mardi 4 juillet 2023

L’intelligence artificielle matche déjà avec les applis de rencontre

par Katia Dansoko Touré  publié le 19 juin 2023

Si le recours à l’IA est déjà croissant sur les sites de «dating», des outils comme ChatGPT offrent même la possibilité de draguer en ligne à la place des utilisateurs.

De ChatGPT à Midjourney, les intelligences artificielles sont devenues omniprésentes dans l’actualité… et dans nos vies. «Libération» a demandé à Cédric Villani d’être son rédacteur en chef d’un jour pour un numéro spécial entièrement consacré aux IA. 

Les applis de dating promettent à chacun de pouvoir faire des rencontres… Encore faut-il savoir quoi dire lorsque l’on obtient un «match». Pour vous aider à séduire, des bots se proposent désormais de faire le premier pas à votre place. Sur la première marche du podium : ChatGPT, ce robot conversationnel (lancé en novembre 2022 par l’entreprise OpenAI, basée à San Francisco et coprésidée par Elon Musk) qui s’immisce déjà dans tous les domaines. Son principe : créer des dialogues à partir de n’importe quelle demande de l’internaute. Sur TikTok, de nombreux usagers expliquent comment ils ont fait appel à ChatGPT pour draguer sur Tinder. Histoire de trouver les bonnes questions à poser, voire de pouvoir envoyer des poèmes d’amour…

Double virtuel

Autre exemple : celui de Snack. Cette appli, créée au Canada en 2021 par Kimberly Kaplan, spécialiste entre autres de tech et de marketing, et pour le moment seulement disponible outre-Atlantique sur iOS, est dédiée à la génération Z (les moins de 25 ans). Snack, qui entend former la prochaine génération de «daters», propose la création d’un avatar qui sélectionne pour l’utilisateur les profils à même de lui plaire, après que celui-ci a fait part de ses goûts et envies. Le double virtuel est même en mesure de bloquer les profils qui ne se manifestent plus après une première conversation. En gros, votre avatar vous évite d’être lassé de swiper (faire glisser un profil à droite pour le sélectionner ou à gauche pour l’exclure) ou s’occupe des abonnés absents (phénomène du «ghosting»).

En mai, l’application de rencontres française Happn a rendu publics les résultats d’un sondage effectué auprès de 1 065 célibataires – femmes et hommes confondus. Il en résulte qu’en France une personne sur trois utilisant cette appli aurait déjà fait appel à une intelligence artificielle pour draguer en ligne. Autres résultats : 64 % des personnes interrogées se disent prêtes à sauter le pas tandis que 29 % sont carrément contre. Peut-on pour autant parler de tendance ? L’intelligence artificielle dessine-t-elle le futur des applis de dating ?

Fins sécuritaires

Pour Claire Rénier, responsable des tendances chez Happn, il est encore trop tôt pour le dire. «Faire appel à l’intelligence artificielle pour une appli de rencontres répond, pour le moment, à un effet de curiosité, analyse-t-elle. Il s’agit d’un signal qui indique que les célibataires ont besoin d’inspiration pour faire le premier pas. Cela revient à consulter ses amis avant l’envoi d’un texto à un éventuel crush dans la vraie vie.» Et d’ajouter que l’intelligence artificielle ne saurait remplacer l’être humain, et que son usage doit s’effectuer dans le respect de l’éthique – comme faire appel à un bot seulement pour déterminer les affinités des utilisateurs. L’intelligence artificielle est de fait d’ores et déjà utilisée, notamment chez Happn, à des fins sécuritaires : lutte contre la fraude, vérification du nombre de likes à la seconde ou de l’usage de photos provenant de banques d’images.

En matière d’éthique, un outil offre un bon exemple de dérapage. Destinée aux hommes hétéros, la toute première version de CupidBot.ai a été lancée en mars par un collectif américain dont les membres affirment être d’anciens employés de Tinder. Ils expliquent, dans un échange avec le média américain Vice, avoir voulu permettre aux hommes hétérosexuels, qui souffriraient d’une forme d’invisibilité et seraient désavantagés par rapport aux femmes sur les applis de rencontres, de pouvoir obtenir des rendez-vous le plus rapidement possible. Pour 15 dollars par mois, un bot prend la place de l’utilisateur sur n’importe quelle appli de rencontres pour échanger avec des femmes qui n’ont aucune idée qu’elles répondent à un robot. En somme, l’intéressé peut obtenir son «date» en se débarrassant de l’étape «discussion». Vous avez dit flippant et masculiniste ?


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