mercredi 26 juillet 2023

Les meilleurs podcasts féministes, pour faire exploser le patriarcat

Publié le 21 juillet 2023

De la colère à la violence et de la conquête du pantalon au féminisme noir, notre sélection de seize podcasts qui éclairent la lutte pour l’égalité des sexes. Tout autant destinés aux hommes qu’aux femmes.

Illustration Télérama avec Getty Images

Par  Inès Yazidi,  Carole Lefrançois,  Benjamin Roure,  Mathilde Loire,  Fatine Gadri,  Matilde Meslin,  Sophie Gindensperger,  Elise Racque

Publié le 21 juillet 2023

“Qu’est-ce qui pourrait sauver l’amour ?” dans “LSD, La série documentaire”, sur France Culture

Que c’est compliqué, l’amour ! Pourtant il est partout, du prince charmant de Perrault jusqu’au Tinder d’aujourd’hui. Ovidie s’interroge : ne s’agirait-il pas d’une « invention de toutes pièces destinée à arnaquer encore un peu plus les femmes »  ? Dans quatre épisodes soignés, la journaliste et autrice dissèque ce sentiment complexe : le mariage est-il politique ? L’amour dure-t-il vraiment trois ans ? Sur fond d’extraits de films (Quand Harry rencontre Sally) et de chansons (Marry You, de Bruno Mars), le panorama pluridisciplinaire mêle habilement féminisme, sociologie et sciences. Ovidie donne la parole à des historiens, autrices ou journalistes qui racontent leurs expériences de rupture. Ce qui démoraliserait même un peu la productrice : « Si l’amour, c’est si pourri, pourquoi on en veut toujours ? » Les mots du philosophe Denis Moreau ne pourraient pas sonner plus juste : « L’amour, ça rend heureux. Pas forcément tout le monde, mais certaines personnes. Et si vous trouvez un état de vie qui rend tout le monde heureux, prévenez-moi. »

Qu’est-ce qui pourrait sauver l’amour ?, réalisation Julie Beressi, 8 x 28 mn.

“L’art, une affaire d’hommes ?”, sur RCF

À la mention de l’« art abstrait », certains pensent à Mondrian, d’autres à Kandinsky ou à Delaunay. Mais qu’en est-il de « la mère oubliée » de l’abstraction, Hilma af Klint ? La pionnière suédoise – l’une des premières étudiantes en art en 1884 – a consacré sa vie à la peinture, entre exploration de l’invisible et étude du spiritualisme. Mais rien n’y fait : son nom n’est pas retenu au même rang que ceux de ses homologues masculins. Cette injustice est révélée parmi la dizaine d’autres expliquées sur RCF par Sarah Banmouha. L’art, une affaire d’hommes ? retrace ces destinées artistiques féminines (volontairement) oubliées ou bafouées. Et ce à travers l’histoire, de la peintre du XVIIᵉ siècle Artemisia Gentileschi à l’artiste moderne Marie Laurencin ou la contemporaine Margaret Keane, dont le mari signa longtemps les œuvres car, clamait-il, « les toiles se vendent mieux lorsque l’artiste est un homme ». Si les histoires sont un peu trop récitées, le podcast permet de mettre ces femmes en lumière. Celle qu’elles auraient méritée en leur temps.


“Les aboyeuses” dans “Une histoire particulière”, sur France Culture

C‘est un phénomène étrange qui s’est tenu, de 1728 à 1953, dans la petite ville de Josselin, dans le Morbihan. Aujourd’hui encore, les gens du cru en parlent à demi-mot au micro de Céline du Chéné dans Une histoire particulière, sur France Culture. L’affaire attirait alors des foules de badauds pendant l’Assomption, lors de la fête patronale de Notre-Dame-du-Roncier, où chaque année des femmes entraient en transe. Seul un baiser sur la statuette de la Vierge miraculeuse pouvait les en délivrer, mettant aussitôt un terme au calvaire de celles que l’on surnommait les « aboyeuses » en raison de la bestialité de leur râle. Si le Grand Pardon existe toujours, la ferveur n’est plus la même et plus aucune malheureuse ne vient « assurer l’ambiance » des festivités où les pécheresses étaient inévitablement des femmes en proie à l’hystérie. Avec ces « possédées », qui doivent expier coûte que coûte, la productrice explore avec fascination une frontière poreuse entre féminisme et sorcellerie.


