mardi 31 octobre 2023

Dépression. Pourquoi les antidépresseurs mettent-ils du temps à agir (quand ils agissent) ?

Publié le 30 octobre 2023

Certains antidépresseurs favorisent la création de nouvelles connexions entre les neurones du cerveau, ce qui permet in fine à la personne d’aller mieux. Et ce changement d’architecture du cerveau exige du temps.

Image d’illustration d’un réseau de neurones. Ces cellules nerveuses sont connectées les unes avec les autres. Les antidépresseurs augmentent la densité de ces connexions.

Développés il y a une quarantaine d’années, les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine (IRS) sont des antidépresseurs largement prescrits. La sérotonine est une molécule présente dans le cerveau, dont la diminution peut être à l’origine de la dépression. Empêcher sa capture rapide par des récepteurs des neurones augmente sa concentration dans le cerveau. Une stratégie pertinente, mais ces médicaments ont deux écueils : d’une part, ils restent sans effet sur plus 30 % des personnes déprimées ; d’autre part, ils mettent beaucoup de temps à agir. “Quand vous prenez un antibiotique, il commence à agir immédiatement. Ce n’est pas le cas avec les IRS”, a résumé Gitte Knudsen à Wired. “C’est un casse-tête : pourquoi si longtemps ?”

La neurobiologiste et ses collègues de l’université de Copenhague, au Danemark, ont exploré la piste de la neuroplasticité. Autrement dit, les IRS seraient capables de modifier le câblage du cerveau, c’est-à-dire de favoriser la création de nouvelles connexions, appelées synapses, entre les neurones du cerveau. Et cela prendrait un peu de temps…

Pour leur étude, publiée dans Molecular Psychiatry, les scientifiques ont recruté 32 volontaires. La moitié a pris un IRS – l’escitalopram (Seroplex et ses génériques) –, l’autre un placebo, pendant un mois. Trois à cinq semaines après le début du traitement, un scanner TEP cérébral, avec des traceurs radioactifs permettant de visualiser les synapses, a été réalisé. “Plus un individu était sous antidépresseur pendant longtemps, plus l’équipe détectait de signaux synaptiques, un indicateur d’une augmentation des connexions”, écrit Wired. Et Gitte Knudsen s’enthousiasme :

“C’est une des premières preuves que ces médicaments ont besoin de temps pour être efficaces, et qu’ils fonctionnent en augmentant le nombre de contacts synaptiques entre les neurones.”

Selon elle, ce recâblage permettrait d’améliorer la fonction cognitive et la gestion des émotions, mais aussi de se débarrasser des ruminations négatives caractéristiques des épisodes dépressifs.

Des résultats satisfaisants qu’il faut toutefois prendre pour ce qu’ils sont : l’essai portait sur un petit nombre de personnes, lesquelles, en outre, n’étaient pas déprimées. La chercheuse danoise révèle que la suite du travail, avec des personnes souffrant de dépression, est en cours. Parmi les volontaires qui seront invités à prendre le traitement, certains n’y répondront probablement pas, puisque les IRS ne sont pas efficaces sur tout le monde. Il sera alors intéressant d’examiner s’il y a une différence de neuroplasticité selon que les patients sont répondants ou non.


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