samedi 19 novembre 2022

« Une petite partie de l’humanité, par sa gloutonnerie, remet en cause la possibilité d’habiter sur Terre »

par  Barnabé Binctin    

Anthropologue, Philippe Descola, a consacré une partie de son travail à proposer de nouvelles façons d’habiter la Terre. En déconstruisant l’idée de « nature », il appelle à changer radicalement nos relations avec le monde vivant et les non-humains. Entretien.

Professeur émérite au Collège de France, où il succéda à Claude Lévi-Strauss à la tête du Laboratoire d’Anthropologie sociale, Philippe Descola est un éminent anthropologue. Après avoir vécu chez les Achuar, un peuple animiste vivant dans la forêt amazonienne en Équateur, il consacre une grande partie de son travail à tracer les contours de nouvelles façons d’habiter la Terre. Comment ? En déconstruisant l’idée même de « nature », et en nous appelant à changer radicalement de logiciel dans nos relations avec le monde vivant. Rencontre avec l’une des voix les plus influentes et respectées de l’écologie politique.

basta! : Votre dernier livre, Ethnographies des mondes à venir, coécrit avec Alessandro Pignocchi, tout comme le documentaire dont vous êtes le sujet principal, Composer les mondes, d’Eliza Levy [1], tissent tous deux un parallèle entre ce que vous avez pu observer chez les Achuar en Amazonie, puis sur la ZAD de Notre-Dame-des-Landes. Qu’est-ce qui réunit, selon vous, ces deux territoires bien distincts ? 

Philippe Descola : Un même mouvement de refus de l’appropriation privative des communs, qui participe aussi d’une autre façon de s’attacher à son territoire. Dans leurs luttes contre la spoliation territoriale, les populations autochtones s’efforcent toujours de mettre en évidence que les territoires qu’elles habitent ne sont pas simplement des « gagne-pain », c’est-à-dire des lieux utilisés d’abord pour exploiter des ressources. Il y a bien d’autres raisons, au-delà de ça, pour lesquelles elles occupent le territoire.


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