Les aboyeusesréalisation Yvon Croizier, 2 x 23 mn.

“Picasso, séparer l’homme de l’artiste”, dans “Vénus s’épilait-elle la chatte ?”

En s’intéressant au génie de Picasso, Julie Beauzac ne s’attendait pas à rencontrer le Minotaure, corps et âme. Violences physiques, psychiques et sexuelles, pédocriminalité, homophobie Proches du peintre et historiens confirment les faits dans cet épisode saisissant de Vénus s’épilait-elle la chatte ? – un podcast qui déconstruit l’histoire de l’art occidental sous un angle féministe. Ainsi les périodes de son travail pictural correspondent à chacune de ses compagnes, chair à pétrir, à marquer et à désincarner avant de passer à la suivante, dont la photographe Dora Maar : « Picasso l’humiliait quotidiennement, il la frappait et parfois jusqu’à ce qu’elle perde connaissance. » « Il avait besoin de sang pour signer chacune de ses toiles, confirme sa petite-fille Marina Picasso, celui de tous ceux qui, croyant aimer un homme, ont aimé Picasso. »

Picasso, séparer l’homme de l’artiste. Réalisation : Julie Beauzac. 1h11.

“Les fantômes de l’hystérie, histoire d’une parole confisquée” dans “LSD, La série documentaire”, sur France Culture

Hier, la femme hystérique était une simulatrice de crises de nerfs excessives. Aujourd’hui, c’est celle qui ose exprimer son mécontentement, sa colère, sa douleur. Depuis l’Antiquité, l’hystérie est « un mystère qui traverse les âges », une fiction, un mythe… Pourtant, ce concept misogyne – qui renvoie étymologiquement à l’utérus – est encore présent dans les cours de médecine, les expertises judiciaires, les débats politiques ou les diagnostics psychanalytiques. Pourquoi continue-t-il de disqualifier celles qui s’expriment ? La documentariste Pauline Chanu a remonté le fil de cette histoire longue et violente. « La banalisation de ce terme, tous milieux confondus, a des effets dramatiques. Sur celles dont le diagnostic – de l’endométriose, par exemple – n’est jamais une priorité, celles qui ne sont pas écoutées lorsqu’elles dénoncent les violences conjugales… », explique-t-elle. À travers des témoignages glaçants et des avis d’experts, elle décrypte de façon très pertinente ce que l’usage du mot « hystérie » dit de la place des femmes dans la société.

Les fantômes de l’hystérie, histoire d’une parole confisquéeréalisation Annabelle Brouard, 4 x 57 mn.

“Doit-on encore avoir peur d’être une vieille fille” dans “Sans oser le demander”, sur France Culture

Arrivée seule à un dîner où les couples sont nombreux, Bridget Jones se heurte à la fâcheuse question : « Et toi, comment ça se fait que tu sois encore célibataire ? » Elle devient alors ce sujet de curiosité et, aux yeux de tous, une « vieille fille ». C’est cette figure repoussoir que Marie Kock scrute avec précision dans Sans oser le demander, sur France Culture. Au micro de Géraldine Mosna-Savoye (dont les réflexions sont tout aussi pertinentes que celles de son invitée), la journaliste dresse donc le portrait de la vieille fille, des recluses du Moyen Âge jusqu’aux célibataires d’aujourd’hui. Doit-on encore en avoir peur ? Celle qui vit seule, ou qui a « abandonné la partie », porte une « parole dissonante », presque dangereuse tant elle « pourrait donner envie aux femmes mariées de vivre autrement ». Cet échange féministe met aussi en lumière un phénomène injuste : « La vieille fille peut bien dire ce qu’elle veut, on lui enverra toujours à la figure qu’elle ne peut rien comprendre, puisqu’elle n’est ni mère ni épouse. »

Doit-on encore avoir peur d’être une vieille fille ?réalisation Nicolas Berger, 58 mn.

