mardi 7 février 2023

Bouger dope les athlètes de sport cérébral, qu’ils soient champions de jeu vidéo, d’échecs ou de mahjong

Publié le 31 janvier 2023 

CHRONIQUE

Sandrine Cabut

Une étude du King’s College de Londres, dont les premiers résultats sont révélés dans le documentaire « Mind Games. The Experiment », diffusé sur Amazon Prime Video, explore les effets de l’activité physique sur les performances cognitives de compétiteurs de haut niveau en sport cérébral.

Le joueur d’échecs américain Kassa Korley, dans le documentaire « Mind Games. The Experiment », diffusé sur Amazon Prime Video depuis le 19 janvier.

Dix mille pas et plus. A quel point l’exercice physique peut-il contribuer à aiguiser l’esprit des athlètes de sport cérébral ? La question est au cœur d’un documentaire, Mind Games. The Experiment, diffusé depuis le 19 janvier sur la plate-forme Amazon Prime Video. Portée par l’équipementier Asics, l’expérience scientifique, qui concerne au total 77 personnes, a été menée par Brendon Stubbs, chercheur au King’s College de Londres, qui étudie les liens entre activité physique et santé mentale.

Le documentaire d’une heure et treize minutes suit la trajectoire de quatre compétiteurs de niveau international : un joueur japonais de mahjong, Ryoei Hirano ; un Britannique spécialiste des concours de mémoire, Ben Pridmore ; et deux Américains, une championne de jeu vidéo, Sherry Nan, et un maître d’échecs, Kassa Korley. Ils ont en commun d’avoir dans le viseur une échéance majeure dans leur discipline et, surtout, un niveau d’activité physique au plancher, inférieur aux trente minutes quotidiennes recommandées par l’Organisation mondiale de la santé. Et ce, depuis des mois, voire des années. Ainsi, Ben Pridmore, 45 ans, triple champion du monde de mémoire dans les années 2000, se révèle en piètre forme physique, incapable au début d’enchaîner quelques foulées ou pompes…

Pendant seize semaines, ils vont bénéficier d’un programme d’entraînement personnalisé supervisé par un coach, avec pour objectif d’atteindre cent cinquante minutes d’activité hebdomadaire. Au préalable, et à la fin de cette période, leurs paramètres physiques et cognitifs sont mesurés objectivement par une batterie de tests. Dans les dernières minutes du documentaire sont livrées quelques données suggérant une amélioration notable de leurs indices cognitifs. Le jeune maître d’échecs a, en particulier, progressé dans les tests de résolution de problèmes (+ 50 %) ; la joueuse de Street Fighter, en mémoire à court terme (+ 20 %), avec un niveau d’anxiété réduit de 50 %. L’athlète de la mémoire a, lui, gagné 40 % en mémoire à court terme et 75 % en concentration.

Hausse des performances cognitives de 10 %

Le scientifique Brendon Stubbs égrène, en conclusion, quelques résultats portant sur l’ensemble des 77 participants à l’étude, recrutés dans une vingtaine de pays. Leur profil est comparable à celui des quatre héros du documentaire : compétiteurs en sport cérébral avec un niveau d’activité physique faible depuis au moins six mois. Globalement, leurs performances cognitives ont bondi de 10 %, avec des effets favorables à des degrés variés sur diverses composantes.

Joint par Le Monde, le chercheur du King’s College précise que l’étude n’est pas encore publiée. Le côté novateur de ses recherches tient avant tout à la population étudiée : des athlètes de l’esprit de haut niveau. De fait, pour le reste, les bénéfices multiples de l’activité physique sur la santé mentale et, plus largement, sur le cerveau ne sont plus à démontrer. « Quels que soient l’âge et le contexte médical, de multiples recherches ont confirmé qu’elle stimule les capacités cognitives, notamment par le biais de la plasticité cérébrale », souligne Olivier Dupuy, enseignant-chercheur au laboratoire MOVE (pour mobilité, vieillissement et exercice), à l’université de Poitiers.

Si l’on retrouve des bénéfices chez des individus déjà très entraînés sur le plan intellectuel, cela ouvre, selon ce dernier, de nouvelles perspectives. Tout en appelant à la prudence. « Les gains annoncés, mesurés par des tests cognitifs reconnus, paraissent intéressants, mais il faut attendre leur publication dans une revue scientifique, d’autant que des données en valeur relative sont difficiles à interpréter », relève le spécialiste en physiologie de l’exercice. Le milieu du jeu vidéo est quant à lui déjà convaincu. « Tous les gameurs de haut niveau sont sensibilisés à la préparation physique, précise-t-il encore, à la fois pour des questions de santé, car ils sont assis des heures devant leur écran, et pour optimiser leurs performances. »


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