dimanche 4 juin 2023

Le parrainage de proximité : des liens, du fun et de l’apaisement pour les enfants en situation de fragilité

Par Anaïs Coignac   Publié le 1er juin 2023

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France Parrainages fait partie de ces associations proposant à des adultes bénévoles d’apporter soutien, confort et ouverture à un enfant d’origine modeste, qui habite près de chez eux. Une formule gagnante pour tous.

Charlotte Ménard, son filleul, Souleiman (à gauche), Amadou, le frère de Souleiman, et Vincent, le compagnon de Charlotte. A Paris, le 18 mars 2023.

Un placard à jeux, des gâteaux pour le goûter et des billets de train pour enfant. Depuis un an, Charlotte Ménard a fait apparaître tout cela dans son appartement parisien, en même temps que Souleiman est entré dans la vie de cette psychologue de 30 ans. « On est allés au parc, à la fête foraine, à la piscine, au cinéma », énumère l’enfant de 7 ans et demi, scolarisé à quelques encablures de là, à Saint-Ouen, en Seine-Saint-Denis. Le garçon retrouve sa « marraine » tous les quinze jours, pour l’après-midi ou pour un bout du week-end, et parfois une semaine pendant les vacances. « On se voit un peu toujours au même rythme. Au début, c’était beaucoup à l’extérieur et puis il a demandé à venir dormir. L’été dernier, je l’ai emmené une semaine à Granville [Manche] chez mes parents. Ça s’est fait très vite », explique la jeune femme.

Le duo s’est rencontré par le biais de l’association France Parrainages, qui propose à des parrains et marraines de cœur de consacrer bénévolement du temps à un enfant, un adolescent ou un jeune, en situation de fragilité vivant près de chez eux, et extérieur à leur environnement. Spécialisée en protection de l’enfance, Charlotte avait découvert le dispositif à travers son exercice professionnel, en assurant le suivi d’enfants bénéficiaires. « J’observais un vrai apaisement chez eux », précise-t-elle. L’idée a germé de lancer une démarche personnelle quand elle s’est installée à Paris. « Cela implique d’être disponible sur le long terme. J’ai senti que c’était le bon moment pour moi », commente-t-elle. La trentenaire souhaitait parrainer un enfant plutôt qu’un adolescent, qui soit géographiquement proche de chez elle, « pour ne pas avoir à traverser tout Paris ».

Après une réunion d’information et plusieurs entretiens avec l’équipe de l’association France Parrainages, Charlotte a vu sa candidature validée. Elle a été présentée à Souleiman en présence de la mère du garçon et de l’assistante sociale qui gère le dossier de cette famille, monoparentale et précaire. Souleiman bénéficie du dispositif Programme de réussite éducative, qui propose un suivi personnalisé aux élèves en difficulté. C’est dans ce cadre qu’il a entendu parler du parrainage de proximité, et l’a immédiatement sollicité.

Un don de temps

« A la différence du parrainage international, il ne s’agit pas d’un don financier mais d’un don de temps, explique Intissar Koussa, responsable des activités de l’association d’aide à l’enfance, créée en 1947. Ce parrain ou cette marraine va devenir un tuteur de résilience, une figure qui va accompagner l’enfant dans la durée. » Pour deux, trois, quinze ans ou pour toute la vie, selon les besoins du filleul et les capacités du parrainant, et à un rythme qui convient aux deux. « C’est un enfant qu’on fait entrer dans son intimité familiale, rappelle la représentante. Dans 75 % des cas, il est accueilli une fois par mois minimum et la moitié des vacances scolaires. » Selon la dernière étude interne de 2014, 40 % des parrainages duraient quinze ans en moyenne.

Aujourd’hui, Souleiman appelle la mère de sa marraine « mamie » et fait des crêpes avec Vincent, 35 ans, le compagnon de Charlotte. Ces proches sont devenus des membres à part entière de la relation, même si Charlotte reste la figure de référence, la seule engagée. Vincent a vite trouvé sa place auprès du binôme : « L’âge est top, on peut communiquer, fabriquer des choses, cuisiner. Au départ, c’était un peu le bazar », admet-il. « C’est le but ! », s’amuse sa compagne. Cet après-midi-là, ils sont même quatre, avec Amadou, 9 ans, le frère aîné de Souleiman. A force de voir Charlotte venir chercher son cadet à la maison, il lui a demandé si elle pouvait aussi l’embarquer, ce qu’elle a accepté. L’été précédent, il est même parti avec eux en vacances à Granville.

Amadou a lui aussi une marraine. D’elle, il dit : « J’aime la voir, elle rigole tout le temps. » Les deux bénévoles se connaissent, s’apprécient et se relaient lorsque l’une d’entre elles s’absente quelque temps. Charlotte fait défiler les photos souvenirs de leur séjour à la mer sur son téléphone, assise sur le canapé, entre les enfants et son compagnon. En peu de temps, son filleul et elle sont devenus très complices. Souleiman semble s’être ouvert : « Ça se passe bien pour lui cette année à l’école. C’était moins le cas avant. »La mère du garçon confirme les bienfaits du dispositif : « Les enfants sont contents et c’est bien pour moi aussi. Chez nous, c’est petit. On n’a pas beaucoup de moyens pour sortir. »

A France Parrainages, les trois quarts des enfants parrainés sont suivis dans le cadre de l’aide sociale à l’enfance (ASE), les autres sont aiguillés par une assistante sociale ou un agent de la caisse d’allocations familiales. Certaines familles font la démarche seules. « La demande concerne l’enfant. Mais, souvent, il s’agit pour le parent de s’octroyer du répit parental, d’obtenir une forme de coéducation, précise Intissar Koussa. Nous recevons des parents épuisés qui ont besoin de relais, des personnes en situation de handicap, des familles isolées. »

Composer avec le décalage

La loi du 7 février 2022, dite « Taquet », a officialisé et étendu le parrainage de proximité. Son article 9 stipule que, désormais, chaque enfant accueilli à l’ASE se verra systématiquement proposer un parrain ou une marraine. « Ce n’est pas fait pour tous les enfants confiés. Certains nécessitent des dispositifs très adaptés », précise toutefois Intissar Koussa. Ce bémol posé, la responsable associative reste enthousiaste : « Dans le Nord, il y a 10 000 enfants confiés. Si même la moitié peut en bénéficier, vous imaginez ? Nous avons une société civile assez incroyable sur laquelle nous appuyer. »

Cet article a été introduit par l’ex-député Mounir Mahjoubi, lui-même parrain d’un adolescent. « Avec mon compagnon, on s’est posé beaucoup de questions sur la parentalité. Et on voulait être là pour des enfants, qu’ils soient les nôtres ou non », explique-t-il. Après s’être renseignés, ils ont lancé la démarche de parrainage, en parallèle d’un parcours d’adoption – toujours en cours. « Nous sommes un mélange entre des tontons et des parrains. Ces enfants font partie de la famille à leur manière », décrit-il. En l’occurrence, le couple est très investi. Depuis trois ans, les deux hommes accueillent Rayan, 15 ans, un week-end sur deux et la moitié des vacances scolaires. Le garçon vit en foyer. Il a souvent demandé à ses parrains s’ils étaient payés pour s’occuper de lui et s’ils seraient là « pour toujours »« Depuis dix ans, Rayan n’a connu que des gens rémunérés autour de lui. Aujourd’hui, il nous croit quand on lui dit que c’est inconditionnel. » La confiance s’est instaurée au fil du temps, des week-ends et des vacances passés ensemble, dont un Noël confiné à trois à cause du Covid : « Six jours enfermés. On s’est fait livrer les cadeaux, c’était super. »


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