“L’Antidote”, dans “La poudre”, sur Nouvelles Écoutes

Lauren Bastide a rencontré des sorcières, un soir de pleine lune. Non seulement les féministes qui ont récupéré cette figure symbolique pour l’agiter comme un spectre d’une force surnaturelle, mais aussi les sorcières originelles, « celles qui bidouillent des herbes, tâtent des cristaux, lisant le tarot ». Elle est sortie « entre la peur et la honte » pour participer à un rituel, tirant le fil qui lui ouvrirait le monde des sorcières modernes – certaines connues comme l’artiste Camille Du­cel­lier, l’autrice Taous Merakchi ou d’autres anonymes, celles du Witch Bloc de Paris, actives dans des manifestations où les incantations appuient les slogans des pancartes.

L’Antidote. Réalisation : Aurore Meyer-Mahieu. 1h37.

“Nuit des compositrices françaises”, sur France Culture

« L‘oubli est une mécanique parfois difficile à comprendre : la faute au hasard, aux circonstances historiques sans doute, et aussi au sexisme… », tente, en introduction de cette nuit thématique, le producteur Mathias Le Gargasson sur France Culture. Nourrie d’archives, cette spéciale « compositrices françaises » met d’abord en valeur Germaine Tailleferre (1892-1983), membre du groupe des Six avec Francis Poulenc et Darius Milhaud. Dans Bon voyage, en 1960, c’est de ses célèbres camarades qu’on la fait parler, plutôt que d’elle-même. À l’écoute de ces émissions du passé – sur ou avec Elsa Barraine, Claude Arrieu ou les sœurs Nadia et Lili Boulanger –, on est frappé par la façon d’aborder plus volontiers un parcours plutôt qu’une pratique de la musique. En 1995, pour la Journée de la femme, David Jisse invitait Michèle Reverdy. « On pardonne plus difficilement à une femme qu’à un homme sa médiocrité, assurait-elle alors. La situation de chef d’orchestre ou de compositeur sous-entendant une volonté de puissance, cela chiffonne ces messieurs qu’une femme puisse le devenir. »

Nuit des compositrices françaises, réalisation Antoine Larcher, 7h.

Virginie Despentes dans “Les couilles sur la table”, sur Binge Audio

Radical, féministe et terriblement actuel. Seize ans après sa sortie, King Kong Théorie, l’essai autobiographique de Virginie Despentes, est loin d’avoir dit son dernier mot. Pour preuve, les deux heures d’entretien – découpées en quatre épisodes – que l’autrice et réalisatrice a accordées à Victoire Tuaillon, l’animatrice du podcast sur les masculinités Les couilles sur la table, sur Binge Audio. On y retrouve une Despentes tranchée – « Pour moi, c’est inéluctable que les femmes se détournent des hommes » –, crue, aussi. Ses convictions sont les mêmes, mais le monde qu’elle observe autour d’elle, moins. Celui d’après #MeToo, certes, mais surtout celui qui a pris acte de plusieurs décennies de luttes féministes, note-t-elle. Dans cette série, on (re) découvre sa réelle empathie, projetée sur cette masculinité par ailleurs dénoncée.

Les couilles sur la table avec Virginie Despentes. Réalisation : Quentin Bresson. 4 × 28 à 38 mn.

