mercredi 7 décembre 2022

Le célèbre test de Rorschach a 100 ans

Mathieu Perreault   Publié le 13 septembre

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Cette année, la Société internationale du Rorschach honore le centenaire du célèbre test du psychiatre suisse Hermann Rorschach, mort en 1922, un an après avoir publié un traité sur 10 taches d’encre et leurs différentes interprétations. Regard sur ce test qui a connu une immense popularité après la mort de son inventeur.

Dix taches

En juillet à Genève, des centaines de psychologues ont célébré le centenaire du test de Rorschach au congrès de la Société internationale du Rorschach. Les 10 taches du test, présentées sur 10 cartes, sont toujours les mêmes qu’il y a un siècle et l’ordre dans lequel elles sont présentées aux patients n’a jamais changé. « Le patient raconte une histoire à partir des cartes », explique Mariette Lepage, membre du comité exécutif de la Société québécoise des méthodes projectives, qui a assisté au congrès en Suisse. « L’objectif est de déceler les interprétations inhabituelles qui pourraient révéler des informations sur les patients. » 

Initialement, l’idée était que le patient « projetait » son inconscient sur la tache, explique Serge Lecours, psychologue de l’Université de Montréal qui a notamment travaillé sur les questionnaires de mesure des émotions.

L’idée d’une radiographie de l’inconscient, ce n’est pas complètement faux, mais pas entièrement vrai. Mais on peut considérer que le test de Rorschach donne des informations sur la manière de penser du patient.

Serge Lecours, psychologue de l’Université de Montréal

« Par exemple, s’il décrit beaucoup de petits détails sur la tache, on n’a pas besoin d’invoquer l’inconscient pour considérer qu’il s’agit d’une information clinique utile sur une attention peut-être excessive aux petits détails de la vie. » 

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Base de données

Avant de publier les 10 fameuses cartes, l’inventeur du test, le Suisse Hermann Rorschach, a colligé des interprétations de ses taches par des centaines d’enfants et d’adolescents qu’il traitait, ainsi que par des amis et connaissances. « Il y a eu, à partir des années 1930, beaucoup de bases de données d’interprétations par les patients, notamment aux États-Unis », indique Kari Carstairs, psychologue britannique qui a dirigé un numéro de la revue Roschachiana sur le centenaire de l’invention du test. « Alors, il y avait plusieurs interprétations différentes des résultats du test. » À partir des années 1970, le « système compréhensif » du psychologue américain John Exner a permis d’unifier ces interprétations et de rendre plus robustes les analyses empiriques qui lient les résultats du test aux troubles psychologiques. Notons que les interprétations par les patients des taches sont relativement stables durant leur vie adulte, et il y a peu de différences entre hommes et femmes, selon la psychologue britannique. 

Différences entre pays

De façon surprenante, pour un test en apparence aussi subjectif, les différences entre pays sont assez peu importantes, selon Patrick Fontan, psychologue de l’Université Paris-Ouest qui a travaillé sur le sujet. « On va voir un déplacement de certains modes de comportement, selon des trajectoires somme toute assez connues, dit M. Fontan. Par exemple, un Français endeuillé ne va pas aborder son deuil en public, ça va se voir dans les résultats du test de Rorschach. C’est dans la moyenne en France, mais aux États-Unis c’est assez inhabituel, le deuil est davantage public. Alors le résultat va être hors norme et le Français agissant de manière normale en France va être considéré sur le côté de l’évitement des émotions aux États-Unis. » 

La psychanalyse

Le test de Rorschach est né à une époque où la psychanalyse dominait la psychiatrie. Cette association est à la source de nombreuses critiques du Rorschach. « Utiliser le Rorschach pour découvrir les impulsions cachées qui gouvernent les actions des patients est très problématique », explique James Wood, psychologue de l’Université du Texas à El Paso qui a publié en 2003 le livre What’s Wrong with the Rorschach. Cette critique est très courante, confirme Serge Lecours. « Beaucoup des critiques du Rorschach le connaissent mal et ignorent tout le travail empirique qui a été fait », dit M. Lecours. 

Pour ce qui est de l’interprétation de nature psychanalytique qu’on peut faire des résultats des tests de Rorschach, il y a moins de données empiriques, mais ça ne veut pas dire que c’est une approche inutile.

Serge Lecours, psychologue de l’Université de Montréal

La psychologie en cour

Les critiques du test de Rorschach sont particulièrement opposés à son utilisation dans un contexte juridique. « Je pense qu’il s’agit du test le plus utilisé en cour aux États-Unis », explique Tess Neal, une psychologue de l’Université d’État de l’Arizona qui vient de superviser un numéro spécial du Journal of Personality Assessment sur les tests psychologiques et la justice. « Dans bien des cas, des psychologues experts font des affirmations qui dépassent les capacités du Rorschach. » Le test de Rorschach est par contre beaucoup moins utilisé dans les tribunaux canadiens, selon Ron Roesch, un psychologue de l’Université Simon Fraser à Vancouver qui a collaboré au numéro spécial du Journal of Personality Assessment.


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