lundi 7 novembre 2022

Nicolas Henckes et Benoit Majerus, Maladies mentales et sociétés. XIXe-XXIe siècle

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Alex Maignan

Maladies mentales et sociétés

Comment les sociétés occidentales contemporaines ont-elles appréhendé le phénomène des maladies mentales depuis le XIXe siècle ? Et comment les sciences humaines et sociales ont-elles, depuis les années 1970, analysé et interprété ce rapport de nos sociétés aux maladies mentales ? Cest à partir de ces deux questionnements que le sociologue Nicolas Henckes et lhistorien Benoit Majerus ont construit leur synthèse historiographique de « lhistoire des maladies mentales et de leur traitement social à l’époque contemporaine » (p. 3), la première du genre. Pour ce faire, les auteurs ont choisi de structurer louvrage en quatre chapitres correspondant aux quatre principales dimensions du rapport que nos sociétés entretiennent avec les maladies mentales : « espaces », « savoirs », « pratiques » et « expériences ».

2Le premier chapitre, consacré aux espaces de la psychiatrie, rappelle à quel point la prise en charge et lexpérience de la maladie mentale sont étroitement liés aux agencements spatiaux et institutionnels dans lesquelles elles sinscrivent. Au XIXe siècle, le lieu emblématique du traitement de la folie est lasile. Sappuyant sur la théorie de lisolement, selon laquelle linstitution asilaire fonctionne comme un moyen de traitement et de guérison, et sur une vision optimiste de lamélioration des individus par l’éducation inspirée de la philosophie des Lumières, lenfermement devient progressivement une pratique dominante dans la prise en charge des maladies mentales au XIXe siècle. Les historiens ont largement investigué le fonctionnement interne de ces institutions, entre discipline, thérapie et vie quotidienne, pour mettre en évidence sa fonction panoptique, le rôle de larchitecture dans le classement des individus, limportance de la matérialité et des objets dans lexpérience de la folie, etc. On voit néanmoins saffirmer un premier moment « antipsychiatrique » dans le dernier tiers du XIXe siècle qui témoigne dune nouvelle géographie psychiatrique incarnée par trois espaces : le jardin, la ville et les colonies. De nouveaux acteurs, de nouvelles catégories médicales et psychologiques et de nouvelles institutions se développent et brouillent le mandat asilaire en sappuyant notamment sur le thème des pathologies de la civilisation (liées à la vie urbaine, à la vie quotidienne, etc.). À partir des années 1950, la géographie psychiatrique se complexifie : le traitement institutionnel est remis en cause et de nombreuses expérimentations (telle la psychothérapie institutionnelle) voient le jour. Simpose ainsi progressivement lidée dune « désinstitutionalisation » qui témoigne en réalité dune transformation des espaces et des modalités de prises en charge des individus : lhospitalisation devient un moment dans la vie des personnes et les lieux de la psychiatrie se diluent, conduisant les auteurs à parler davantage de « déshospitalisation » ou de « transinstitutionalisation ».

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