samedi 21 janvier 2023

Naissances au plus bas, espérance de vie qui stagne : la démographie française percutée par le Covid-19

Par   Publié le 17 janvier 2023

Selon le dernier bilan annuel de l’Insee, le solde naturel atteint son plus bas niveau historique en 2022. Au 1er janvier 2023, la population française était de 68 millions d’habitants, en hausse de 0,3 %.

Dans une maternité parisienne, le 29 juin 2022.

La légère embellie de 2021, qui affichait une hausse inattendue des naissances après le choc démographique de 2020 provoqué par le Covid-19, aura été de courte durée.

En 2022, non seulement les naissances repartent à la baisse, souligne le dernier bilan démographique de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), présenté mardi 17 janvier, mais s’ajoute à cela un nombre élevé de décès, supérieur aux projections, qui fait de l’année 2022 celle où le solde naturel atteint son plus bas niveau historique. La population française s’élève à 68 millions d’habitants au 1er janvier 2023, en hausse de 0,3 %. Voici les principaux enseignements de ce bilan annuel.

Une stagnation de l’espérance de vie

Une espérance de vie à la naissance de 85,2 ans pour les femmes et de 79,3 ans pour les hommes. Après une baisse importante en 2020, directement liée à la pandémie, les hommes gagnent seulement 0,1 an d’espérance de vie en 2022, par rapport à 2021. Celle des femmes ne progresse pas. Résultat : l’espérance de vie pour tous stagne ; elle est même inférieure de 0,4 an à celle de 2019. C’est sur ce phénomène de stagnation que l’Insee a choisi de mettre l’accent dans son bilan de l’année 2022.

« Sur la décennie 2010-2019, avant la pandémie, il y avait des gains d’espérance de vie pour les hommes et pour les femmes, bien que plus ralentis pour les femmes, rappelle Sylvie Le Minez, responsable de l’unité des études démographiques et sociales à l’Insee. Le phénomène que l’on observe en 2022 est directement lié au nombre de décès, qui reste très élevé », souligne l’experte. Avec 667 000 décès en 2022 (5 000 de plus qu’en 2021), le décompte est proche de celui de 2020, année noire, avec seulement 2 000 morts supplémentaires. Par rapport à l’ère pré-Covid, soit 2019, 54 000 personnes de plus sont décédées l’an passé.

Certes, l’arrivée de plusieurs générations du baby-boom à des âges élevés joue dans cette tendance à la hausse du nombre de décès ces dernières années. Mais l’écart entre la mortalité enregistrée en 2022 et celle qui était attendue dans les projections est considérable ; on compte ainsi 46 000 décès supplémentaires.

Certes, l’arrivée de plusieurs générations du baby-boom à des âges élevés joue dans cette tendance à la hausse du nombre de décès ces dernières années. Mais l’écart entre la mortalité enregistrée en 2022 et celle qui était attendue dans les projections est considérable ; on compte ainsi 46 000 décès supplémentaires.

Comment l’expliquer ? Tout en rappelant avec prudence ne pas disposer des causes de décès, l’Insee note que 2022 a été marquée par la poursuite de l’épidémie du Covid-19, ainsi que par une « épidémie de grippe tardive, avec un pic en avril, et trois périodes de canicule ». Il y a non seulement « les décès liés directement au Covid, mais aussi ceux qui lui sont imputables indirectement, comme les personnes souffrant de maladies chroniques, qui ont pu être fragilisées, et les décès dus à l’épidémie de grippe et aux épisodes de canicule », précise Laurent Toulemon, démographe à l’Institut national d’études démographiques.

Un solde naturel au plus bas

Avec un solde naturel (c’est-à-dire la différence entre le nombre de naissances et le nombre de décès) à + 56 000, l’année 2022 atteint un plus bas historique depuis la fin de la seconde guerre mondiale. C’est l’autre enseignement majeur de ce bilan démographique.

Deux trajectoires se conjuguent pour conduire à cette situation : le nombre élevé de décès, allié à des naissances en berne.

