lundi 25 septembre 2023

Dans les entreprises, les RH bousculées par les attentes d’une jeune génération exigeante

Par    Publié le 21 septembre 2023

Sociétés épinglées sur les réseaux sociaux pour greenwashing, entretiens d’embauche qui se muent en interrogatoires, demandes pour adopter des pratiques plus vertueuses en interne… Avec la transition écologique, le dialogue entre les responsables des ressources humaines et une certaine partie de la jeunesse est sous tension.

« Hier, ma fiancée s’est vu refuser une proposition d’emploi… parce qu’elle refuse de prendre l’avion. Mais le pire, c’est que l’entreprise se vante d’être neutre en carbone et de soutenir [l’organisation]WWF. » Posté sur LinkedIn au printemps 2023, ce message de Guillaume de Lustrac, jeune consultant en bilan carbone, a été abondamment partagé et commenté sur les réseaux sociaux. Par une jeune génération engagée, mais aussi par des directeurs des ressources humaines (RH), bousculés par les attentes des nouvelles recrues. Quels sont vos engagements environnementaux ? Quelles certifications avez-vous obtenues sur ces sujets ? Vous n’êtes pas une entreprise à mission, pourquoi ? Telles sont les questions qui sont fréquemment adressées aux recruteurs.

A l’ère de l’urgence écologique, les entretiens d’embauche se muent en interrogatoires sur la sincérité et l’ampleur de l’engagement des entreprises. « Parmi les candidats qu’on appelle, certains déclinent des propositions d’entretien parce que l’on travaille avec telle entreprise dans le secteur de l’armement ou telle autre dans le secteur du tabac », confie Frédéric Benay. Le directeur général du cabinet de recrutement PageGroup invite ses clients à « incarner les valeurs de l’entreprise, au risque, sinon, de se couper de nombreux jeunes talents ». Selon une étude réalisée, en juin 2021, par l’institut CSA pour LinkedIn et l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, à offre équivalente, 78 % des salariés préféreraient rejoindre une entreprise engagée pour la transition écologique. Pour les nouveaux arrivants sur le marché de l’emploi, l’impact environnemental est la transformation de l’entreprise la plus attendue, d’après la dernière étude d’avril 2023 sur le rapport au travail des diplômés des grandes écoles, conduite par le NewGen Talent Centre, le centre d’expertise de l’Edhec Business School consacré aux aspirations, compétences et comportements des jeunes générations.

« Every job is a digital job », martelait-on dans les années 2010, lors de la transformation digitale des entreprises. « Aujourd’hui, on pourrait ajouter : “Every job is a green job.” Et la fonction RH tout particulièrement, en raison du caractère extrêmement varié de son action », résume Antoine Poincaré, vice-président d’Axa Climate School. De la gestion des carrières à la communication en passant par les conditions de travail et la rémunération, les ressources humaines sont au cœur de la transition écologique. Et ce, dès l’entretien d’embauche, au cours duquel l’entreprise prête le flanc aux suspicions de greenwashing (« verdissement »).

Développement du « temps de trajet responsable »

Directeur du Lab RH, une association professionnelle qui promeut l’innovation dans le domaine des ressources humaines, Alexandre Stourbe incite les entreprises à concevoir des fiches de poste intégrant la dimension écologique au cœur même du métier : « Au lieu de mentionner, au détour d’une phrase, que l’entreprise est engagée dans le sujet de la transition écologique, recrutons des chefs de projet biodiversité, des responsables achats durables, des comptables avec une approche écologique. C’est bien plus efficace. »

D’après M. Stourbe, le rôle des RH au moment du recrutement est d’autant plus important dans le contexte actuel de forte inflation : « On assiste à une sorte de retour en arrière, avec des jeunes qui attribuent plus d’importance au salaire qu’à la responsabilité sociétale des entreprises, et qui préfèrent les grands groupes du CAC 40 aux jeunes pousses. Aux RH de se mobiliser sur la transition écologique, et ce, dans tous les volets de la vie de l’entreprise. »

Une fois l’embauche actée, les RH doivent travailler l’onboarding, l’intégration des nouveaux collaborateurs. « La machine à café avec des gobelets en plastique, ce n’est plus possible », illustre Frédéric Benay. Le manageur doit également savoir vulgariser les actions moins visibles, mais à plus grand impact, précise ledirecteur général de PageGroup : « Est-ce que, par exemple, les bureaux sont alimentés en énergie verte ? Ce n’est pas un budget que les RH maîtrisent. En revanche, c’est à eux de communiquer sur le sujet auprès des employés pour que ces derniers n’aient pas l’impression que l’engagement de leur entreprise s’arrête à la dosette de café. »


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