samedi 12 août 2023

Publié le 10/08/2023

Proche du célèbre rasoir d’Ockham[1] (stipulant que, pour expliquer un phénomène, il convient d’abord de « raser », c’est-à-dire d’éliminer les explications les plus complexes et improbables) et vulgarisé après la Seconde Guerre Mondiale par Théodore Woodward (chercheur à l’Université du Maryland), l’aphorisme du « zèbre » est enseigné dans les facultés de médecine anglo-saxonnes pour conseiller aux étudiants de penser d’abord aux diagnostics les plus simples et les plus probables, en allant droit au but pour minimiser des examens complémentaires coûteux et inutiles : « Quand vous entendez des bruits de sabots derrière vous, pensez plutôt à un cheval qu’à un zèbre ! ».

Populaire dans les milieux médicaux aux États-Unis, la loi de Sutton[2] véhicule la même idée. Mais sa dénomination a une origine très inattendue pour un concept épistémologique, puisqu’elle fait référence à... un braqueur de banques aux États-Unis, William Sutton (1901-1980), en paraphrasant une maxime que lui attribua un journaliste lors d’une interview ! À la question « pourquoi avoir braqué des banques ? », Sutton lui aurait en effet apporté cette simple réponse d’une évidence déconcertante : « Parce que c’est là que se trouve l’argent ! ».

Du braquage de banque à la biologie moléculaire

Les éditorialistes de l’American Journal of Psychiatry proposent son application aux stratégies de recherches pour élucider la biologie moléculaire des maladies cérébrales, conformément à la loi de Sutton. Avec notamment cette interrogation rasant la complexité d’explications exotiques ou complexes : « Si les faibles niveaux de somatostatine et de parvalbumine dans le cortex préfrontal dorsolatéral des patients atteints de schizophrénie ne sont pas liés à une perte de neurones et/ou à une migration anormale, quelles sont les causes de ce phénomène ? ».

Pour les auteurs, l’étude du cerveau humain post-mortem constitue une démonstration retentissante de la sagesse de cette stratégie (du type Sutton ou rasoir d’Ockham), par exemple quand les travaux d’Oleh Hornykiewicz et Herbert Ehringer confirment en 1960 la diminution de la dopamine dans le striatum des cerveaux de patients décédés avec une maladie de Parkinson[3]. Ces recherches ouvrent ensuite la voie à l’utilisation de la L-dopa, précurseur métabolique de la dopamine, dans le traitement de la maladie de Parkinson.

Et bien que le succès spectaculaire de cette approche pour la maladie de Parkinson ne soit pas encore égalé dans d’autres troubles neuropsychiatriques, les études post-mortem sur le cerveau dans la schizophrénie avancent avec un certain nombre d’hypothèses nouvelles, propulsées par les progrès du projet du génome humain et du Psychiatric Genomics Consortium[4].

Ces travaux rappellent notamment l’importance du cortex préfrontal pour les déficits cognitifs caractérisant la schizophrénie et révèlent que la baisse de la production de somatostatine et de parvalbumine dans le cortex préfrontal dorsolatéral des patients schizophrènes est liée à des niveaux inférieurs par neurone, et non à une diminution du nombre de neurones (are secondary to lower levels per neuron, not to decreased numbers of neurons).

[1] https://fr.wikipedia.org/wiki/Rasoir_d%27Ockham

[2] https://en.wikipedia.org/wiki/Sutton%27s_law

[3] https://www.nature.com/articles/s41531-020-00149-4

[4] https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC5756100/

Dr Alain Cohen


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