dimanche 3 juillet 2022

Médecine de l’extrême . Comprendre les limites du corps pour le soigner

Publié le : 28/06/2022 

Placé dans des milieux extrêmes, le corps est obligé de s’adapter. Étudier cette acclimatation permet d’améliorer la prise en charge de nombreuses pathologies.

Lors du deuxième départ de l’astronaute français Thomas Pesquet pour la station spatiale interna­tionale (ISS), beaucoup ont pu se poser la question suivante : « À quoi bon partir si loin alors qu’il y a tant à découvrir sur Terre ? » De fait, ces voyages à 400 km au-dessus de nos têtes peuvent paraître farfelus au regard des budgets astronomiques qu’ils exigent. Pourtant, de nombreuses avancées médicales ont été obtenues grâce à ces explorations. De même, les grandes expéditions en haute montagne, dans les fonds marins ou dans des grottes permettent de mieux comprendre le fonctionnement du corps humain et de réfléchir à de nouvelles techniques de soins.

ESPACE • UN ACCÉLÉRATEUR DU VIEILLISSEMENT

Entre les radiations cosmiques, l’isolation extrême et la micropesanteur, l’espace est certainement le lieu le plus hostile pour l’homme. Mais c’est aussi un incroyable laboratoire pour étudier le vieillissement car, à bord de l’ISS, les astronautes prennent un coup de vieux accéléré.

Des os qui s’évaporent

Les contraintes imposées par la vie dans l’espace affectent le squelette, en particulier les os porteurs comme le fémur et le tibia. « Parce qu’ils ne soutiennent plus les astronautes et parce qu’ils sont moins irrigués, ces os se dissolvent rapidement », rapporte Alain Guignandon, chercheur au sein du laboratoire Sainbiose (santé, ingénierie, biologie) de Saint-Étienne. Ces mécanismes de destruction osseuse se rapprocheraient de ceux impliqués dans l’ostéoporose liée à l’âge ou induits par l’immobilisation. Mais durant les premières semaines dans l’espace, tout s’accélère : la perte est d’environ 1 % par mois pour un astronaute contre 1 % par an pour une femme ménopausée ! Un phénomène mis en évidence grâce à des outils d’imagerie à rayons X innovants, conçus par le laboratoire stéphanois et aujourd’hui utilisés dans le service de rhumatologie du CHU de Saint-Étienne.

Davantage de gravité

À bord de l’ISS, les spationautes ont l’obligation de faire au minimum 2 h d’activité physique par jour. « Malgré tout, leur récupération n’est pas optimale », relève le chercheur. Sur Terre, ces programmes d’activité physique semblent un peu plus efficaces. Ainsi, les femmes ménopausées pratiquant de l’exercice voient leur masse osseuse augmenter de 1 à 2 % au niveau du fémur. Les meilleurs exercices sont ceux obligeant le squelette à résister : marche, course à pied, saut, danse, muscu­lation… « Il apparaît clairement qu’en micropesanteur, l’exercice physique est moins bénéfique que sur Terre, explique Alain Guignandon. Pour protéger plus efficacement le squelette des astronautes, il faudrait pouvoir recréer une gravité artificielle dans l’espace. » Sur Terre, avec la gravité naturelle, c’est donc mieux. Mais ce n’est pas parfait : l’exercice permet tout juste de stabi­liser la perte osseuse due à l’ostéoporose. « D’où l’idée de faire faire des exercices en gravité accentuée sur Terre pour protéger les os des personnes alitées ou celles souffrant d’ostéoporose. » Cette hypothèse de « l’hypergravité » est en cours d’étude dans le laboratoire stéphanois sur des rongeurs, en espérant pouvoir transférer ces connaissances chez l’homme.