Selon les données disponibles, qui s’arrêtent fin novembre, 723 000 enfants sont nés en 2022, soit une baisse de 2,6 % par rapport à 2021. Cette année-là, pour la première fois depuis 2015, la natalité était repartie à la hausse, bénéficiant probablement d’un report des projets de parentalité provoqué par la crise sanitaire et les incertitudes qui l’accompagnaient.

Ce n’est plus le cas en 2022, année qui se caractérise par le plus faible nombre de naissances enregistré depuis 1946. « On renoue avec des naissances à la baisse, et avec une saisonnalité assez chamboulée », observe Sylvie Le Minez.

Difficile de ne pas y voir des effets du Covid-19 ; le mois de janvier, par exemple, a été marqué par un nombre de naissances assez faible, et il correspond à neuf mois après le troisième confinement. Idem pour les mois de septembre et d’octobre, à la natalité particulièrement peu vigoureuse, conséquence d’un mois de janvier très marqué, là encore, par la pandémie. « A partir du mois de mars 2022, les naissances sont presque toujours inférieures à celles du mois correspondant en 2020, en particulier en octobre 2022 », résume l’Insee.

C’est donc le solde migratoire, de + 161 000 en 2022, qui est le principal moteur de la progression de la population.

La fécondité en légère baisse

En 2022, l’indice conjoncturel de fécondité (ICF) descend à 1,80 enfant par femme. Il était de 1,84 en 2021. L’âge moyen à la maternité reste stable à 31 ans. Ce sont les femmes âgées de 25 à 34 ans qui sont les plus fécondes, bien que le taux de fécondité de celles de moins de 30 ans connaisse depuis les années 2000 une baisse qui s’accentue depuis 2014.

« Neuf mois après le premier confinement, on avait relevé une baisse de la conception d’enfants à la fois chez les femmes les plus jeunes et chez les plus âgées, et, en 2021, le rebond de la fécondité s’est produit plutôt chez les plus âgées, indique Laurent Toulemon. En 2022, la fécondité des femmes de 35 à 39 ans marque le pas, tandis que celle des plus jeunes continue de baisser. »

Cette baisse de l’ICF annuel reflète-t-elle simplement un décalage des calendriers de fécondité, lié à une évolution des modes de vie (allongement des études, recul de l’âge de la mise en couple, incertitudes économiques…) ? Dans quelle mesure ce report se traduira-t-il, à une échelle de temps plus longue, par un impact sur la « descendance finale » des femmes ?

Sur ces questions, les démographes sont divisés, répond M. Toulemon. « Depuis 1975, la fécondité des femmes oscille entre 1,8 et 2 enfants par femme, il n’y a donc pas d’inquiétude à avoir sur l’évolution de la population sur le long terme. Malgré une baisse depuis les années 2010, ce que je trouve le plus frappant, c’est plutôt la stabilité de la fécondité des femmes françaises depuis cinquante ans. » A l’inverse d’autres chercheurs, M. Toulemon, avec prudence, ne se dit « pas convaincu que cette tendance à la baisse va se poursuivre ».

Selon les dernières données européennes disponibles (datant de 2020), la France demeure le pays le plus fécond de l’Union européenne, dont l’ICF moyen est de 1,50 enfant par femme.

Regain des mariages

C’est finalement l’un des seuls points positifs de ce bilan annuel : l’augmentation des mariages et des pactes civils de solidarité (pacs) est sensible en 2022 : 244 000 mariages, dont 7 000 entre personnes du même sexe, ont été célébrés, contre 220 000 en 2021, qui se caractérisait déjà par une très forte hausse.

Après une baisse historique de 31 % en 2020, le nombre de mariages avait rebondi en 2021, mais « certains couples ont pu souhaiter reporter leur union en l’absence de visibilité sur l’évolution de la pandémie », avance l’Insee. Les mariés étaient âgés de 37,2 ans en moyenne pour les femmes et de 39,6 ans pour les hommes.

Par ailleurs, 209 000 pacs ont été conclus en 2022, soit « le nombre le plus élevé depuis sa création en 1999 ». Ces chiffres s’expliquent très probablement, là encore, par un rattrapage des unions reportées en raison de la pandémie.


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