“Je suis noire et je n’aime pas Beyoncé : une histoire des féminismes noirs francophones”, dans “LSD, la série documentaire”, sur France Culture

La chanteuse Beyoncé a certes contribué à visibiliser la femme noire en tant qu’icône pop, à la manière d’une Whitney Houston, mais la féminité qu’elle représente ne parle pas à toutes, affirme l’autrice féministe Axelle Jah Njiké, qui produit cette série documentaire. « J’ai beaucoup de respect pour ce qu’elle fait, mais je trouve qu’on lui accorde beaucoup trop de crédit », observe l’historienne Pamela Ohene-Nyako. Ces quatre épisodes, réunis sous un titre gentiment provocateur, déconstruisent les raccourcis faits au sujet des féministes noires, trop souvent réduites à un bloc monolithique. Et donne la parole à des militantes aux points de vue divers, dont la réalisatrice Amandine Gay. Qui rappelle que les origines comme les classes sociales de chacune varient.


“Des femmes violentes”, dans “Un podcast à soi”, sur Arte Radio

Ce rendez-vous mensuel sur le féminisme, lancé par Charlotte Bienaimé sur Arte Radio en octobre 2017, a contribué en l’espace d’une poignée d’années à faire évoluer les mentalités, en questionnant les rapports de domination et les émancipations possibles peu avant la vague #MeToo. Après une année de silence, la productrice revenait avec un sujet fort consacré aux femmes violentes, une minisérie en quatre épisodes. Le premier volet sonde l’origine de cette colère jusqu’au passage à l’acte irrémédiable. Des récits, à commencer par le sien : « Mon silence ne me protégera pas, ce que j’ai traversé résonne fort avec la parole des femmes que vous allez entendre. Je me sens proche d’elles par la colère immense, foudroyante […]. J’ai compris pourquoi certaines femmes passent à l’acte. La violence ne nous est pas étrangère. »

Des femmes violentes. Réalisation : Samuel Hirsch. 4 × 1h à 1h18.

“Unique en son genre”, sur France Inter

« Dans notre société, tout est fait pour nous apprendre dès l’enfance que nous devons souscrire à un certain nombre de normes, de façon à entrer dans les rôles attendus pour nous », écrivait Marguerite Duras, citée en ouverture de l’émission. La productrice Giulia Foïs reçoit une digne héritière de Simone de Beauvoir, la philosophe féministe Camille Froidevaux-Metterie. Elle pointe l’objectivation corporelle des femmes : « Cette définition immémoriale selon laquelle les femmes doivent être assignées dans leurs fonctions sexuelles et maternelles. » Pour aborder ce type de sujets sensibles, Unique en son genre respecte le choix de la parité. « Si on parle des femmes, on parle aussi des hommes, insiste Giulia Foïs. J’en veux un peu au discours médiatique global qui vise à les acculer, les faire paniquer. Il faut leur dire qu’ils vont enfin avoir le droit d’arrêter de foncer tête baissée dans ce qui est une virilité uniforme, univoque, qu’on leur impose. »

Unique en son genre. Réalisation : Marie-Annick Raimbault. 54 mn.

“Im / patiente”, sur Nouvelles Écoutes

Diagnostiquée depuis trois ans, Maëlle Sigonneau constate souvent le sexisme dont les femmes atteintes d’un cancer du sein sont victimes. « C’est très important de préserver votre féminité », leur répète le personnel soignant, en présentant perruques, maquillage, foulards, prothèses et crèmes hydratantes. Si certaines ont besoin de continuer à être coquettes pour garder le moral, pour d’autres ce n’est pas le cas : Maëlle Sigonneau enrage qu’on demande à celles qui se battent pour leur vie de rester désirables malgré tout. En mêlant témoignage à la première personne, interviews de malades et de soignants, et instants de vie reconstitués par des comédiens, ce documentaire féministe, imaginé avec l’anthropologue de la santé Mounia El Kotni, bouscule tous les stéréotypes sur le cancer du sein et questionne ce que signifie « se sentir femme ».

