lundi 10 octobre 2022

Endométriose et emploi : agir et vite

par Lou Morieux, Avocate et Yasmine Candau, Présidente d’EndoFrance  

publié le 8 octobre 2022 

Selon une enquête, 65 % des femmes atteintes de la maladie disent en subir l’impact sur leur quotidien professionnel. Le droit du travail ainsi que les politiques des ressources humaines des entreprises doivent d’urgence se saisir du problème.

«L’endométriose. Ce n’est pas un problème de femmes, c’est un problème de société. La stratégie nationale que nous lançons porte l’espoir d’une meilleure qualité de vie pour des millions de filles et de femmes.» (Emmanuel Macron, le 11 janvier 2022).

Cette stratégie, indispensable, mais essentiellement axée sur le diagnostic et les parcours de soins, n’est pas suffisante et doit être complétée. Un aspect essentiel de la maladie a en effet été oublié : son incidence sur les conditions de travail des femmes concernées. Pourtant, 65 % des femmes atteintes d’endométriose reconnaissent un impact négatif de la maladie sur leur quotidien professionnel (enquête Endovie 2020 Ipsos & Gedeon Richter en collaboration avec EndoFrance).

Maladie invisible et invalidante

L’endométriose est une maladie inflammatoire qui peut générer des douleurs cycliques ou chroniques invalidantes. Elle touche une personne menstruée sur dix. Il n’existe, à ce jour, aucun traitement définitif permettant de soigner les femmes atteintes. Diagnostiquée en moyenne au bout de sept ans, sa prise en charge est très tardive.

Nombre d’employeurs n’ont malheureusement pas encore mesuré l’importance de cette pathologie. Invisible, elle est souvent invalidante. Les difficultés et situations soumises à l’association Endofrance sont multiples.

Charlotte est vendeuse dans une boutique de vêtements et contrainte d’être en arrêt de travail une semaine par mois. Si sa responsable était plutôt bienveillante au départ, son absentéisme cyclique lui a valu des reproches de ses collègues. Au bout de quelques mois, son médecin a refusé de lui prescrire systématiquement des arrêts de travail. C’est l’impasse.

Camille, juriste, a un travail stressant et de lourdes responsabilités. A force de devoir écourter les rendez-vous et réunions en période de crise de douleurs ou de troubles digestifs, elle a été contrainte de démissionner et s’est reconvertie.

Comme Charlotte et Camille, des dizaines, des centaines, des milliers de femmes subissent les conséquences de l’endométriose sur leurs conditions de travail. Pourtant, l’isolement, le renoncement, la démission et la reconversion ne doivent pas être les seules réponses à cette maladie.

Des enseignes comme Kiko Milano, Promod ou l’institution de prévoyance Kerialis, ont pour leur part demandé à l’association EndoFrance de mener une sensibilisation à destination de leurs collaborateurs afin de comprendre l’impact de l’endométriose sur le quotidien des femmes concernées par la maladie.

A l’évidence, quand une entreprise a un effectif féminin à 99 % et qu’une femme sur dix est atteinte d’endométriose, une prise de conscience est absolument nécessaire. Qu’il s’agisse d’attribuer des jours de repos supplémentaires ou un congé menstruel, d’affecter une place de parking, de mettre en place des jours de télétravail en fonction des besoins de la salariée ou des campagnes de financement d’aide à la reconversion, Kiko Milano, Kerialis et Promod se sont saisis de la question de l’endométriose au sein de leurs équipes.

De telles actions ne doivent plus être réservées à certaines entreprises fortement féminisées. «L’endométriose. Ce n’est pas un problème de femmes, c’est un problème de société.»

Nécessité de solutions différenciées et adaptées

Alors il faut agir, y compris dans le domaine de l’emploi. La stratégie nationale esquissée doit être enrichie. Certaines des initiatives évoquées peuvent servir d’inspiration, tout comme le livre blanc «Endométriose et emploi» publié par EndoFrance et Kerialis. L’essentiel reste à imaginer. Les politiques de ressources humaines se doivent d’intégrer cette maladie dans les relations de travail.

Le droit existant doit également être amélioré : suivi médical renforcé par les médecins du travail pour les salariées concernées, congés mensuels pour certaines, recours accru et opposable au télétravail. EndoFrance est prête à aider les équipes ministérielles dédiées à travailler sur une charte endo friendly pour les entreprises mais également à diffuser ou repenser le livre blanc «Endométriose et emploi». L’association sollicite la mise en place de sensibilisation sur l’endométriose auprès de la médecine du travail et la prise en compte de la santé des femmes au sein de la législation du travail en rendant plus accessible le télétravail lorsque cela est possible ou l’adaptation des conditions de travail.

Les évolutions à mettre en œuvre sont nombreuses. Surtout, les réponses apportées doivent permettre de trouver des solutions différenciées et adaptées aux symptômes. Le législateur, le gouvernement, les partenaires sociaux se doivent d’agir afin de mettre en œuvre de réelles actions au sein des entreprises françaises, auprès de chacune, au bénéfice de tous.


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