoire, des contenus publiés sur la plateforme. Et cela, au côté du fil «Suivis» qui, comme son nom l’indique, permet de consulter les vidéos postées par les comptes auxquels l’utilisateur est abonné. «Le fil Pour toi risque de pousser des enfants vers du contenu dangereux pour la santé mentale», peut-on lire dans le communiqué de l’ONG publié le 7 novembre à propos des deux études.

«Ça affecte mon humeur»

A l’appui, chiffres, témoignages de jeunes utilisateurs, discussions de groupes et création d’une trentaine de comptes TikTok automatisés au Kenya, aux Philippines et aux Etats-Unis. «Entre 3 et 20 minutes après le début de l’étude manuelle, plus de la moitié des vidéos du fil “Pour toi” étaient en rapport avec les problèmes de santé mentale, et de nombreuses vidéos recommandées en l’espace d’une heure seulement idéalisaient, banalisaient voire encourageaient le suicide», rapporte ainsi l’enquête. Et parmi les témoignages, celui de Francis, 18 ans, étudiant dans la province de Batangas, aux Philippines : «Quand je like une vidéo triste qui me parle, tout à coup, toute ma page “Pour toi” est triste. Je me retrouve dans le “TikTok triste”. Ça affecte mon humeur.» Pour Amnesty International, les efforts de TikTok, dont les «caractéristiques de conception sont manipulatrices et addictives», en termes de politiques de modération sont insuffisants. Et cela ne surprendra personne.

L’ONG est d’ailleurs bien loin d’être la seule à pointer du doigt les lacunes des réseaux sociaux, de TikTok à Instagram en passant par Snapchat, vis-à-vis de la protection de leurs jeunes utilisateurs. En 2021, suite à la fameuse enquête «Facebook Files» du Wall Street Journal, – qui révélait, entre autres, l’effet néfaste des applications Meta chez les plus jeunes –, Instagram a annoncé le lancement d’une fonctionnalité «pause» leur étant destinée. C’est chose faite mais encore faut-il savoir comment l’activer (on vous assure qu’un tutoriel est bienvenu). Par ailleurs, depuis quelques années, les réflexions autour des actions mises en œuvre par les Etats, accolées à la responsabilité des parents, sont légion. Aussi, quelques pistes de réflexion ou initiatives ont pu voir le jour. Par exemple, en France, en juin, la loi de restriction des réseaux sociaux pour les moins de 15 ans en cas de non-autorisation des parents a été entérinée. Et ce, avec sanctions à la clé en cas de manquement de la part des plateformes faisant l’impasse sur la vérification de l’âge. Pour autant, nombre d’experts pointent sa difficile mise en application. Eh oui, pas bien compliqué de mentir sur sa date de naissance.

«Collecte intrusive de données personnelles»

Cette idée de «majorité numérique» avait déjà été introduite en France en 2018, en application d’une législation européenne laissant la possibilité de la fixer entre 13 et 16 ans. Appliquée cette loi européenne ? Difficile à affirmer. Le mois dernier, Meta a été visé par des plaintes d’une quarantaine d’Etats américains pour «les dommages à la santé mentale et physique des jeunes». Qu’adviendra-t-il de ces plaintes ? Allez savoir. D’autant plus que Meta se retrouvant dans le viseur d’instances étatiques relève désormais de la ritournelle. L’ONG Amnesty International estime, elle, que «le meilleur moyen pour les Etats de protéger les enfants du recueil et de l’utilisation abusifs de leurs données personnelles en ligne est de faire en sorte que la loi interdise toutes les publicités ciblées reposant sur une collecte intrusive de données personnelles». Faisable ? Peu probable. En attendant, les plus jeunes continuent de scroller à leurs risques et périls…


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