mercredi 2 novembre 2022

«Suicides forcés» : un fléau invisible

par Alexandra Schwartzbrod   publié le 2 novembre 2022

Grâce au Grenelle contre les violences conjugales, deux circonstances aggravantes ont été ajoutées au délit de harcèlement sur conjoint. Pourtant, le processus d’emprise qui conduit des femmes à se donner la mort est encore trop peu connu.

C’est le point invisibilisé des violences faites aux femmes : le «suicide forcé», celui qu’une femme sous emprise finit par commettre pour être enfin délivrée de son bourreau, la seule porte de sortie qu’elle soit capable d’entrevoir à ce moment précis. Cette tragédie, les proches de la victime en portent longtemps la culpabilité. Non pas qu’ils n’aient rien tenté, ils n’ont simplement rien pu faire. L’emprise est un processus insidieux, une sorte de toile que le harceleur tisse patiemment à partir de fils quasi invisibles à l’œil nu. Quand la victime en est à se débattre, souvent il est trop tard : elle refuse d’être aidée, persuadée par son bourreau que la coupable, c’est elle.

Le nombre de ces suicides forcés est dur à évaluer car ils ne sont pas officiellement recensés. Le dernier décompte date de 2017 qui faisait état de 1 100 femmes poussées au suicide en Europe, dont 209 en France. Le Grenelle contre les violences conjugales a permis de faire adopter un nouvel article du code pénal qui, en cas de suicide, ajoute deux circonstances aggravantes au délit de harcèlement sur conjoint. Problème, aucune circulaire n’en a informé les parquets et la police. Les choses avancent donc, mais lentement. Trop lentement. Il y a quinze ans, le mot «féminicide» n’existait pas dans le langage courant. Aujourd’hui, la réalité qu’il traduit est dûment recensée par le ministère de l’Intérieur et par les médias, en tout cas par Libération. Faisons tous et toutes en sorte que le suicide forcé suive le même chemin et ne passe plus sous les radars.


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