lundi 11 septembre 2023

Ecole inclusive Scolarisation des élèves handicapés : le «oui, mais» des enseignants

par Elsa Maudet   publié le 8 septembre 2023

Un récent sondage montre que les professeurs sont favorables à l’accueil des élèves dyslexiques mais beaucoup moins à ceux porteurs d’une déficience intellectuelle. Le fait d’avoir ou non été formé à la question a son importance.

Quel regard les enseignants portent-ils sur la scolarisation des élèves handicapés ? La question est cruciale, tant leur adhésion est nécessaire à son bon déroulement – même si elle est loin d’être suffisante. Pour y répondre, le collectif «Ma place, c’est en classe», qui réunit plusieurs associations (APF France Handicap, FCPE, Droit au savoir…), a publié juste avant la rentrée scolaire un sondage de l’Ifop (1) qui objective bien ce qui remonte du terrain à longueur d’année : l’école inclusive, d’accord, mais pas forcément pour tous les types de handicaps.

Spontanément, indique l’étude, les professeurs parlent avant tout de «difficultés» et de «besoin [de] moyens» lorsqu’on leur demande ce que leur évoque l’école inclusive. 90 % estiment que «c’est un droit» (c’est ce que dit la loi), 81 % que «c’est normal», mais 95 % que c’est une source de travail supplémentaire, 81 % une source de tracas, 80 % une contrainte. 32 % affirment que le fait d’avoir accueilli un ou des élèves handicapés avait eu un impact négatif sur leur vie professionnelle, 68 % un impact positif.

Un fossé entre les types de handicaps

Derrière ces enseignements généraux, il est intéressant d’aller dans le détail. Ainsi, l’accueil des élèves «dys» (dyslexiques, dysphasiques…) et de ceux à mobilité réduite n’est pas loin de faire consensus, avec respectivement 88 % et 95 % d’enseignants favorables au fait qu’ils soient «scolarisés avec les autres enfants, dans des établissements scolaires ouverts à tous». Les résultats descendent à 76 % d’adhésion pour les élèves sourds, 73 % pour les élèves aveugles.

Se creuse alors un fossé avec d’autres types de handicaps : ils ne sont plus que 58 % à être favorables à une scolarisation ordinaire pour les enfants et adolescents autistes et ceux porteurs d’une déficience intellectuelle (comme la trisomie 21), 44 % pour ceux atteints de troubles psychiques (troubles psychotiques, obsessionnels compulsifs, bipolaires…).

Une plus grande acceptation chez les enseignants formés

«C’est à la fois attendu et toujours un peu dommageable. On voit le même type de distinction quand on interroge l’ensemble des Français», avance Emmanuel Guichardaz, responsable de projets chez Trisomie 21 France, association qui fait partie des commanditaires du sondage. Les chiffres varient toutefois selon que les professeurs ont été formés à la scolarisation des élèves à besoins particuliers ou non – seuls 26 % indiquent l’avoir été. Ainsi, 69 % des profs non formés se disent favorables à l’accueil de jeunes aveugles, contre 86 % de ceux formés. Pour les enfants et adolescents autistes, c’est 55 % des non-formés mais 68 % des formés, et pour les jeunes atteints de troubles psychiques, 41 % des non-formés mais 55 % des formés. «Ça renforce l’analyse que l’on a, qui est qu’une bonne partie des réticences vient de l’idée qu’ils se font du handicap», décrypte Emmanuel Guichardaz.

Les professeurs ayant déjà eu un élève atteint d’une déficience intellectuelle dans leur classe sont 67 % à être favorables à leur scolarisation – contre, rappelons-le, 58 % de l’ensemble de l’échantillon. «La déficience intellectuelle, c’est certainement un peu plus compliqué, concède le représentant de Trisomie 21 France,mais la part d’expérience joue.» Les moins de 35 ans sont plus favorables que leurs aînés à la scolarisation de ce type d’élèves (70 % contre 56 % chez les plus de 35 ans) ou de ceux ayant des troubles psychiques (56 % contre 43 %).

Meilleure collaboration avec le médico-social

A l’heure où certaines voix assument de dire que des jeunes (en particulier atteints de troubles du spectre autistique ou de trisomie 21) devraient relever des institutions spécialisées, lui insiste : «Tous les enfants ont leur place à l’école ordinaire. Si on ne tient pas un discours volontariste, on recule. Après, on ne dit pas que c’est simple.»

S’ils pouvaient disposer de moyens supplémentaires pour mieux enseigner à leurs élèves handicapés, les professeurs aimeraient en priorité davantage d’accompagnants d’élèves en situation de handicap, une baisse du nombre d’élèves dans la classe et être formés. Arrive en cinquième position l’idée d’avoir des professionnels du médico-social au sein de l’établissement, une piste sollicitée par nombre d’acteurs du champ du handicap.

«Il faut vraiment que ce soit un travail d’équipe, on ne peut pas laisser un enseignant seul dans ces situations [quand il est en difficulté, ndlr]. Aujourd’hui, on estime que des élèves n’ont pas leur place à l’école et qu’ils relèvent donc d’un IME [institut médico-éducatif]. Alors qu’on devrait penser le secteur médico-social comme un appui à la scolarisation et non comme la voiture-balai de ce dont ne veut pas l’éducation nationale», plaide Emmanuel Guichardaz. Des initiatives en ce sens existent çà et là, mais qui restent encore expérimentales et marginales au regard des besoins.

(1) Enquête menée auprès d’un échantillon de 601 personnes, représentatif du corps enseignant de l’école primaire au lycée, d’après la méthode des quotas après stratification par académie, sous forme de questionnaire auto-administré en ligne du 30 juin au 5 juillet.


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