dimanche 29 janvier 2023

Exclu : regardez “Fils de Garches”, le troublant récit d’enfants handicapés meurtris par l’hôpital

François Ekchajzer   Publié le 27/01/23

Rémi Gendarme-Cerquetti est retourné à l’hôpital de Garches où, dans les années 1990, on tentait de “remettre droit” les enfants atteints, comme lui, d’amyotrophie spinale. Un souvenir cauchemardesque qu’il a mis en scène dans “Fils de Garches”, à voir en exclusivité sur “Télérama”.

De l’hôpital Raymond-Poincaré de Garches (Hauts-de-Seine) où il alla souvent, enfant, pour y subir des soins orthopédiques censés remettre droit son corps tordu par une amyotrophie spinale, Rémi Gendarme-Cerquetti garde un souvenir cauchemardesque. Celui d’un lieu menaçant, dont les grands bâtiments vétustes évoquaient à ses yeux le cinéma d’horreur. Prisonnier de corsets qui le faisaient inutilement souffrir, il alla jusqu’à se rêver « millionnaire, pour acheter l’hôpital et y tourner des films ». Puis décida plus raisonnablement d’en réaliser un, qui exposerait ce qu’il a enduré comme d’autres jeunes handicapés des années 1990, et qu’ignorent les valides. Diffusé sur telerama.fr du 27 janvier au 3 février, Fils de Garches offre une incursion inattendue dans ce monde d’une inquiétante étrangeté, décrit avec une grande maîtrise par ce cinéaste tout aussi accompli qu’inconnu.

De l’hôpital Raymond-Poincaré de Garches (Hauts-de-Seine) où il alla souvent, enfant, pour y subir des soins orthopédiques censés remettre droit son corps tordu par une amyotrophie spinale, Rémi Gendarme-Cerquetti garde un souvenir cauchemardesque. Celui d’un lieu menaçant, dont les grands bâtiments vétustes évoquaient à ses yeux le cinéma d’horreur. Prisonnier de corsets qui le faisaient inutilement souffrir, il alla jusqu’à se rêver « millionnaire, pour acheter l’hôpital et y tourner des films ». Puis décida plus raisonnablement d’en réaliser un, qui exposerait ce qu’il a enduré comme d’autres jeunes handicapés des années 1990, et qu’ignorent les valides. Diffusé sur telerama.fr du 27 janvier au 3 février, Fils de Garches offre une incursion inattendue dans ce monde d’une inquiétante étrangeté, décrit avec une grande maîtrise par ce cinéaste tout aussi accompli qu’inconnu.

Impressionné par « la maîtrise du récit et l’art du suspense » qu’il y montre, son confrère Alain Cavalier recommande Fils de Garches en spectateur admiratif. « Je l’ai découvert au festival de La Rochelle et il m’a fait penser à un film de Hitchcock − mais en plus abouti, relève-t-il non sans malice. J’ai été ébloui par la façon dont est représenté cet hôpital prison, la force des propos d’anciens patients et de parents − tous formidables −, lvision très lucide qu’il donne du Téléthon, mais aussi la séquence finale, absolument inoubliable − bien supérieure aux finals hitchcockiens. » On y découvre une performance artistique étonnante, dans laquelle la plasticienne Aurélie Denis plâtre le corps atypique de Kamil Guénatri, couché sur le côté. Pour nous conduire à ce dénouement d’une éloquente sensualité, mettant en scène un homme exposé dans sa singularité et la revendiquant, Rémi Gendarme-Cerquetti tresse un montage de paroles et de sensations avec un soin délesté du poids de la colère.

“Nos images par nous-mêmes, nos souvenirs par nos voix”

« Lorsque j’imaginais revenir à Garches pour y tourner, une idée de dénonciation, et même de vengeance, m’a d’abord animé, reconnaît-il. Mais la mort de mon amie Éloïse [décédée au cours d’une opération et à qui le film est dédié, ndlr] a transformé mon point de vue. J’ai compris à quel point ce que nous avons enduré dans cet hôpital participe aussi de ce que nous sommes. » Fils de Garches procède ainsi d’une forme de réappropriation d’une histoire subie et d’une affirmation de soi, en réaction aux représentations stéréotypées d’enfants malades, souvent teintées de commisération.

La poupée Totor, double du cinéaste, subit à l’écran les gestes techniques qu’il a endurés enfant.

La poupée Totor, double du cinéaste, subit à l’écran les gestes techniques qu’il a endurés enfant.   The Kingdom/Wag Prod/AGM Factory

« Pour une fois, nos images par nous-mêmes, nos souvenirs par nos voix », énonce au début de ce documentaire très personnel celui qui l’a réalisé, et dont la caméra vissée à son fauteuil capte parfois les traits dans un miroir − une seconde caméra, dans les mains d’un opérateur valide, suivant ses déplacements et ses interactions. « Questionner celles et ceux qui ont vécu la même chose que moi a été facile, tant je savais grosso modo ce qu’ils avaient à dire. Il ne s’agissait cependant pas pour moi d’empiler les témoignages, mais d’articuler un propos, de l’annonce aux parents du handicap de leur enfant à la dernière scène, qui interroge le désir. Tout a été prémédité. J’ai même fait réaliser un mannequin à partir de photos de moi, pour donner à voir ce que nous étions pour le personnel hospitalier. » Une poupée baptisée « Totor », sur laquelle un soignant reproduit certains gestes techniques infligés aux jeunes patients des années 1990. Un temps pas si lointain, que le film sauve de l’effacement, alors que l’hôpital de Garches va bientôt disparaître pour laisser place à « un ensemble de petites résidences seniors tout à fait sympathiques ».

Rémi Gendarme-Cerquetti est aussi l’auteur d’un livre : Carnet de bord pour un voyage merdique, qui vient de paraître chez Sinope éditions.

TTT Fils de Garches, en exclusivité sur Télérama.fr du 27 janvier au 3 février.

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