vendredi 23 juin 2023

Billet Boire, fumer, faire la fête : je veux vieillir comme Claude Sarraute

par Mickaël Frison   publié le 20 juin 2023

La journaliste et chroniqueuse Claude Sarraute est morte à 95 ans. Face à l’habituel portrait tristoune du «grand âge», elle défendait une célébration de la vie et de la fête : armagnac dans les yaourts et la fête jusqu’au bout. 

«Mamie pruneaux» est morte, vive «Mamie pruneaux». Parce qu’elle est «ridée et qu’elle fait chier», c’est ainsi que Claude Sarraute était surnommée, avec beaucoup d’affection, c’est à souligner, par Laurent Ruquier et sa bande à l’époque de On va s’gêner, l’émission qu’il animait sur Europe 1 les après-midis dans les années 2000 avant d’embrayer sur les Grosses Têtes.

Claude Sarraute, son amie, tenait une place de choix dans le programme, où elle incarnait la grand-mère indigne dans un duo délirant avec le regretté Pierre Bénichou, autre noctambule assumé. Claude Sarraute est morte ce mercredi 20 juin, au terme d’une vie haute en couleur qu’il faut célébrer. La journaliste et romancière, fille de Nathalie Sarraute, affirmait qu’il fallait célébrer le grand âge et vivre sans retenue. Boire, fumer, faire la fête : dans une époque morose comme l’est 2023, l’enseignement de Claude Sarraute doit nous rester en tête. Laure Adler l’a dit d’une autre façon dans nos pages l’an dernier «Vieillir, c’est être sauvage, en colère, passionné. Vieillir, ce n’est pas renoncer. Vieillir, ce n’est pas devenir raisonnable.» Claude Sarraute n’aurait pas renié cela. Si c’est un manifeste, j’y ajoute ma signature volontiers.

«De l’eau de vie à l’au-delà»

Sur Twitter, les anciens auditeurs d’Europe 1 se souviennent, émus, de séquences cultes autour de Claude Sarraute. Avec l’âge, la chroniqueuse polie et pimpante avait abandonné toute inhibition et ne cachait rien des petites entorses aux recommandations de ses médecins. Fumer tue. Mais Claude Sarraute défendait sa «voix de rogomme» dont elle se disait très fière, qu’elle avait obtenu en «buvant et en fumant» pendant 50 ans. Concernant l’alcool, l’ancienne journaliste défendait contre l’avis de tous son petit verre d’armagnac, breuvage dont elle allait jusqu’à agrémenter ses yaourts. Le sexe n’était pas en reste : «Toute ma vie j’ai fait boutique mon cul», disait-elle dans le micro, évoquant une vie amoureuse très libre, avec plusieurs mariages et des aventures assumées.

Célébrer les événements en grande pompe faisait partie intégrante de sa philosophie de vie. Pour ses 85 ans en 2012, elle s’envole, avec ses amis, direction Cuba, pour plusieurs jours de fiesta où le mojito n’était pas en reste. Alcool et bonne bouffe, c’était aussi le programme qu’elle voulait pour ses funérailles : «L’enterrement de mon mari était formidable. La seule chose qui manquait, c’était un buffet», avait-elle regretté sur Europe. Et de poursuivre : «Ce qui me ferait un plaisir fou, c’est un enterrement à la yougoslave avec un buffet sur le corbillard.» L’évocation de ce jour funeste avait inspiré une bonne réplique à Laurent Ruquier : «Votre épitaphe pourrait être : “De l’eau de vie à l’au-delà.”» Si ce précepte m’emmène moi aussi jusqu’à 95 ans, c’est validé.


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