jeudi 6 avril 2023

Environ une personne sur six est concernée par l’infertilité dans le monde

Par    Publié le 04 avril 2023

Dans un rapport de synthèse publié mardi, l’Organisation mondiale de la santé alerte sur l’importante prévalence des problèmes de procréation : 17,5 % de la population adulte mondiale connaîtrait au cours de sa vie reproductive au moins un épisode d’infertilité.

Une embryologiste du centre de médecine de la reproduction Virginia Center for Reproductive Medicine, à Reston (Etats-Unis), en juin 2019.

Environ une personne sur six dans le monde est touchée par l’infertilité. Selon un rapport de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) publié mardi 4 avril, 17,5 % de la population adulte mondiale serait ainsi concernée au cours de sa vie reproductive par au moins un épisode d’infertilité, défini comme une incapacité à obtenir une grossesse après douze mois ou plus de rapports sexuels réguliers non protégés. Plus globalement, il s’agit d’une estimation de l’ensemble des difficultés rencontrées au cours de la vie reproductive.

Ce chiffre, très élevé, a été obtenu en analysant 133 études menées dans toutes les régions du monde entre 1990 et 2021, selon des méthodologies différentes. La manière dont ont été construites les données ne permet pas à ce stade de conclure à une tendance à l’augmentation ou à la baisse de cet indicateur. Une telle donnée lissée au niveau mondial est donc à interpréter avec précaution, mais elle a le mérite de mettre l’accent sur le fait que l’infertilité est très commune et touche toutes les sociétés du monde.

Disparités régionales

En effet, les estimations de la prévalence de l’infertilité sont très proches entre les pays ayant des niveaux de revenus différents : elle est de 17,8 % dans les pays à revenu élevé, et de 16,5 % dans ceux à revenu faible ou intermédiaire. Des disparités régionales ont été identifiées – avec des variations allant de 10,7 % dans la région de l’OMS comprenant le Moyen-Orient, l’Afrique du Nord, la Corne de l’Afrique et l’Asie centrale à 23,2 % dans la région pacifique courant de la Chine à la Nouvelle-Zélande –, mais la grande majorité des études ayant été menées en Europe, les chiffres concernant cette région restent les plus fiables, avec une prévalence de 16,5 %.

« Le rapport est révélateur d’un fait important : l’infertilité ne fait pas de discrimination, commente le docteur Tedros Adhanom Ghebreyesus, directeur général de l’OMS. La proportion même de personnes touchées montre la nécessité d’élargir l’accès aux soins relatifs à la fertilité et de veiller que cette question ne soit plus mise de côté dans la recherche et les politiques de santé, afin que des moyens sûrs, efficaces et abordables d’atteindre la parentalité soient disponibles pour ceux qui le souhaitent. »

Certains auteurs du rapport ont en parallèle publié, dans la revue Human Reproduction, une étude montrant que les coûts médicaux payés par les patients pour le traitement de l’infertilité sont souvent plus élevés que le produit intérieur brut moyen par habitant, ce qui le rend inabordable pour la plupart des gens, compte tenu du fait que le revenu d’un grand nombre de personnes est inférieur à la moyenne nationale. « Dans les pays dépourvus de mécanismes de financement, le coût d’un cycle de fécondation in vitro représentait même plus du double de leur revenu annuel moyen », écrivent les auteurs de l’étude.

« Des millions de personnes sont confrontées à des coûts de santé catastrophiques après avoir cherché à obtenir un traitement contre l’infertilité, ce qui pose une question d’équité majeure, déplore Pascale Allotey, directrice du département de santé sexuelle et reproductive de l’OMS. De meilleures politiques et un meilleur financement public peuvent améliorer considérablement l’accès au traitement. »

Forte pression sociétale

Certains pays, comme le Maroc, ont décidé de prendre en compte cette problématique dans leurs dépenses de santé publique. Gitau Mburu, chercheur en fertilité et coauteur du rapport, cite également l’Indonésie, « qui a pour la première fois inclus la fertilité dans sa deuxième stratégie nationale de santé reproductive et a été en mesure d’inclure des services de base tels que le conseil en matière de stérilité dans les services de soins de santé primairesLe message que nous transmettons aujourd’hui est donc très clair : il est possible d’inclure la fertilité dans les politiques de santé nationales », insiste le scientifique.

Par ailleurs, la procréation s’accompagne d’une forte pression sociétale. Si les problèmes d’infertilité concernent aussi bien les hommes que les femmes, ces dernières en sont plus souvent blâmées que les premiers. « Dans des pays comme le mien, la grossesse reste un élément essentiel de la perception de la féminité et du couple, souligne Pascale Allotey, originaire du Ghana. L’échec est souvent stigmatisé et le risque de violence entre partenaires augmente avec les difficultés à avoir un enfant. »

Le rapport de l’OMS n’approfondit pas la question des causes de l’infertilité, qui sont bien souvent multifactorielles. Dans la plupart des pays à hauts revenus, l’augmentation de l’âge à la procréation joue un rôle important, puisque les risques d’infertilité s’accentuent au cours de la vie reproductive. En France, par exemple, les femmes ont des enfants de plus en plus tard, et ce depuis déjà quarante ans. Dans une publication de mars 2023, Gilles Pison, démographe à l’Institut national d’études démographiques, explique que les femmes qui ont accouché en France en 2022 avaient en moyenne 31 ans, et plus précisément 29 ans pour le premier enfant. A titre de comparaison, en 1977, l’âge moyen à la maternité était de 26 ans et demi.

Chez les hommes, la problématique de la baisse de la qualité du sperme est de plus en plus évoquée pour expliquer la chute de la fertilité, en lien avec la pollution présente dans l’environnement quotidien. Une méta-analyse publiée en novembre 2022 dans la revue Human Reproduction Update montrait une chute vertigineuse de la concentration moyenne de gamètes dans le sperme de la population masculine générale, passant de 101 millions par millilitre (M/ml) en 1973 à 49 M/ml de 1973 à 2018. La tendance s’est accélérée depuis le début du XXIe siècle. Parmi les causes évoquées, on retrouve à la fois l’impact du mode de vie – des facteurs aggravants sont par exemple le tabagisme, l’obésité, le stress, l’alcool –, et celui de l’exposition à des produits chimiques courants comme les perturbateurs endocriniens (phtalates, bisphénol A, etc.) ou des métaux lourds.

Dans les pays à faibles revenus, les chiffres de l’infertilité sont encore accentués par ceux de l’infertilité dite « secondaire », c’est-à-dire la difficulté à obtenir une deuxième grossesse après une première réussie. Ces problèmes peuvent résulter d’infections post-partum, d’avortements à risque et de certaines infections sexuellement transmissibles comme le sida. Des analyses plus poussées des problèmes rencontrés par chaque pays permettraient de répondre de manière plus pertinente à chaque situation.


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