samedi 22 octobre 2022

«File dans ta chambre», une violence éducative ? Entre parents et enfants, une trêve est parfois nécessaire

par Sabrina Champenois   publié le 18 octobre 2022 

Plusieurs voix s’élèvent contre cette injonction parentale, estimant qu’elle est traumatisante et contre-productive. La mise au coin est pourtant un bon moyen d’éviter une surenchère dans la colère.

Après la fessée et la gifle, exit la mise au coin ? On l’a appris par un article du Figaro des ONG ont saisi le Conseil de l’Europe afin qu’il reconsidère le «time-out», qui figure dans ses recommandations en matière d’éducation. L’instance y réfléchirait, selon le Parisien.

Le time-out (qui est en sport un temps mort, une pause) consiste en matière de parentalité à mettre l’enfant «au coin», en lui intimant de filer dans sa chambre notamment. Son avantage est, selon ses partisans, de répondre à un mauvais comportement par une punition non violente. En France, la clinicienne Caroline Goldman en est une fervente avocate, auteure de File dans ta chambre (InterEditions, 2020). Que le parent qui ne l’a jamais expérimenté se signale auprès de nos services pour un passage au détecteur de mensonges.

Trêve silencieuse

Or, cette mesure découle de principes datés au carbone 14 et elle constitue une violence, dénoncent d’aucuns. «Depuis quand laisse-t-on seul quelqu’un qui va mal ? C’est une sanction psychique inouïe et je pèse mes mots. Si on veut que l’enfant se calme, il faut rester avec lui», dit au Figaro Christine Schuhl, formatrice Montessori et éducatrice de jeunes enfants. Céline Quelen de l’association Stop VEO (pour violences éducatives ordinaires), qui a contacté le Conseil de l’Europe, affirme connaître «une maman qui a déboîté la clavicule de son enfant en l’entraînant dans sa chambre»… Mais des spécialistes relativisent, tel Benjamin Sadoun, pédopsychiatre au Groupe hospitalier universitaire Paris psychiatrie & neurosciences : «Ça me semble une sanction modérée. Après, il faut voir les motifs pour lesquels les parents les y envoient. Si l’enfant est invité à visiter sa chambre chaque fois qu’il ne dit pas bonjour, ça relève de la rigidité.»

Personnellement, on voit dans le time-out (bien dosé) un bon moyen de court-circuiter ces moments où l’affaire part en sucette, dans une spirale d’énervement réciproque. Produit de la génération biberonnée à Françoise Dolto, bien sûr qu’on souscrit au «dialogue», mantra des hérauts de l’éducation positive. Encore faut-il pouvoir le maintenir. Et d’expérience, on sait qu’une trêve silencieuse est parfois nécessaire aux deux parties pour pouvoir «redescendre» et le renouer. Sachant qu’on a aussi expérimenté avec succès le time-out appliqué à soi-même : en expliquant qu’on a besoin de calme et en invitant sa progéniture à décompresser aussi, on s’isole plutôt que l’enfant, dont la chambre ne devient pas synonyme de punition.

Regard affligé

Et au fait, quid de l’enfant qui s’approprie le procédétourne les talons et claque lui-même la porte de sa chambre pour y «bouder» résolument ? Et quid de ce grand classique de l’adolescence qui consiste à faire de sa chambre un antre (pourquoi pas flanquée de l’avertissement «ne pas déranger») dont l’encore enfant ne sort qu’après injonctions parentales à répétition, le regard affligé et avec la hâte palpable d’y retourner ? Le parent peut alors aussi se sentir «mis au coin», puni, possiblement injustement. Ne faudrait-il pas aussi apprendre aux enfants à doser le time-out ?


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