mardi 6 juin 2023

Chronique «Aux petits soins» AP-HP : et si la politique des petits pas de Nicolas Revel commençait à faire effet ?

par Eric Favereau   publié le 6 juin 2023

Arrivé il y a presque un an, le directeur général de l’AP-HP a réussi son atterrissage. Non seulement le groupement hospitalier ne s’est pas écroulé, mais on sent aussi un peu moins de tensions dans les couloirs du plus grand CHU d’Europe.
publié aujourd'hui à 7h02

On le voit peu, on l’entend peu. A la différence de son prédécesseur, Martin Hirsch, Nicolas Revel se montre discret, ne courant pas les matinales pour commenter la situation du moment. Haut fonctionnaire, ancien directeur de l’Assurance maladie et ex-directeur de cabinet de Jean Castex à Matignon, il va bientôt fêter sa première année à la tête du plus grand CHU d’Europe, l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP). Et le pire n’est donc pas arrivé. Ceux qui prévoyaient l’effondrement des hôpitaux parisiens devront attendre encore un petit peu.

Indéniablement, en tout cas à Paris, il y a comme une éclaircie. Dans les couloirs de l’AP-HP, l’air du temps est, de fait, un peu moins gris, un peu moins sombre. «Aujourd’hui, Nicolas Revel est le meilleur que l’on pouvait avoir à [notre] tête», lâche même à Libération le professeur André Grimaldi, figure emblématique du lieu, hier opposant farouche aux politiques hospitalières reposant sur la rigueur et la tarification à l’activité (T2A). Quant au docteur Patrick Pelloux, notre urgentiste national, d’ordinaire assez remonté, il ne tarit pas d’éloges : «Il est classe. Et en plus il a deux qualités importantes ; il est fédérateur et il est facilitateur. Il s’intéresse au plus près aux actes quotidiens, et non aux grandes envolées comme adorent encore un peu trop nos professeurs.» Ce que dit, d’une autre manière, un chef de service de médecine interne : «Le moral n’est certes pas revenu miraculeusement au beau fixe, mais au moins on a l’impression que l’on veut nous aider, en tout cas on nous écoute.»

«Près de 16 % de lits fermés»

Que demander de plus ? Reste que… tout n’est pas réglé, tant s’en faut. Et le principal problème, à savoir la question des ressources humaines et de l’emploi, est toujours là. «Depuis 2018, l’AP-HP a perdu 1 700 infirmières et du coup nous sommes amenés à travailler avec moins de lits ouverts. C’est à peu près aujourd’hui 16 % de nos lits qui sont fermés», disait encore récemment Nicolas Revel. Des fermetures non sans conséquences, à la limite parfois de la rupture, comme cet hiver, avec la grippe saisonnière et la bronchiolite«Il n’y a pas d’autre solution que d’augmenter l’activité. Et c’est nécessaire. Car aujourd’hui les temps d’attente restent parfois trop longs, des pertes de chances peuvent exister», explique à LibérationNicolas Revel.

Et c’est bien évidemment aux urgences que la situation reste la plus délicate. «Hier, on avait autour de 80 patients la nuit qui restaient sur des brancards, aujourd’hui c’est autour de 120», dit-on à l’AP-HP. Des malades psychiatriques vont, par exemple, rester ainsi sur des brancards aux urgences, souvent attachés, faute de leur trouver un lit. «Aujourd’hui, entre le nombre d’infirmières qui quittent l’AP-HP et celles qui arrivent, c’est tout juste en équilibre. En somme, on ne peut toujours pas colmater les départs passés», note Nicolas Revel.

Pas de plan préconçu

Pour autant, la tension semble avoir baissé d’un cran. En arrivant à la tète de l’AP-HP, Nicolas Revel n’a fait aucun grand ménage, gardant la totalité des directeurs. Il a multiplié les rencontres en direct, séduisant ses auditeurs par sa capacité d’écoute. En mars, il a désigné trente leviers sur lesquels il compte s’appuyer pour «apporter des réponses, les plus pragmatiques et efficaces possibles, à l’ensemble des difficultés», en commençant par tout ce qui touche au sujet numéro 1 : «Attirer et recruter bien sûr, mais, par-dessus tout, donner envie de rester à l’AP-HP.»

Son constat ? L’air de rien, Revel reste sceptique à l’égard des gros mastodontes créés par son prédécesseur, à savoir les départements médico-universitaires (DMU), qui regroupent des services de différents hôpitaux, et les groupes hospitalo-universitaires (GHU). «Je n’ai rien contre, nous assure-t-il, mais il faut être au plus près. Il y a foule de décisions qui relèvent du service et non des étages du dessus. Par exemple, s’il manque une infirmière et qu’il y a le poste. Si le service veut le transformer en poste de psychologue, pourquoi pas ? C’est, en tout cas, à eux de décider.» Nicolas Revel insiste : «Le personnel a besoin de lien, de proximité. Chacun appartient à un service, chacun vit dans un hôpital. Et non pas dans un regroupement de services ou dans un groupement hospitalier.»

Ce n’est pas la révolution. C’est du Revel : une politique de petits pas. Il dit ne pas être là pour faire de grands discours ou d’envolées lyriques, il n’a pas de plan préconçu, sauf celui de redonner l’envie à ceux qui y travaillent. «A présent, cela fonctionne, analyse André Grimaldi. Mais l’AP-HP a été bien cassé. La tarification à l’activité est toujours là, les dépenses hospitalières restent fortement contraintes. La santé publique et les maladies chroniques restent en marge. Et il y a toujours un mille-feuille d’organisations à l’hôpital pour décider. Est-ce qu’un seul homme peut changer tout ça ?»


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