mardi 3 janvier 2023

Les préservatifs gratuits pour les jeunes en pharmacie à partir du 1er janvier

Par  et    Publié le 2 janvier 2023

Alors que les infections sexuellement transmissibles sont en augmentation, cette mesure est vue d’un bon œil par les spécialistes de santé publique. Mais des détails de son application demeurent flous.

Des préservatifs au centre de prévention et de dépistage CheckPoint de Paris, à Paris, le 1er décembre 2020.

Après la pilule contraceptive il y a un an, c’est au tour du préservatif dit externe ou masculin de devenir gratuit le 1er janvier pour tous les jeunes de moins de 26 ans. Le président de la République, Emmanuel Macron, l’a annoncé le 8 décembre, pour les 18-25 ans, lors d’une session du Conseil national de la refondation consacrée à la santé des jeunes, avant d’étendre le champ d’application de la mesure, le lendemain, aux mineurs.

Cependant, à quelques jours de l’entrée en vigueur de la mesure, des flous demeuraient encore dans son application concrète. De pharmacie en pharmacie, les professionnels disent parfois ignorer cette mesure de gratuité, ou ne pas en connaître les détails. « On est souvent informé par les médias… », déplore Dorothée Lethuillier, pharmacienne dans l’IsèrePierre-Olivier Variot, président de l’Union des syndicats des pharmaciens d’officine, dit « attendre le protocole ». Pour le moment, « nous savons juste que cela sera facturé avec la carte Vitale, sauf pour les mineurs qui demanderont l’anonymat, et que cela devrait être une boîte par jour par personne ».

Des informations pratiques manquent. Quelles seront les marques concernées par le remboursement ? Quel sera le nombre de préservatifs par boîte ? Faute de connaître ces données – aucun texte n’avait été publié au Journal officiel jeudi 29 décembre –, difficile de constituer des stocks pour répondre à une éventuelle envolée de la demande. Sollicité, le ministère de la santé n’a pas apporté au Monde plus de précisions.

« Une meilleure prise en charge de la santé sexuelle »

Les préservatifs des marques Eden et Sortez couverts étaient déjà remboursés par la Sécurité sociale, sans limite d’âge, mais sur prescription médicale pour celles et ceux qui en faisaient la demande. Ce dispositif restait toutefois encore largement méconnu. De plus, il s’agissait d’un « obstacle » pour un certain nombre de jeunes « qui n’osaient pas forcément consulter », rappelle Camille Beau, animatrice prévention au Planning familial de Paris. Ces derniers pourront donc avoir accès à des préservatifs gratuits en dehors des centres spécialisés (Planning familial, Centre de santé sexuelle…) ou des infirmeries scolaires, où c’est déjà le cas.

Cette mesure prend « enfin » en compte la sexualité des jeunes, rapporte Louise Delavier, responsable des programmes de l’association En avant toute(s), « alors qu’ils sont particulièrement touchés par la précarité ». L’extension de la mesure aux mineurs « est une très bonne chose, souligne Gwenaëlle Durand, infirmière scolaire dans un lycée professionnel de l’Ain et cosecrétaire générale du Syndicat national des infirmiers éducateurs de santé (Snies-UNSA). Il ne faut pas nier la sexualité des mineurs quand on sait que les jeunes Français ont, en moyenne, leur premier rapport à 17 ans. »

L’un des enjeux du gouvernement était de renforcer la prévention dans un contexte de reprise des infections sexuellement transmissibles (IST). Dans les Centres gratuits d’information, de dépistage et de diagnostic, 65 % des détections de chlamydia et 42 % de gonocoque ont lieu chez des moins de 26 ans. Des taux élevés sont également constatés par les laboratoires privés. « Les chiffres de ces deux infections continuent d’augmenter chez les jeunes. Le préservatif va améliorer la protection, mais il faut continuer à pousser le dépistage, celui du VIH dans un premier temps », affirme Delphine Rahib, de l’unité santé sexuelle de Santé publique France. Ces dernières années, le nombre de nouveaux diagnostics d’infection au VIH n’a pas baissé, stagnant autour de 5 000. En 2021, 15 % des personnes ayant découvert leur séropositivité étaient âgées de moins de 25 ans et la part de cette classe d’âge ne baisse pas depuis 2017.

« Cette mesure s’inscrit dans un ensemble de décisions qui vont dans le bon sens, celui d’une meilleure prise en charge de la santé sexuelle », estime Gilles Pialoux, infectiologue et vice-président de la Société française de lutte contre le sida. Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale 2023, voté début décembre, avait aussi adopté la gratuité de la contraception d’urgence pour toutes les femmes sans prescription médicale, ainsi que le dépistage de certaines IST sans ordonnance pour tous et gratuitement pour les moins de 26 ans.

Le préservatif reste « le seul moyen » de se protéger contre les IST lorsqu’il est « correctement utilisé, insiste M. Pialoux. Néanmoins, il ne protège pas totalement contre toutes les IST, comme le papillomavirus, d’où la nécessité de mener des campagnes de vaccination, y compris pour les hommes ».

« Le problème, c’est la discrétion »

L’annonce de la gratuité du préservatif a fait « son petit effet » chez les jeunes, rigole Chloé (les personnes citées par leurs prénoms ne souhaitent pas donner leurs noms), professeur de SVT à Cormeilles-en-Parisis (Val-d’Oise) : « Mes 4es m’en ont parlé d’eux-mêmes en arrivant en cours. » « Pour moi, il n’y a que du positif dans cette annonce, rapporte Lucie Sharma, Parisienne de 24 ans, c’était quand même un budget. » Amandine, jeune étudiante à Tours de 19 ans, partage ce point de vue, avec une petite réserve : si les préservatifs remboursés ne sont pas ceux qu’elle a l’habitude d’utiliser, elle continuera d’en acheter.

Cette mesure ne concerne pas non plus tout le monde ni toutes les pratiques. « Il faudrait étendre la mesure aux préservatifs internes et à ceux sans latex », plaide Camille Beau, l’animatrice du Planning familial. Et, enfin, cela ne résoudra pas le problème de la « discrétion », rappelle Alexandre Faure-Mauri, infirmier dans un collège et un lycée de la Drôme :  « Dans un village, le pharmacien fait partie intégrante de la vie sociale. »

Cette situation dissuade certains jeunes de se rendre en pharmacie. « C’est une tout autre démarche que d’aller au supermarché et de passer par les caisses automatiques, afin d’éviter une interaction qui peut être gênante », abonde Amandine. L’une des solutions serait de « multiplier » les distributeurs de préservatifs dans les établissements scolaires, explique Gwenaëlle Durand. Catherine Fohet, gynécologue, elle, se veut plus nuancée : « La gratuité doit continuer à s’accompagner d’un échange avec un professionnel. »

La gratuité offre surtout « une possibilité supplémentaire, précise Alexandre Faure-Mauri, infirmier scolaire. Il faudrait maintenant démocratiser l’ensemble des moyens de contraception, renforcer la prévention, le dépistage et l’éducation sexuelle, alors que l’obligation d’éducation sexuelle dans les établissements, en vigueur depuis 2001, est rarement respectée. »


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