lundi 21 novembre 2022

« Les droits de l’enfant ne se discutent pas, encore moins au profit d’affichages politiciens de “lutte contre l’immigration” »

Publié le 20 novembre 2022

TRIBUNE

Près de soixante députés Nupes, parmi lesquels Danièle Obono, Louis Boyard, Mathilde Panot, Sandra Regol, Sandrine Rousseau et Aurélien Taché, dénoncent, dans une tribune au « Monde », la « carence des institutions » à l’égard des mineurs étrangers isolés, abandonnés à la rue. Ils demandent notamment que la « présomption de minorité » soit inscrite explicitement dans la loi.

La période actuelle regorge de discours nauséabonds, politiques et médiatiques, concernant les migrants, les sans-papiers et les mineurs non accompagnés (MNA). Mais dans les régions, les villages et les quartiers, des collectifs, des associations, des milliers de citoyens font vivre au quotidien, par leur solidarité, leur fraternité, une autre réalité.

Nous appelons ensemble à ce que la raison reprenne le pas sur les fantasmes et que l’on revienne sur des données factuelles, notamment sur la réalité vécue par les MNA, et sur les difficultés que rencontrent ces jeunes et leurs soutiens pour faire respecter les exigences de protection liées à leur minorité.

Partout sur le territoire français se multiplient les situations où la carence des institutions entraîne la mise à la rue, sans droits ni ressources, de mineurs isolés vulnérables et en danger. Les droits de l’enfant ne se discutent pas, encore moins au profit d’affichages politiciens de « lutte contre l’immigration ». La mineure migrante ou le mineur migrant est avant tout une ou un enfant.

Respect et sécurisation

Nous demandons que les responsables institutionnels actuels s’engagent pour que soient respectés et appliqués :

– La mise à l’abri immédiate de tout jeune isolé se présentant comme mineur, dans les dispositifs de droit commun de la protection de l’enfance (seuls dispositifs habilités à accueillir un mineur, à même de lui garantir des conditions de vie dignes et un accompagnement socio-éducatif de qualité), les hôtels n’étant pas une solution adaptée ;

– La reconnaissance et le respect de la présomption de minorité, de l’intérêt supérieur de l’enfant et du droit au recours effectif, la prise en charge des MNA par la protection de l’enfance devant être maintenue le temps qu’une décision judiciaire définitive intervienne ;

– Le respect du droit des mineurs à bénéficier d’une prise en charge globale et adaptée leur permettant d’accéder à l’ensemble de leurs droits fondamentaux (accompagnement socio-éducatif, financier, juridique, accès à la scolarité, aux soins de santé physique et mentale) ;

– Le maintien de la prise en charge au-delà de 18 ans si la situation l’exige (prise en charge à travers les contrats jeunes majeurs ou autres dispositifs si nécessaire) ;

– La sécurisation de l’avenir, à la majorité, pour les mineurs isolés étrangers, qui passe par la non-remise en cause de leur identité, la reconnaissance de la validité des documents d’état civil de leurs pays d’origine, l’obtention d’un titre de séjour.

Une question policière

Nous demandons notamment le retrait du décret du 30 janvier 2019 sur le fichier d’appui à l’évaluation de minorité (AEM), qui porte atteinte aux droits des MNA et fait de l’accueil et la protection de l’enfance une question policière, au mépris des droits de l’enfant.

Ainsi que l’a rappelé la Défenseure des droits, il ressort tant de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme que du comité des droits de l’enfant de l’ONU, un principe selon lequel la personne se déclarant mineure isolée doit être présumée comme telle.

De plus, la jurisprudence du Conseil d’Etat comme du Conseil constitutionnel et l’article 375 du code civil impliquent que l’appréciation de l’âge doit être entourée de l’ensemble des garanties nécessaires, et que, dans l’attente de la décision d’un juge indépendant et impartial, la personne puisse être protégée.

C’est pourquoi nous demandons que la présomption de minorité soit inscrite explicitement dans la loi.

Liste des signataires : Nadège Abomangoli, députée La France insoumise (LFI) de la Seine-Saint-Denis ; Gabriel Amard, député LFI du Rhône ; Christine Arrighi, députée écologiste de la Haute-Garonne ; Lisa Belluco, députée écologiste de la Vienne ; Karim Ben Cheikh, député écologiste des Français de l’étranger ; Carlos Martens Bilongo,député LFI du Val-d’Oise ; Idir Boumertit, député LFI du Rhône ; Soumya Bourouaha, députée Gauche démocrate et républicaine (GDR) de la Seine-Saint-Denis ; Louis Boyard, député LFI du Val-de-Marne ; Jean-François Coulomme, député LFI de la Savoie ; Catherine Couturier, députée LFI de la Creuse ; Hendrik Davi, député LFI des Bouches-du-Rhône ; Sébastien Delogu, député LFI des Bouches-du-Rhône ; Pierre Dharéville, député GDR des Bouches-du-Rhône ; Elsa Faucillon, députée GDR des Hauts-de-Seine ; Charles Fournier, député écologiste d’Indre-et-Loire ; Marie-Charlotte Garin, députée écologiste du Rhône ; Perceval Gaillard, député LFI de La Réunion ; Clémence Guetté, députée LFI du Val-de-Marne ; Chantal Jourdan, députée Parti socialiste (PS) de l’Orne ; Hubert Julien-Laferrière,député écologiste du Rhône ; Sébastien Jumel, député GDR de la Seine-Maritime ; Andy Kerbrat, député LFI de la Loire-Atlantique ; Bastien Lachaud, député LFI de la Seine-Saint-Denis ; Elise Leboucher, députée LFI de la Sarthe ; Jean-Paul Lecoq, député GDR de la Seine-Maritime ; Charlotte Leduc, députée LFI de la Moselle ; Arnaud Le Gall,député LFI du Val-d’Oise ; Murielle Lepvraud, députée LFI des Côtes-d’Armor ; Benjamin Lucas, député écologiste des Yvelines ; Frédéric Mathieu, député LFI d’Ille-et-Vilaine ; Damien Maudet, député LFI de la Haute-Vienne ; Manon Meunier, députée LFI de la Haute-Vienne ; Danièle Obono, députée LFI de Paris ; Nathalie Oziol, députée LFI de l‘Hérault ; Mathilde Panot, députée LFI du Val-de-Marne ; Francesca Pasquini, députée écologiste des Hauts-de-Seine ; Sébastien Peytavie, député écologiste de la Dordogne ; François Piquemal, député LFI de la Haute-Garonne ; Marie Pochon, députée écologiste de la Drôme ; Thomas Portes, député LFI de Seine-Saint-Denis ; Loïc Prudhomme,député LFI de la Gironde ; Jean-Claude Raux, député écologiste de la Loire-Atlantique ; Sandra Regol, députée écologiste du Bas-Rhin ; Sandrine Rousseau, députée écologiste de Paris ; Michel Sala, député LFI du Gard ; Isabelle Santiago, députée PS du Val-de-Marne ; Eva Sas, députée écologiste de Paris ; Sabrina Sebaihi, députée écologiste des Hauts-de-Seine ; Danielle Simonnet, députée LFI de Paris ; Ersilia Soudais, députée LFI de Seine-et-Marne ; Anne Stambach-Terrenoir, députée LFI de la Haute-Garonne ; Aurélien Taché, député écologiste du Val-d’Oise ; Sophie Taillé-Polian, députée écologiste du Val-de-Marne ; Andrée Taurinya, députée LFI de la Loire ; Jean-Marc Tellier,député GDR du Pas-de-Calais ; Nicolas Thierry, député écologiste de la Gironde.


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