Un cœur et des vaisseaux malmenés

« Une mission de 6 mois entraînerait un vieillissement artériel d’environ 10 ans », indique le Pr Pierre Boutouyrie, cardiologue et pharmacologue à l’Hôpital européen Georges-Pompidou à Paris, qui étudie la santé cardiovasculaire des explorateurs de l’espace. Ce vieillissement accéléré mis au jour récemment serait lié à la micropesanteur et à l’inactivité physique. En flottaison dans la capsule spatiale, les jambes des astronautes n’ont plus besoin de les porter. De ce fait, le sang habituellement réparti de manière homogène dans le corps migre vers le tronc et la tête. La pression sanguine augmente dans le haut du corps tandis qu’elle baisse dans les jambes, les artères se rigidifient et le cœur se déconditionne. Le muscle cardiaque s’atrophie d’environ 10 à 15 %. Des perturbations qui s’observent également sur Terre : « Les personnes alitées y sont aussi sujettes », pointe le cardiologue. Pour mieux comprendre ce déconditionnement et tester des mesures visant à l’atténuer, voire à le prévenir, les scientifiques mènent des études dites de « bed rest » (littéralement « repos au lit ») en ayant recours à l’alitement pour simuler la micropesanteur. L’équipe du Pr Boutouyrie a ainsi analysé les données d’une dizaine de volontaires – généralement jeunes et sportifs –, alités durant 2 mois avant de suivre un programme de rééducation intense (musculation, course sur tapis ou vélo). « Au bout d’un mois, ils ont récupéré leur masse musculaire et repris une vie normale. En revanche, le phénomène de vieillissement artériel n’est que partiellement réversible. Ils ont récupéré seulement 40 % de l’élasticité de leurs vaisseaux, ce qui suggère que l’activité physique, même intense, ne suffirait pas à contrer les effets de la sédentarité », décrit le cardiologue. Un constat qui rejoint les recommandations actuelles : il ne suffit pas de faire du sport de temps en temps, il faut aussi lutter contre un mode de vie inactif.


LA TÉLÉMÉDECINE, VENUE DE L’ESPACE

« Avoir accès à un médecin est presque aussi compliqué à bord de l’ISS que sur le plateau de Millevaches », ironise le cardiologue Pierre Boutouyrie, originaire de cette belle région de tourbières. Comme les astronautes, les habitants de cette zone rurale peuvent compter sur Internet, les télécommunications et le déploiement de cabines de télémédecine pour avoir accès aux soins. Autant d’outils qui ont vu le jour lors des 60 ans de conquête spatiale et des premiers vols habités. De fait, pour garder un œil sur les astronautes et pouvoir réagir en cas de problème de santé, les agences spatiales n’ont eu d’autre choix que d’imaginer des services de télécommunications satellitaires capables de relier les navettes spatiales à la Terre. En outre, de nombreuses innovations, comme des échographes guidés à distance, sont testés dans l’ISS. Des outils qui pourraient être utilisés dans les déserts médicaux.

PLONGÉE SOUS-MARINE • LES EFFETS DE LA PRESSION

Image

Dès le 17e siècle, l’homme a imaginé des cloches ou des tonneaux pour abriter les plongeurs chargés de récupérer les précieuses cargaisons des navires qui avaient sombré ou les ouvriers installant les piliers de soutènement des ponts. Jusqu’au 19e siècle, beaucoup succombent au « mal des caissons ». Un phénomène qui intrigue Paul Bert, médecin et physiologiste français. Dans son ouvrage La pression barométrique, il démontre qu’en plongée, l’air entrant dans les poumons se dissout d’autant plus dans le sang que la pression augmente et que si le plongeur remonte trop vite à la surface, des bulles d’air se forment dans les vaisseaux, bloquent la circulation sanguine et provoquent une embolie. Pour éviter ces accidents de décompression, il propose de remonter doucement et, en guise de traitement, recommande d’administrer de l’oxygène à une pression supérieure à la pression atmosphérique. Paul Bert avait pressenti les bienfaits de la médecine hyperbare.

Des soins en hyperpression

Il faut attendre la fin des années 1950 et les expérimentations du chirurgien hollandais Ite Boerema pour voir apparaître la première approche scientifique de la médecine hyperbare, indique Costantino Balestra, chercheur à la Haute école Bruxelles-Brabant, spécialisé en physiologie environne­mentale des milieux extrêmes dont la plongée sous-marine. « En augmentant la pression dans sa salle d’opération et en apportant ainsi davantage d’oxygène à l’organisme, il a démontré qu’il était possible de maintenir la circulation de ce gaz chez des enfants dont le cœur s’était arrêté. Cette procédure lui a permis de sauver un grand nombre de patients. » Cette démonstration a favorisé le développement d’unités de médecine hyperbare dans de nombreux hôpitaux du monde entier. Si aujourd’hui, elle n’est plus utilisée en chirurgie cardiaque, elle reste le principal traitement des accidents de décompression ou des intoxi­cations au monoxyde de carbone. Elle est aussi indiquée en cas de troubles de la cicatrisation chez les patients cancéreux, chez ceux atteints de brûlures ou de complications du pied du diabétique, par exemple.

HAUTE ALTITUDE • L’IMPACT DE LA RARÉFACTION DE L’OXYGÈNE

À 5 300 m d’altitude dans les montagnes péruviennes, les habitants de La Rinconada vivent la tête dans les nuages. Cette ville de chercheurs d’or au pied d’un glacier est la plus haute du monde. À cette altitude, le corps reçoit moitié moins d’oxygène qu’au niveau de la mer. Jusqu’à il y a peu, on pensait que l’être humain ne pouvait pas supporter une telle hypoxie. Pour comprendre comment ces experts de l’altitude résistent, Samuel Vergès, chercheur au sein du laboratoire hypoxie et physiopathologie (HP2) de l’Inserm à l’université de Grenoble-Alpes, et son équipe y ont effectué 4 expéditions depuis 2018. Cette première mondiale, connue sous le nom de l’Expé­dition 5300, pourrait permettre d’améliorer les soins destinés aux patients atteints de pathologies respiratoires.

Image

Deux fois plus de globules rouges

Au regard du taux d’oxygène particulièrement bas, les chercheurs pensaient bien trouver des taux très élevés de globules rouges ainsi que de nombreuses modifications du système cardiovasculaire, mais pas dans de telles proportions ! « Nous avons découvert que cette population possède 8 à 10 l de sang [contre 5 l en moyenne, ndlr] et que son taux d’hématocrite est deux fois plus élevé que celui du commun des mortels. Cela signifie que plus de 80 % de leur sang est composé de globules rouges. Jamais de telles masses d’hémoglobine n’avaient été mesurées chez l’homme », rapporte Samuel Vergès.
Le sang des Quechuas de La Rinconada est donc très épais et visqueux. Pour faire circuler ce liquide pâteux, leur cœur s’est dilaté et leurs vaisseaux se sont élargis. Le risque de crise cardiaque ou d’hémorragie cérébrale est, de ce fait, plus élevé. En outre, tous présentent une hypertension artérielle pulmonaire (HTAP), un mal qui entraîne le rétrécissement des artères pulmonaires et perturbe la circulation du sang dans les poumons. Observée aussi chez les patients souffrant d’affections respiratoires chroniques telles que la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO), elle provoque une baisse des apports en oxygène. « Si quelqu’un se présentait dans un hôpital français avec ces caractéristiques, il serait immédia­tement hospitalisé », soulève le physiologiste. Et pourtant, les trois quarts de la population supportent la raréfaction de l’oxygène. Le quart restant, en revanche, souffre du syndrome du mal chronique des montagnes (maux de tête persistants, fatigue anormale, palpitations, acouphènes…). À ce jour, les chercheurs français ignorent pourquoi certains tolèrent ces conditions de vie extrêmes et d’autres non. Leurs travaux visent à percer ce mystère. Leurs résultats pourraient apporter des débouchés intéressants pour les personnes souffrant de maladies respiratoires (BPCO, apnées du sommeil) et cardiovasculaires.

Les vertus d’un léger manque d’oxygène

Si l’hypoxie sévère comme celle qui règne à La Rinconada est dangereuse pour la santé, manquer légèrement d’oxygène s’avère, en revanche, bénéfique. Il apparaît ainsi que vivre en moyenne montagne (entre 1 000 et 2 500 m d’altitude) est associé à un risque réduit de 22 % de mourir d’un infarctus et de 12 % de succomber à une attaque cérébrale, à en croire une étude suisse de 2016 portant sur plus d’un million et demi d’individus entre 40 et 84 ans. Une revue de la littérature a, par ailleurs, montré qu’habiter en moyenne altitude diminue le risque de survenue de cancers du sein, du poumon, du côlon et du système lymphatique. Enfin, des données suggèrent que, lorsque l’altitude augmente, les taux d’obésité et de diabète diminuent. Ces bénéfices sont attribués à l’hypoxie modérée, mais aussi à l’environnement de vie plus propice à l’activité physique et à l’adoption d’une bonne hygiène de vie. Outre la prévention de ces pathologies chroniques, l’hypoxie modérée donne de bons résultats lorsque celles-ci se sont installées. Séjourner quelques semaines aux alentours de 1 500 m d’altitude induit une meilleure capacité respiratoire à l’effort chez les asthmatiques, une diminution de la pression artérielle chez les hypertendus et une perte de poids plus rapide chez les personnes obèses. Autrement dit, l’hypoxie permet d’obtenir les mêmes effets qu’un programme d’entraînement ou d’activité physique réalisé en plaine.
Forte de ces résultats, l’équipe de Samuel Vergès suggère que l’hypoxie modérée pourrait être une indication thérapeutique. Elle étudie ainsi l’intérêt et l’efficacité d’exposer des malades chroniques à un air appauvri en oxygène à l’aide de simulateurs d’altitude ou dans des tentes hypoxiques plusieurs fois par semaine au repos ou lors d’une séance de gym.

DES IMAGES SATELLITES POUR PISTER DES MALADIES

Dengue, chikungunya, paludisme, fièvre jaune… Ces pathologies transmises par les moustiques dans les pays tropicaux affectent des millions de personnes tous les ans. Des épidémies que l’on pourrait anticiper en prenant de la hauteur. En effet, grâce aux images satellites, les scientifiques traquent les moustiques en identifiant les lieux propices à leur reproduction (zones d’habitation riches en végétation, piscines, déchèteries à ciel ouvert…). En croisant ces données aux prélè­vements de moustiques et de larves, les épidémiologistes établissent ensuite des cartes très utiles aux services de lutte contre les insectes, qui peuvent ainsi prioriser leurs interventions dans les lieux les plus à risque d’être infestés. Cette chasse 2.0 est mise en place depuis plus de 5 ans à La Réunion pour combattre la dengue (AlboRun). Le Centre national d’études spatiales mène également un projet en Guyane avec l’Institut Pasteur (Detect) et en métropole (Arbocarto).

SPORT EXTRÊME • FATIGUE ET RÉCUPÉRATION

Il y a schématiquement deux types de fatigue : la fatigue aiguë que l’on ressent après un effort physique ou mental, et la fatigue chronique qui se caractérise par un manque d’énergie persistant malgré le repos. « La fatigue chronique s’installe lors d’une accumulation d’une ou de plusieurs sources de fatigue aiguë comme des troubles du sommeil couplés ou non avec une surcharge de travail, de l’anxiété, ou elle peut être induite par des maladies telles que le cancer, la sclérose en plaques et le Covid », décrit Guillaume Millet, physiologiste du sport à l’université de Saint-Étienne et créateur de la chaire ActiFS (activité physique fatigue et santé). Pour explorer les mécanismes de la fatigue et de la récupération, les athlètes de haut niveau, notamment les ultra-trailers – ces coureurs « fous » qui s’engagent dans des courses de plus de 20 h comportant parfois plus de 10 000 m de dénivelé – sont de très bons modèles d’étude. Grâce à eux, les scientifiques se sont ainsi aperçus que la fatigue aiguë ne provenait pas seulement d’une perte de force musculaire mais aussi du cerveau. C’est ce qu’on appelle la fatigue neuromusculaire. « Au cours d’une course, le cerveau dit aux muscles de moins se contracter, un peu comme s’il tentait de préserver l’organisme. On a alors le sentiment que l’effort est plus difficile et on est tenté de s’arrêter. En réalité, même lorsque nous pensons être épuisés, nos muscles peuvent encore courir plusieurs kilomètres », explique Guillaume Millet.

L’exercice comme médicament

Cette fatigue neuromusculaire observée chez les ultra-trailers se retrouve chez des patients atteints de pathologies chroniques comme le cancer ou la sclérose en plaques. Des données suggèrent, en effet, que les malades qui se sentent fatigués sont objectivement plus fatigables : un exercice physique qui semblerait facile en temps normal leur demande un gros effort. Cette moindre résistance à l’effort contribuerait à l’instal­lation d’une fatigue chronique. « Les personnes présentant une plus grande fatigabilité ont plus tendance à adopter un compor­tement sédentaire. Or, cela entraîne un déconditionnement cardiorespiratoire et une fonte des muscles qui les rendent encore moins résistantes à l’effort. C’est le cercle vicieux de la fatigue chronique », souligne Guillaume Millet. Pour le briser, l’exercice est le seul remède efficace. « Cela peut sembler contre-intuitif, et pourtant, l’activité physique agit sur bien des causes de la fatigue. Elle diminue l’inflammation, régule le sommeil, améliore la santé mentale en agissant sur le stress, la dépression, et lutte contre la diminution de la masse musculaire et le déconditionnement cardiorespiratoire », insiste le physiologiste qui considère l’activité physique comme un médicament.
« Dans ce contexte, il est essentiel d’adapter l’exercice physique aux causes de la fatigue, c’est-à-dire individualiser l’entraînement comme on le fait avec des athlètes. »Ainsi, si la fatigue est liée à des troubles du sommeil, il faudra alors privilégier une activité d’endurance en plein air en fin de journée plutôt qu’une séance de musculation. Une fatigue d’origine inflammatoire sera davantage améliorée par une activité de faible intensité comme la marche. Un épuisement lié à un décondi­tionnement cardiorespiratoire sera atténué par une activité d’endurance à haute intensité (course, vélo). Et la musculation sera prescrite si la cause de la fatigue est à chercher du côté d’une atrophie musculaire.

CONFINEMENT • DES EXPÉRIENCES AU FOND DES GROTTES

Image

En avril 2021, 7 femmes et 7 hommes emmenés par Christian Clot, explorateur franco-suisse habitué des milieux extrêmes, se sont enfoncés dans les profondeurs de la Terre. Ils ont passé 40 jours dans la grotte de Lombrives, en Ariège, sans aucun contact avec l’extérieur. Cette expédition scientifique, baptisée Deep Time, a été imaginée par l’explorateur durant les confinements, en réaction aux résultats de l’étude Covadapt menée par son institut de recherche Human Adaptation. « Cette crise a exigé d’immenses capacités d’adaptation. Mais force est de constater que beaucoup l’ont mal vécue. Près de 1 répondant sur 5 a éprouvé de réelles difficultés psychiques, liées en partie à une perte de la gestion et de la compréhension du temps, explique le scientifique. Avec Deep Time, on voulait comprendre comment le cerveau gère la désorientation temporelle et comment un groupe parvient à se synchroniser et à s’organiser dans ces conditions. »

Éveillés plus longtemps

Une fois installé 100 m sous Terre, le groupe avait une seule règle : ne jamais réveiller quiconque. « Chacun avait son propre rythme. Au départ, nous étions tous décalés. Mais au bout de quelques jours, nous avons constaté que le besoin d’agir ensemble pour réaliser nos missions scientifiques, mais aussi l’envie d’être ensemble ont pris le pas sur nos rythmes biologiques et nous ont poussés à nous synchroniser », se souvient-il.
Tous ont été très surpris lorsqu’au bout de 40 jours, on leur a annoncé la fin de l’expérience. « Nous étions éveillés environ 20 h par jour et nos cycles veille-sommeil étaient d’environ 32 h. Alors sur 40 jours, il y avait un décalage de presque 10 jours de moins », rapporte Christian Clot. De fait, dans ce monde privé de lumière et d’horloge, le temps s’écoule bien plus lentement et les rythmes s’étirent.

Des jours de 25 h

Cette observation avait déjà été faite par Michel Siffre, un géologue français qui s’était terré seul durant 2 mois en 1962. Cette première étude avait permis de mettre clairement en évidence l’existence d’une horloge interne et de démontrer que celle-ci était calée sur 25 h. Ce qui signifie qu’en l’absence d’alternance jour-nuit ou d’horaires sociaux, nous nous décalerions d’une heure chaque jour. Au bout de 3 semaines, nous serions réveillés en fin d’après-midi et couchés au petit matin. Cette découverte accéléra le développement de la chronobiologie. Des décennies plus tard, la luminothérapie ou la découverte de la chronothérapie (la meilleure heure pour administrer un médicament) en sont des conséquences lointaines.


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire