lundi 10 avril 2023

Santé mentaleLe fiasco du dispositif « Mon Psy »

Sophie Cousin

Publié le : 09/04/2023 

Rendre accessibles à toutes les personnes en souffrance les séances de psychologue. Sur le papier, l’intention du dispositif « Mon Psy » était louable lors de son lancement, en avril 2022. Un an après, le premier bilan est loin d’être à la hauteur.

Peu de bénéficiaires et très peu de psychologues engagés. Le premier bilan est très décevant, 1 an après le lancement de « Mon Psy », rebaptisé depuis « Mon Parcours Psy ». Seuls quelque 100 000 patients ont bénéficié de ce suivi, pour 438 000 séances au total, soit en moyenne 4 par patient. Selon les chiffres communiqués par la direction de la Sécurité sociale, 71 % d’entre eux sont des femmes. Problème : seuls 11 % des bénéficiaires ont la complémentaire santé solidaire (ex-CMU), alors que le dispositif a précisément été conçu pour permettre aux personnes en situation de précarité d’accéder à une prise en charge psychologique, trop coûteuse sans remboursement.

Pour rappel, ce dispositif lancé en avril 2022 donne accès à 8 séances avec un psychologue remboursées par an aux personnes souffrant de « troubles psychiques d’intensité légère à modérée », après consultation et courrier de son médecin traitant.

UN BOYCOTT MASSIF

Les psychologues qui ont accepté de se conventionner – et reçoivent donc ces patients pour des consultations au tarif fixé à 30 € – ne sont que 2 250, soit 7 % des psychologues libéraux. Pas étonnant, dans la mesure où leurs représentants n’ont cessé d’alerter sur les failles du dispositif depuis sa conception : tarifs « bradés », adressage compliqué, suivi impossible en 8 séances, etc.

« “Mon Parcours Psy” est un véritable flop, comme nous avons alerté depuis 2021. Il a été construit sans concertation avec la profession et n’est qu’un cache-misère alors que les centres médico-psychologiques (CMP) sont à l’agonie. Les 50 millions de budget dépensés pour 2 heures de consultation en moyenne pour 0,13 % des Français auraient pu être injectés dans le service public pour créer 200 postes de psychologues pérennes », s’indigne Camille Mohoric-Laedi, codirigeante de l’association M3P, et de Manifeste Psy, collectif qui regroupe 8 600 psychologues de tous les secteurs en France. Selon elle, les patients aussi boudent le dispositif.

LE PARCOURS DU COMBATTANT POUR LES PSYS ENGAGÉS ?

Autre son de cloche chez une psychologue conventionnée, qui préfère garder l’anonymat : « La demande est forte dans mon département (les Bouches-du-Rhône). J’ai reçu une centaine de nouveaux patients en un an via cette plateforme. Les médecins généralistes font énormément de courriers car les personnes souffrant de troubles anxio-dépressifs sont de plus en plus nombreuses ! Aujourd’hui, je suis saturée et je dois refuser les nouveaux patients. Je comprends les confrères qui ne s’engagent pas : être payé 30 € pour une séance – qui va durer au moins 45 minutes en réalité – et faire toute la paperasse derrière, ce n’est pas rentable. Je le fais parce que je me suis toujours battue pour aider les personnes précaires. Mais honnêtement, je me demande si je ne vais pas arrêter bientôt… »

Le ministère de la Santé doit procéder à l’évaluation du dispositif au plus tard fin 2024 et « des évolutions pourraient être proposées ». Manifeste Psy demande son abrogation pure et simple.


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