lundi 6 mars 2023

Précarité Aux «Restos bébés du cœur», «il faut franchir le pas pour accepter cette aide»

par Benjamin Soyer  publié le 4 mars 2023 

Alors que la collecte nationale a commencé vendredi, les Restos du cœur alertent sur une hausse de 16% du nombre d’enfants de moins de trois ans accueillis par rapport à l’hiver dernier. Reportage dans un centre dédié aux nourrissons à Paris.

«Est-ce que votre bébé va bien ?» Dans ce centre «Resto bébés du cœur» du XIe arrondissement parisien, cette question est un rituel : qu’il concerne une inscription ou un point sur leur situation, tout entretien avec les personnes accueillies commence par ces mots.

Lancés dans les années 90, les Restos bébés du cœur sont dédiés à l’accompagnement des parents et nourrissons. On en compte désormais 70 en France. Cette année, la crise a produit ses effets : l’association indique une hausse de 22 % de personnes accueillies et de 16 % de bébés de moins de trois ans par rapport à l’hiver dernier. Une situation qui devrait empirer dans les mois qui viennent, d’autant que les prix de certains produits indispensables comme les couches jetables, devraient augmenter considérablement, jusqu’à 30 % selon les distributeurs.

Dans ce centre parisien, beaucoup de bénéficiaires viennent pour la première fois. A l’image de cette femme originaire de Guinée-Bissau, pour laquelle les produits pour bébés sont devenus trop chers en supermarchés : «Ici, on nous donne l’essentiel pour nos bébés : des couches, du lait et des petits pots.» Parfois même des habits et des chaussures, lorsque des personnes accueillies, comme Aieb, font acte de solidarité en offrant les vêtements dont ils n’ont plus besoin. «Ça se fait souvent», précise Nathalie Vuillemin, la responsable. Valérie (1), sans emploi, vient accompagnée de ses deux filles âgées de 17 et 15 ans, et de son fils de 7 mois. «Ce n’est pas une fierté, mais il faut réussir à franchir le pas et à profiter de cette aide qu’on nous offre.»

«On a beaucoup plus ce côté social»

Le local, où l’on organise deux distributions par semaine, doit également servir de lieu de «conseils en pédiatrie», avec des bénévoles «puéricultrices, sages-femmes, infirmières, pédiatres, assistantes sociales» et des espaces petite enfance. A la fois bénéficiaire et bénévole, Racha regrette que le centre manque de volontaires spécialisés en petite enfance. Les Restos bébés du cœur sont encore peu connus du grand public.

La manière d’échanger avec les personnes accueillies diffère selon les bénévoles. Si Nathalie Vuillemin considère pour certains d’entre eux l’aide d’un psychologue comme «quasi-indispensable», Racha préfère les épauler sur le plan administratif : «Je leur parle de toutes les aides auxquelles ils ont droit.» Yves Mérillon, porte-parole des Restos du Cœur, estime que 30 % des personnes accueillies par l’association pourraient bénéficier du RSA, mais n’y ont pas accès «en raison de difficultés administratives ou de méconnaissance de leurs droits». Avec, en cause également, le rajeunissement du public des Restos du Cœur, dont 40 % ont moins de 18 ans et 10 % entre 18 et 25 ans, rapporte le porte-parole.

«Les choses ont empiré avec l’inflation»

Si la jeunesse des effectifs des Restos du Cœur n’est pas nouvelle selon Yves Mérillon, il admet que «la situation a empiré avec la crise du Covid et l’inflation», avec maintenant plus de 110 000 bébés de moins de trois ans bénéficiaires. L’association est confrontée à un nouveau défi : d’éviter une reproduction de la précarité de génération en génération. «Pour que les bébés de moins de trois ans, ne se retrouvent pas personnes accueillies par les Restos dans une vingtaine d’années, il faut que l’on accélère notre politique axée sur la jeunesse, avec un objectif de 100 % de satisfaction des besoins alimentaires de ces bébés.»

Les Restos du Cœur espèrent ainsi recevoir un maximum de denrées et de matériel de puériculture pendant cette collecte nationale, qui représente près de 10 % des ressources totales de l’association pour une année et permet d’offrir aux bénéficiaires plus de diversité dans le choix des produits. «Il ne faut pas oublier que ce qui est cher pour les familles l’est pour nous aussi», insiste Yves Mérillon. La mission de ce week-end ? Dépasser le chiffre de l’an dernier en espérant dans les 9 000 tonnes de denrées récupérées. De quoi se rapprocher un peu plus de l’objectif fixé pour les bébés.

(1) Les prénoms ont été modifiés.


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