Im / patiente. Réalisation : Aurore Meyer-Mahieu. 8 × 30 mn.

“Laisse parler les femmes”, dans “LSD, la série documentaire”, sur France Culture

Dans ces huit épisodes, pas d’experte ni de parole militante. Les journalistes Marine Beccarelli, Léa Capuano, Pauline Chanu et Maïwenn Guiziou ont choisi de tendre leurs micros à des femmes anonymes, de tous âges, tous milieux sociaux et tous lieux de vie. Pour vraiment, comme l’annonce le titre de la série, laisser parler les femmes. La promesse est tenue. Dès les premières minutes, le texte introductif des productrices place ce documentaire sous le signe de la sensibilité. Et dès le premier épisode, l’auditeur est mis face à une réalité que, parfois, on voudrait oublier : le sexisme, l’objectivation des corps féminins, gangrène encore et toujours notre société, dès la cour de récré. De la salle d’accouchement à la maison de retraite, rencontre après rencontre, la série se mue en un chœur de femmes spontanées, authentiques et touchantes. Leur parole est d’autant plus percutante que la réalisation leur laisse toute la place qu’elle mérite, sans questions ou presque.

Laisse parler les femmes. Réalisation : Annabelle Brouard. 8 × 30 mn.

“Agnès, fille de Thérèse Clerc”, dans “Filles de lutte”, sur Spotify

Filles et petites-filles d’illustres féministes, comment se saisissent-elles de cet héritage ? Pour le podcast Filles de lutte (Spotify), Ilham Maad et Merry Royer ont rencontré plusieurs d’entre elles, dont Agnès Fonbonne. Sa mère, Thérèse Clerc, fut une grande militante pour le droit à l’avortement. Elle se souvient avoir assisté sa mère lors d’opérations clandestines sur une table de cuisine – jusqu’à ce que la loi Veil soit promulguée, en 1975. Elle grandit ainsi dans un monde où les femmes ont le pouvoir. Pourtant, elle tombera sous le joug du patriarcat, « là où tout est sujet à culpabilité dans le seul but d’acculer les femmes, coincées entre tous leurs rôles ». Des mots qui trouvent un écho chez les productrices : « Son histoire nous a donné une force incroyable, celle d’aller conquérir cette liberté qui nous glisse entre les doigts, et d’envoyer valser ces culpabilités pour embrasser nos luttes»

Agnès, fille de Thérèse Clerc. Réalisation : Lucie Aussel. 29 mn.

“Colères”, dans “Écoute-la”, sur Acast

« Je ressens de la colère mais j’ai beaucoup de mal à la rendre visible », regrette une jeune femme au micro de Paloma Colombe. Dans le troisième épisode d’Écoute-la, la DJ et documentariste demande à des anonymes ce qui les rend furieuses. En questionnant leur rapport à la colère, les intervenantes tracent les contours d’une émotion motrice de luttes : « Sans elle, on aurait probablement des droits encore plus inégaux face aux hommes. Elle est un bouclier intérieur face à la déprime et représente la force de se battre. » Paloma Colombe confectionne ici un objet sonore hybride, à mi-chemin entre l’entretien et le mix musical. Un podcast guerrier et enivrant qui s’écoute comme un long morceau de musique.

Colères. Réalisation : Paloma Colombe et Pierre Antoine-Piezanowski. 31 mn.

“Intime & politique”, sur Nouvelles Écoutes

Ovidie, documentariste et autrice engagée, n’avait pas anticipé que l’adolescence de sa fille remettrait en question ses fondamentaux de militante féministe pro-sexe. Ni qu’elle deviendrait une mère aussi restrictive. Sur Nouvelles Écoutes, elle partage une conversation éclairante et franche qu’elles ont eue, au cours de laquelle elle questionne avec tendresse la parentalité. Elle aborde aussi sans détour sa carrière de star du porno, et la stigmatisation qu’elle a subie lorsqu’elle était enceinte : « Comment feras-tu quand ton enfant tombera sur tes films ? Et si on le traite de fils de pute ? Tu ferais mieux d’avorter… » Au micro, sa fille lui fait des reproches, estimant que son angoisse maternelle déteint sur elle. Le premier épisode d’Intime & politique, intitulé Juste avant, aborde précisément cet entre-deux où une femme en devenir comprend douloureusement que l’homme qui était un père, un frère ou un ami peut se muer un jour en prédateur.

