mardi 31 octobre 2023

Emmanuel Macron engage le processus visant à inscrire l’IVG dans la Constitution

Par    Publié le 30 octobre 2023

Le chef de l’Etat a annoncé, dimanche, qu’un projet de loi constitutionnelle visant à protéger l’interruption volontaire de grossesse serait envoyé au Conseil d’Etat cette semaine, et présenté en conseil des ministres d’ici à fin 2023.

Emmanuel Macron, après son discours pour les 65 ans de la Constitution de la Ve République, au Conseil constitutionnel, à Paris, le 4 octobre 2023.

Emmanuel Macron, après son discours pour les 65 ans de la Constitution de la Ve République, au Conseil constitutionnel, à Paris, le 4 octobre 2023.  

L’art du contre-pied. Alors que le conflit au Proche-Orient altère le débat politique en France depuis trois semaines, Emmanuel Macron a fait un pas, dimanche 29 octobre, vers l’inscription de l’interruption volontaire de grossesse (IVG) dans la Constitution. « Le projet de loi constitutionnelle sera envoyé au Conseil d’Etat cette semaine et présenté en conseil des ministres d’ici la fin de l’année », a annoncé le chef de l’Etat sur le réseau social X (anciennement Twitter). Il s’agira d’ajouter, à l’article 34 de la Constitution, que « la loi détermine les conditions dans lesquelles s’exerce la liberté de la femme, qui lui est garantie, d’avoir recours à une interruption volontaire de grossesse ».

Le président de la République s’était engagé, le 8 mars, lors de l’hommage national à Gisèle Halimi, à « changer notre Constitution, afin d’y graver la liberté des femmes à recourir à l’interruption volontaire de grossesse pour assurer solennellement que rien ne pourra entraver ou défaire ce qui sera ainsi irréversible ».

« En 2024, la liberté des femmes de recourir à l’IVG sera irréversible », promet-il dimanche 29 octobre. Au terme d’« une période de crise intense ces derniers jours », souligne l’Elysée, marquée par l’assassinat du professeur Dominique Bernard, à Arras, le 13 octobre, et par la guerre au Proche-Orient, et avant de s’envoler pour l’Asie centrale, le chef de l’Etat met sur la table un sujet de nature, espère-t-il, à recréer une forme d’unité dans le monde politique. « Il veut retrouver un peu d’air, desserrer l’étau », estime le chef de file des sénateurs macronistes, François Patriat.

« Une version de synthèse »

Avec cette révision de la Constitution, qu’il espère voir aboutir au premier trimestre 2024, Emmanuel Macron s’avance sur un terrain déjà largement balisé par les parlementaires. En novembre 2022, les députés votaient à une écrasante majorité une proposition de loi en faveur de la constitutionnalisation du « droit à l’interruption volontaire de grossesse », en réaction à la décision de la Cour suprême américaine, en juin 2022, de révoquer la protection au niveau fédéral du droit à l’avortement.

En février, le Sénat approuvait à son tour le principe d’une constitutionnalisation de l’IVG, mais en inscrivant la « liberté de la femme » de recourir à l’avortement, plutôt que son « droit ». Malgré cette retouche apportée par le sénateur Philippe Bas, ancien collaborateur de Simone Veil, pour sauver le texte in extremis, celui-ci n’avait été adopté qu’à une courte majorité (166 voix pour, 152 contre), une grande partie des sénateurs Les Républicains (LR) s’y opposant encore. « Le vote au Sénat a montré qu’une voie était possible pour adopter une révision constitutionnelle », souligne toutefois l’Elysée. On a vu que les « deux Chambres convergeaient vers quelque chose qui permettait de réviser la Constitution ».

A l’occasion des 65 ans de la Constitution, le 4 octobre, Emmanuel Macron a réaffirmé son souhait de voir aboutir cette promesse. S’il l’a annoncé dimanche 29 octobre, entre un conseil européen et l’inauguration de la Cité internationale de la langue française, c’est que « le projet est suffisamment mûr pour être présenté », affirme l’Elysée, toutes les forces politiques ayant été consultées. « On atterrit sur une version de synthèse qui reprend tout ce qui tient à cœur aux différentes parties », souligne un conseiller.

Au Sénat, le groupe LR pourrait se diviser

Pour faire aboutir cette révision constitutionnelle – les deux précédentes, en 2018 sur les institutions et en 2021 sur la préservation de l’environnement, ont échoué –, le chef de l’Etat a choisi la voie du Congrès à Versailles (réunion de l’Assemblée nationale et du Sénat), plutôt que celle du référendum. Une campagne référendaire offrirait aux opposants à l’IVG, dit-on au palais, « une tribune totalement disproportionnée par rapport à ce qu’ils représentent en réalité », du fait de l’égalité des temps de parole. Cette révision constitutionnelle, « très attendue par les associations », selon l’entourage élyséen, devra donc être approuvée, pour aboutir, par les trois cinquièmes des parlementaires.

A l’Assemblée nationale, la majorité présidentielle et la gauche devraient logiquement la soutenir. Mathilde Panot, cheffe de file des députés « insoumis », a salué dimanche sur X une « victoire pour les associations, les collectifs, les militantes qui se battent pour que le droit des femmes à disposer de leur corps soit enfin garanti ». La députée du Val-de-Marne avait fait savoir mi-octobre qu’elle pourrait retirer sa proposition de loi si l’exécutif déposait son texte.

Côté Sénat, en revanche, le groupe LR, majoritaire, pourrait se diviser. « La droite sénatoriale sera-t-elle prête à offrir au président, dans le contexte du projet de loi immigration et juste avant les élections européennes, la satisfaction d’avoir la première Constitution au monde qui garantit le droit à l’IVG ? », s’interroge le constitutionnaliste Jean-Philippe Derosier, dubitatif.

Pour la cheffe de file des députés du Rassemblement national (RN), Marine Le Pen, le geste d’Emmanuel Macron a « la beauté de l’inutilité », car « aucun mouvement politique, qu’il soit à l’Assemblée nationale ou en dehors, ne demande la remise en cause de l’IVG », assurait-elle, embarrassée, dimanche sur France 3. Ils n’étaient en effet que 38 députés RN, sur un total de 89, à voter en faveur de l’inscription de l’IVG dans la Constitution, il y a près d’un an.


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire