samedi 6 août 2022

Feux de fôret Dans la tête des pyromanes : «Ils sont dépendants d’un besoin d’excitation et d’adrénaline»

par Estelle Aubin  publié le 1er août 2022 

Alors que de nombreux feux sont recensés en France en ce début de période estivale, leur origine est souvent humaine et «volontaire». En cause notamment, les défaillances psychologiques des criminels.
Benjamin Polge / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP

Jeudi 2 juillet, un homme de 44 ans a fini par avouer avoir mis le feu à une forêt ardéchoise. La veille, un sapeur-pompier volontairea été placé en garde à vue, cette fois dans l’Hérault, pour «dégradations volontaires par incendie». Depuis trois ans, il se dit «pyromane», a-t-il avoué aux enquêteurs. Les incendies, nombreux cet été, sont «à 90 % d’origine humaine», estime Julie Palix, docteure en psychologie à l’Unité de recherche en psychiatrie et psychologie légales à Lausanne, qui a publié en 2015 une note dédiée aux incendiaires et aux pyromanes. Selon elle, la moitié d’entre eux sont volontaires.

Quelle est la différence entre un pyromane et un incendiaire ?

Un pyromane est une personne qui provoque des feux et incendies de façon répétitive, sans recherche de gain ou de récompense. Le terme, introduit en 1833 par le psychiatre français Henri Marc, est utilisé pour établir un diagnostic psychiatrique. Mais ce mot a été retiré du Manuel des troubles mentaux depuis 2013, car on estime que ce n’est plus une maladie mentale à part entière et que le profil type du pyromane n’existe quasiment pas. D’un point de vue psychiatrique, le terme n’existe plus. On préfère parler aujourd’hui d’un individu qui a des comportements incendiaires. On utilise donc plutôt le terme «incendiaire» pour parler d’un comportement. Cela permet d’englober les personnes qui ont d’autres pathologies psychiatriques et qui ont aussi des comportements incendiaires.

Pourquoi une personne décide-t-elle de commettre ce crime ?

Quand on interroge les individus qui ont commis des comportements incendiaires, on retrouve plusieurs motivations communes. Ils sont souvent dépendants d’un besoin d’excitation, d’adrénaline en période d’ennui, et sont fascinés pour le feu. Ces personnes cherchent à être valorisées. Ils sont satisfaits de produire, avec un petit acte, des conséquences dramatiques. D’autant plus qu’ils sont souvent au plus près de l’incendie. Ils peuvent observer les réactions du voisinage, des médias… D’après mes recherches, 57 % d’entre eux restent sur place pour «apprécier les conséquences». Ces motivations sont semblables à celles d’autres actes délinquants. Mais la particularité des incendiaires, c’est qu’ils trouvent des opportunités facilement accessibles sur leur lieu de vacances ou sur leur lieu de vie. Ils peuvent alors passer à l’acte, sans prendre le risque de se faire attraper, et tout en sachant que leur acte a des conséquences énormes. Il y a très peu de chance que la police retrouve ces criminels – selon Upday news, seul 1 % de ces individus sont identifiés par les services de gendarmerie et de police. Et ce, parce que les forêts sont mal entretenues, mal éclairées, parce qu’ils peuvent s’enfuir très vite. Ils sont en fait très opportunistes.

Une autre caractéristique des pyromanes est qu’ils préméditent bien souvent les lieux. D’après mon enquête, 67 % d’entre eux font des repérages, des essais, achètent du matériel, apprennent des techniques précises. Pour que le feu se propage largement, il faut être très bien préparé, presque expert dans la matière. D’où les nombreux cas de pompiers pyromanes, qui se retrouvent au centre de l’histoire. Ces comportements incendiaires ne sont pas nouveaux, ils existent depuis des centaines d’années, mais on remarque aujourd’hui qu’il y en a de plus en plus parce qu’il y a de plus en plus d’opportunités, les gens sont plus mobiles, ont plus accès à des lieux ruraux ou périurbains, proches de nos habituations. Et les feux prennent beaucoup plus vite qu’avant parce que le sol est beaucoup plus sec.

Quel est le profil des personnes incendiaires ?

Ce sont plutôt des jeunes qui ont entre 18 et 35 ans, qui vivent à côté du lieu de l’incendie, bien intégrés, souvent mariés, mais avec des difficultés d’empathie. Ce sont des personnes assez discrètes, qui s’ennuient, n’ont pas d’histoire. Au total, parmi l’ensemble de la population, on estime à 1 % la prévalence de pyromanes chez l’adulte, 1,7 % chez l’homme et 0,4 % chez la femme, avec une part plus importante chez les patients psychiatriques (3,4 %). Précisons aussi que trois quarts d’entre eux sont alcoolisés au moment des faits et la moitié sont diagnostiqués alcoolodépendants. Et dans environ 60 % des cas, des conduites antisociales sont relevées dans la famille de l’auteur des faits. Ces individus ont souvent des vulnérabilités psychologiques, psychotiques ou cérébrales. Enfin, comme pour l’ensemble des crimes, il y a très peu de femmes.


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