lundi 30 octobre 2023

AVC : les nouveaux traitements et la recherche contre les récidives

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La journée mondiale des accidents vasculaires cérébraux (AVC), une pathologie qui touche chaque année 140 000 personnes en France, a lieu dimanche 29 octobre.

« C’était samedi 30 septembre, je descendais les poubelles et j’ai perdu l’équilibre dans l’escalier. Je suis remonté chez moi, l’esprit un peu flou. Mon bras et ma jambe côté droit étaient comme paralysés et j’avais des douleurs au niveau du thorax », raconte Thibaut (il a souhaité garder l’anonymat) quelques jours plus tard dans sa chambre d’hôpital. Pris rapidement en charge par les pompiers, il a été transféré à l’unité neurovasculaire de l’hôpital Bichat - Claude-Bernard (AP-HP). Agé de seulement 39 ans, le jeune homme est encore sous le choc : il a fait un accident vasculaire cérébral (AVC). « A mon âge, franchement, je ne pensais pas que cela pouvait arriver. »

Chaque année, on dénombre 140 000 AVC en France, dont 40 000 conduisant au décès et 30 000 laissant la personne lourdement handicapée. « Cela touche toutes les tranches d’âge et augmente de façon linéaire », souligne Philippa Lavallée, neurologue, cheffe du centre d’accueil et de traitement de l’attaque cérébrale de l’hôpital Bichat.

L’accident survient lorsqu’une des grosses artères qui irriguent notre cerveau se bouche ou se rompt. Dans 80 % des AVC, un caillot sanguin ou une plaque d’athérosclérose riche en lipides obstrue l’artère : la circulation sanguine se bloque. C’est l’AVC ischémique aigu, ou « infarctus cérébral »« C’est une course contre la montre. Plus on prend en charge vite pour faire une recanalisation, plus le patient a une chance de récupérer », insiste-t-elle. On considère en effet que chaque minute qui s’écoule au cours d’un AVC ischémique conduit à la mort de deux millions de neurones.

Ne pas perdre une minute

Lorsqu’ils évoquent la thrombolyse intraveineuse consistant à injecter un médicament qui dissout le caillot, les médecins parlent de « Destop » – un déboucheur puissant pour canalisations. Mais ce traitement n’est efficace que dans les quatre heures et trente minutes qui suivent le début des symptômes et n’est pas sans risque d’hémorragie.

Pour ne pas perdre une minute, le Groupe hospitalier universitaire Paris (GHU Paris, hôpital Sainte-Anne), le SAMU de Paris et la brigade de sapeurs-pompiers de Paris testent la première unité neurovasculaire mobile française, avec à l’intérieur un scanner et un laboratoire biologique. A son bord, un médecin urgentiste ou un neurologue, un manipulateur d’électroradiologie et un ambulancier. Le scanner permet de déterminer si le patient fait un AVC ischémique et de commencer une thrombolyse dans l’ambulance. « L’étude, baptisée “Asphalt”, a été lancée le 16 octobre, et nous prévoyons d’inclure 450 patients en trois ans », précise le professeur Guillaume Turc, neurologue au GHU Paris et coordinateur de l’étude.

Au-delà de quatre heures et trente minutes, c’est la thrombectomie. Cela consiste à introduire un cathéter dans une artère, à le faire progresser jusqu’à l’artère cérébrale bouchée puis à déployer un stent-retriever, une sorte de filet qui accroche le caillot pour le retirer. « Le développement de la thrombectomie mécanique n’a pas été juste un progrès pour le traitement des AVC mais aussi une opportunité pour mieux comprendre la structure et la composition des caillots retirés, car jusqu’ici nous n’y avions pas accès, explique Benoît Ho-Tin-Noe, biologiste et pharmacologiste de l’hémostase et des vaisseaux (université Paris-Cité, Inserm). D’autant que 70 % des caillots sont résistants à la thrombolyse, et de 10 % à 20 % à la thrombectomie mécanique. » Un programme, développé par l’Inserm et l’entreprise Balt – une société spécialisée dans les dispositifs médicaux pour, notamment, le traitement des AVC –, s’intègre dans un projet plus large baptisé « Booster » et vise à développer une nouvelle génération de stent-retrievers. « L’idée est d’y greffer différentes molécules afin de reproduire un biomatériel ayant des capacités adhésives », résume le chercheur.

L’autre type d’AVC (20 % des cas) prend la forme d’une hémorragie cérébrale provoquée le plus souvent (65 %) par une rupture d’anévrisme. Longtemps, le traitement a consisté à ouvrir le crâne et à poser un clip au niveau du collet de l’anévrisme sur l’artère. « Aujourd’hui, grâce à la chirurgie endovasculaire, qui est utilisée dans 95 % des cas d’anévrisme, qu’il soit rompu ou pas, nous pouvons naviguer dans les artères cérébrales avec un microcathéter jusqu’à l’anévrisme, dont l’intérieur sera rempli de fils de platine, explique Aymeric Rouchaud, neuroradiologue au CHU de Limoges. On remonte jusqu’au sac anévrismal et on le remplit avec ces fils. Dans un anévrisme qui fait 7-8 mm on peut être amené à mettre deux mètres de fil de platine qui vont s’enchevêtrer comme une pelote pour l’occlure. »

La piste de la colchicine

Une fois la phase d’urgence passée, le rôle de l’équipe médicale « est d’améliorer la récupération, d’identifier la cause afin d’éviter la récidive », dit Philippa Lavallée. Depuis des années, un triptyque constitué d’un antiplaquettaire (aspirine ou clopidogrel, molécule du Plavix) ou d’un anticoagulant pour fluidifier le sang, d’une statine (le traitement de référence pour soigner l’excès de cholestérol) et d’un traitement contre l’hypertension permet de réduire les facteurs de risque et diminue la récidive. « Il y a d’autres médicaments antithrombotiques [anticaillot] actuellement testés dans des essais thérapeutiques pour diminuer le risque de récidive d’AVC, notamment un en France qui teste le ticagrélor, une molécule qui ressemble au clopidogrel mais qui a l’avantage, contrairement à ce dernier, d’être efficace chez tout le monde et déjà utilisé en prévention de l’infarctus du myocarde », précise-t-elle.

Hypertension, hypercholestérolémie, sédentarité, surpoids, tabac… Un autre facteur de risque vasculaire est actuellement ciblé : le risque inflammatoire. « Jusque-là nous n’avions que les statines qui agissent non seulement sur la diminution du cholestérol mais aussi sur l’inflammation de la plaque, mais pas suffisamment pour éradiquer ce phénomène. Or, si l’on pouvait supprimer l’inflammation, on supprimerait les ulcérations à la surface des plaques dathérosclérose, donc les thrombus ou caillots, et donc les infarctus cérébraux et les infarctus du myocarde », explique Pierre Amarenco, chef du service neurologie de l’hôpital Bichat.

Les chercheurs se sont tournés vers un vieux médicament, la colchicine. Ce très puissant anti-inflammatoire administré depuis longtemps dans le traitement de la goutte a aussi montré son efficacité dans la prévention de récidive de l’infarctus du myocarde. Deux grands essais (Colcot et Lodoco-2) ont en effet montré, comparativement au placebo, qu’après deux à trois ans de traitement il y avait de 25 % à 30 % en moins de récidives d’événement vasculaire majeur, y compris une diminution de l’incidence des AVC chez ces patients. « Un essai baptisé RIISC [reducing inflammation in ischemic stroke with colchicine] est en cours en France et bientôt au Canada, qui vise à inclure 2 800 patients qui ont eu un infarctus cérébral dû à l’athérosclérose, dont la moitié d’entre eux reçoit de la colchicine à faible dose et l’autre moitié ne reçoit pas de colchicine », précise Pierre Amarenco. Les chercheurs font l’hypothèse qu’il y aura 25 % d’AVC en moins pour les patients sous colchicine.

« Dans la prévention des maladies vasculaires, le risque inflammatoire vasculaire sera la grande affaire des années 2020-2040, veut croire le neurologue, quand l’hypertension artérielle a été celle des années 1980-2000, et le traitement du cholestérol celle des années 1990-2020. »

Une réduction possible de 80 % des AVC

Selon plusieurs études, 90 % des risques d’AVC dépendent de dix facteurs de risque modifiables : l’hypertention artérielle, le tabagisme, le surpoids, la sédentarité, une mauvaise alimentation, un taux de cholestérol trop élevé, le stress ou encore la dépression, des troubles du rythme cardiaque, l’alcool et le diabète. Or, le dépistage et le traitement de ces facteurs de risque permettraient de réduire le risque futur d’AVC de 80 %. La fondation Vaincre l’AVC propose un test en dix questions qui permet d’obtenir un compte rendu et des conseils.


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