lundi 8 août 2022

« L’espace européen des données de santé ouvre la voie à une vague d’innovations au profit des patients »


 



Publié le 05 août 2022 

La Commission européenne met en œuvre l’espace européen des données de santé (EDHS), qui doit permettre la formation d’un marché européen unique des thérapies numériques compétitif face à la concurrence américaine, expliquent, dans une tribune au « Monde », des entrepreneurs, médecins, patients engagés dans l’innovation en santé numérique.

a Commission européenne a choisi, le 20 juillet, de confier au Health Data Hub, un consortium de seize partenaires issus de dix pays différents, la construction, dès septembre, d’une première version du futur « espace européen des données de santé » (European Health Data Space, EDHS en anglais).

Début mai, elle présentait sa proposition de règlement relatif à l’espace européen des données de santé, qui sera prochainement soumis au Conseil de l’Union européenne puis au Parlement européen. Le choix de l’opérateur, désormais entériné, rapproche donc un peu plus l’EDHS de la réalité, sans toutefois lever toutes les « réserves ». Celles-ci portent notamment sur le choix de Microsoft Azure, un acteur américain, comme hébergeur de ces données de santé, et sur l’assurance que ces données ne pourront pas franchir l’Atlantique.

A cette question, comme à d’autres qui ne manqueront pas de se poser, il faudra apporter des réponses fortes et transparentes. Celles-ci garantiront une confiance sans laquelle l’investissement à long terme serait compromis. Or, l’enjeu est de taille. La vocation de l’EDHS est de « placer les citoyens au centre, en leur donnant le pouvoir de contrôler leurs données afin de bénéficier de meilleurs soins de santé », selon les mots de Stella Kyriakides, commissaire européenne à la santé et à la sécurité alimentaire.

L’EDHS ouvre la voie à une vague d’innovations au profit des patients et doit aussi permettre la formation d’un marché européen unique des thérapies numériques, doté de règles communes, qui, à son tour, favorisera l’émergence d’un tissu de technologies de la santé européen compétitif face à la concurrence américaine.

Une mine d’or

Au cœur de cette révolution – et c’est ce qui rend la question de la protection des données si sensible – se trouvent les « données patients ». Valorisées par l’intelligence artificielle (IA) et le big data, celles-ci sont une mine d’or pour l’identification de marqueurs biologiques et l’interprétation des données.

Ces marqueurs sont eux-mêmes à la base de nouveaux outils de diagnostic (imagerie médicale, biologie) et de prévention (interprétation des symptômes, analyse des interactions médicamenteuses) qui se déploient à grande vitesse dans les hôpitaux et les cabinets médicaux.

Dans le diabète et en cancérologie, des dispositifs « point of care » [« au plus près des patients »], installés sur les smartphones et rendus intelligents grâce au machine learning, accompagnent les patients dans le suivi de leur pathologie et de leur thérapie, tout en gardant les professionnels de santé « dans la boucle ».

En impliquant les patients, ces outils changent la donne partout où l’adhésion au traitement est un facteur-clé de réussite thérapeutique, chez les jeunes et les personnes âgées en particulier. Capables de collecter et de traiter des données liées au quotidien des patients, d’identifier des marqueurs biologiques individuels et des mesures de qualité de vie, ces outils remettent aussi le patient en première ligne dans le design même des solutions destinées au suivi de leurs maladies.

Une chance historique

Non plus simplement utilisateur final, le patient devient ainsi coconcepteur des thérapies numériques.

Cette approche décentralisée constitue enfin une réponse puissante à la question de l’accès aux soins, qu’il s’agisse des patients touchés par des maladies rares pour lesquelles les centres de référence sont peu nombreux, ou pour tous ceux qui habitent dans des déserts médicaux.

Autre front où la numérisation fait bouger les lignes : les essais cliniques. Sur ce terrain, les taux d’échec approchent les 90 % et coûtent cher à l’industrie, tandis que les durées de développement sont très longues. Là encore, l’exploitation des « données patients » valorisées par l’intelligence artificielle ouvre la voie à une révolution : appréhender véritablement l’hétérogénéité des patients – en élargissant les paramètres mesurés (ADN, ARN, microbiote, marqueurs immunologiques, etc.) – pour valider statistiquement les hypothèses, réduire la taille des échantillons et, in fine, maîtriser le risque de développement.

Qu’il s’agisse de l’identification de nouvelles molécules, du repositionnement de médicaments existants ou du design des essais cliniques, la numérisation doit être mise au service de la recherche & développement (R&D) pharmaceutique européenne et des patients, pour qui ces essais représentent souvent l’ultime option thérapeutique.

La création de l’espace européen des données de santé est une chance historique en Europe, au service de l’innovation et de la confiance entre patients, industriels et pouvoirs publics. Mettons tout en œuvre pour sa réussite.

Les signataires : Mohammad Afshar, directeur général d’Ariana Pharma ; Alain Herrera, médecin oncologue ; Maryvonne Hiance,présidente de HealthTech For Care ; Anaïs Le Corvec, membre du Council of European Bioregions (réseau de clusters européens spécialisés dans les sciences de la vie) ; Christian Policard, fondateur de Biotech Développement Conseil ; Erik Tambuyzer, membre du Groupe européen d’experts pour les maladies orphelines (OD Expert Group).

Collectif 

                                                                                                        

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