Intime & politique. Réalisation : Marine Rau. 8 × 30 mn.

“Gina vers la conquête du pantalon”, dans “Chères pionnières”, sur RTS

Noël 1954, Zurich. Sous le sapin de Gina, un paquet portant l’étiquette d’un magasin de vêtements de la ville. Et dedans, miracle, un pantalon ! « Mon père était d’origine sicilienne et avait jusqu’alors refusé que je porte un pantalon, sauf pour le sport ou le ski, raconte la septuagénaire. Ce cadeau fut une vraie conquête. » La retraitée se confie avec humour et clairvoyance à Sarah Clément et Juliane Roncoroni dans le podcast de la radio suisse RTS Chères pionnières. Une série tendre, qui met en avant l’héritage du combat pour les droits des femmes mené par les générations précédentes. L’épisode sur le pantalon de Gina est aussi l’occasion d’étendre le débat sur la tenue vestimentaire « adéquate » des jeunes femmes : « Et si l’enjeu était simplement de ne pas être réduite à ce que l’on porte, tout en voulant plaire dans son pantalon ou sa minijupe ? »

Gina vers la conquête du pantalon. Réalisation : David Golan. 2 mn.

“Les Demoiselles de Rochefort et les Demy-hommes”, dans “Cinérameuf”, sur Deezer

« Jacques Demy livre dans ce film à l’esthétique camp son rapport aux identités de genre, et plus spécifiquement aux masculinités loin des clichés virilistes. » Ainsi Alice Creusot décrit-elle Les Demoiselles de Rochefortde Jacques Demy (1967), dans le cinquième épisode de Cinérameuf (sur Deezer), qui analyse de façon enthousiaste et pédagogue des films cultes sous l’angle féministe. Le camp, détaille à son micro la réalisatrice et productrice Sabrina Bouarour, « se caractérise par l’artifice, l’exagération, la mise à distance, l’ironie […]. Il y a cette idée que la vie est une représentation théâtrale »… Comme dans un film où l’on chante la comédie comme la tragédie, un féminicide comme un idéal féminin. L’argumentaire, entrecoupé d’extraits du film, est efficace. Et l’épisode, bien ficelé.

Les Demoiselles de Rochefort et les Demy-hommes. Réalisation : Alice Creusot. 5 × 30 mn.

“Delphine Seyrig en rêve”, dans “Boomerang”, sur France Inter

En 2020, pour accompagner une journée « Toutes féministes » sur France Inter, impossible pour le producteur Augustin Trapenard (Boomerang) de trouver meilleure ambassadrice que l’actrice Delphine Seyrig, féministe radicale, signataire du Manifeste des 343 salopes et grande défenseuse de l’avortement. Seul hic : l’actrice est morte en 1990. Il en fallait plus pour effrayer l’animateur, qui la ressuscite grâce à un patchwork d’archives à la qualité sonore disparate mais au discours très actuel : « C’est difficile pour une femme de se dire “moi, qu’est-ce que je suis, qu’est-ce que je veux ?” Elles se sentent coupables et c’est bien normal, on leur a fait sentir que leur rôle était de s’occuper des autres. » Charge mentale, autocensure, engagement militant, avortement… Rien n’est laissé de côté par l’entretien fantôme, pas même l’ambivalence d’être actrice, et donc objet de désir, quand on milite pour les droits des femmes.

Delphine Seyrig en rêve. Réalisation : Lola Costantini. 33 mn.


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