mardi 24 janvier 2023

Sexisme : le Haut Conseil à l’égalité décrypte le vécu « terrible » des femmes

Par   Publié le 23 janvier 2023

Lors d’une manifestation pour la Journée internationale des droits des femmes, à Paris, le 8 mars 2021.

Trente-trois pour cent des femmes françaises affirment avoir eu un rapport sexuel alors qu’elles n’en ressentaient pas l’envie, évoquant l’insistance de leur partenaire. Et plus d’un tiers d’entre elles (37 %) témoignent avoir déjà vécu une situation de non-consentement au plan sexuel. En face, seuls 12 % des hommes reconnaissent avoir insisté pour une relation sexuelle alors qu’ils savaient que leur partenaire n’en avait pas envie. Ce sont quelques-uns des chiffres marquants du deuxième baromètre annuel sur le sexisme rendu public, lundi 23 janvier, par le Haut Conseil à l’égalité (HCE) entre les femmes et les hommes.

L’organisation consultative indépendante, chargée d’orienter la politique du gouvernement en matière d’égalité, s’appuie à la fois sur ce sondage représentatif (réalisé en ligne auprès de 2 500 personnes par l’institut Viavoice) et sur son expertise pour présenter son cinquième état des lieux du sexisme en France.

L’objectif est double : comprendre la perception et la réaction de notre société face aux inégalités de genre, et documenter le vécu « terrible » des femmes.

Ecarts de perception

De nombreux cas de figure, allant du sexisme ordinaire aux violences sexuelles, sont passés en revue. Au-delà du non-consentement, nouveauté de cette édition, les réponses portant sur les violences sexuelles s’inscrivent dans la lignée d’enquêtes précédentes, et confirment leur ampleur : 14 % des femmes disent avoir subi un « acte sexuel imposé », viol ou agression sexuelle, un pourcentage qui grimpe à 22 % chez celles âgées de 18 à 24 ans.

Comme il le faisait déjà en 2022, le HCE dénonce une ambivalence. « Ce baromètre montre à la fois une opinion globalement acquise à l’égalité des droits, sensibilisée à la lutte contre le sexisme et les violences envers les femmes, et dans le même temps il révèle des comportements de sexisme très ancrés, en particulier chez les jeunes hommes », analyse Sylvie Pierre-Brossolette, sa présidente.

L’écart de perception selon le genre des répondants est récurrent tout au long du baromètre. Il s’exprime de façon presque caricaturale sur certaines questions ; quand 77 % des femmes estiment sexiste qu’un homme commente la tenue vestimentaire d’une femme, le taux de réponses positives chute de 20 points dans la gent masculine. Autre exemple : est-ce problématique qu’une femme cuisine tous les jours pour sa famille ? Oui, répondent 49 % des femmes et… 37 % des hommes.

Selon Maïder Beffa, directrice associée de l’institut Viavoice, « les réponses révèlent une forme d’indifférence masculine par rapport à des situations de sexisme ordinaire ainsi qu’une difficulté pour les hommes d’accepter une responsabilité collective ».

« Il faut réagir vite »

Un autre clivage, d’ordre générationnel, se manifeste dans certains résultats, donnant à voir une génération d’hommes de 25-34 ans davantage imprégnée par les stéréotypes sexistes. Par exemple, interrogés sur l’image des femmes véhiculée par les contenus pornographiques, 79 % des hommes âgés de plus de 65 ans la jugent problématique, mais seulement 48 % des 15-34 ans. Ou encore, seuls 54 % des hommes de 25 à 34 ans considèrent comme problématique le fait qu’un homme refuse que sa conjointe voie d’autres hommes, contre 76 % des plus de 65 ans, et 60 % des 15-24 ans.

Quant aux femmes, confrontées aux multiples manifestations du sexisme, qui vont de la simple remarque aux inégalités de salaires et à des actes de violence, elles réagissent en adoptant massivement des stratégies d’évitement, souligne le HCE. Ainsi, neuf femmes sur dix déclarent avoir déjà renoncé à une activité, à prendre la parole, à s’habiller comme elles le souhaitent, à sortir…

Face à ce bilan inquiétant, il est temps qu’un électrochoc ait lieu, alertent dans une tribune publiée le 23 janvier dans Le Monde l’ensemble des membres de l’institution. « Il faut réagir, vite et globalement. On ne peut pas se contenter de protéger les victimes et de punir les auteurs, il faut aussi prévenir ces actes à la racine, avec une énorme action de formation, de sensibilisation, d’éducation », insiste Sylvie Pierre-Brossolette.

Rendre obligatoires les formations contre le sexisme au travail, augmenter les moyens de la justice pour traiter les violences intrafamiliales, réguler le secteur du numérique et en particulier la pornographie en ligne, rendre effective sous peine de sanction financière la loi prévoyant l’éducation affective et sexuelle à l’école… Dix mesures-clés sont énoncées dans le but de faire évoluer les mentalités. Le HCE a rendez-vous mercredi 25 janvier à l’Elysée pour remettre son rapport à Emmanuel Macron, une première en dix ans d’existence.


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