dimanche 24 juillet 2022

éunir deux mondes, celui de la technologie et celui du handicap»

par Morgan Belouassaa    publié le 17 juillet 2022

L’association TOM France organisait, les 12 et 13 juillet, à Paris un hackathon destiné à imaginer des innovations technologiques dédiées au handicap.

Cédric, quadragénaire, aime voyager avec sa femme. Mais un handicap le contraint à se déplacer en fauteuil roulant. Alors, il aimerait pouvoir adapter son fauteuil pour le transport de ses valises. Nadège est, elle, viticultrice à Bordeaux et passionnée de jardinage. Mais depuis un accident, elle ne peut plus s’accroupir, difficile avec sa prothèse de jambe d’arriver à hauteur des plantes. Elle souhaite trouver une solution pour jardiner comme avant. Jonathan, 35 ans, ingénieur en informatique à Paris, privé de l’usage de ses membres supérieurs, aimerait utiliser un casque de réalité virtuelle pour accéder au Métavers… Cette semaine, pour la première fois en France, la branche française de Tikkun Olam Makers (TOM) a organisé un hackathon (événement de durée limitée au cours duquel des volontaires se réunissent pour élaborer des projets) dans le XXe arrondissement de Paris. L’association israélienne a pour mission d’améliorer le quotidien des personnes en situation de handicap en leur apportant des solutions technologiques.

Des équipes de six à huit «makers»

Pendant deux jours, dans les espaces de coworking de l’incubateur la Ruche qui forme, accompagne et conseille les entrepreneurs, dix équipes constituées de six à huit «makers» (des ingénieurs, développeurs, codeurs, designers ou bricoleurs, tous bénévoles) se sont réunies autour de porteurs de projets. Dans un temps imparti de quarante-huit heures, entre cours de yoga, parties de baby-foot ou jeux de réalité virtuelle, elles ont imaginé des prototypes. Un tourneur de pages commandé par le clignement des yeux pour lire en autonomie sans utiliser ses mains, par exemple. Les donations de sponsors comme Onepoint, Access’Lab, ou In’Tech Medical ont contribué à l’achat des matériaux. Certains ont aussi invité leurs personnels à apporter leur expertise.

«L’objectif de ce hackathon est de réunir deux mondes, celui de la technologie et celui du handicap. Tous les talents sont mis à contribution avec une vraie cohésion entre les équipes. Le but consiste à trouver des solutions et les fabriquer tels qu’ils ont été imaginés par les porteurs de projet, et à faire évoluer le regard des autres sur le handicap», explique Claire Chokron cofondatrice et présidente de TOM France.

«S’agripper avec des sangles» et l’aide de la 3D

Caroline Fruchaud, 29 ans paraplégique, fondatrice de Hostobox, spécialisée dans la création de boîtes cadeaux à destination des personnes hospitalisées, participait à l’événement. Monter les escaliers est devenu un enfer. «J’ai besoin d’une adaptation suffisamment solide et pratique pour ne pas tomber. De plus, mon fauteuil est dépourvu de poignées car je n’en veux pas, c’est désagréable d’être poussée comme un chariot.» Stéphane Dubois, directeur de projet chez Onepoint, une entreprise française spécialisée dans la transformation numérique et informatique des sociétés fait partie des makers qui lui ont trouvé une solution. «J’ai imaginé une barre métallique démontable et amovible, à laquelle on peut s’agripper avec des sangles reliées à la barre d’origine du fauteuil et accrochées avec des crochets pour que chacun puisse avoir une prise d’appui pour l’aider à monter les escaliers.»

Nathan Waye, danseur de breakdance de 23 ans, souffre, lui, d’arthrogrypose, une maladie de naissance qui le prive de l’usage de ses jambes. «J’ai une scoliose, et la danse occasionne des tendinites. Je n’arrive plus à me baisser pour ramasser des objets au sol sans avoir mal au dos.» Morgan Chialli, concepteur chez In Tech Medical a utilisé une des imprimantes 3D mises à disposition par les hôpitaux de Paris, grâce aux dons de géants du luxe pendant la pandémie. «L’impression 3D nous a permis de concevoir la pince et la poignée avec des matériaux en plastique. Grace à la poignée, il pourra actionner la pince pour attraper les objets. Pour relier le tout, on a démonté un diable pour créer cette tige en acier et glisser une ficelle de trois millimètres de diamètre à l’intérieur pour que la pince puisse s’ouvrir et se fermer», développe Morgan Chialli.

Arnaud Imbert, kinésithérapeute à Paris, a rejoint l’événement pour améliorer la prise en charge de ses patients atteints de pathologies neurologiques : «Je voulais rendre l’exploration de l’espace avec le bras plus ludique et plus attrayant pour que la patientèle évite de s’ennuyer et donner l’envie de recommencer car ce sont des prises en charge très longues.» Marwan Barchani, ingénieur en biomédical dans la start-up Naox technologie qui a pour objectif d’aider les neurologues dans le suivi des patients en dehors de l’hôpital, a répondu à sa demande. «On a mis au point un système de projection d’images de la carte de France qui permet de pointer de la main différentes villes, pour travailler la motricité du bras. On a utilisé une puce programmable qui commande un lecteur de carte inséré dans un boîtier façonné à l’aide d’une imprimante 3D et alimenté par une pile. Le patient en sera équipé dans la paume de sa main et aura vingt minutes pour biper les villes pour gagner un maximum de points.»

«Aider des milliers de personnes dans le monde»

«Tous les procédés de fabrication découverts pendant le hackathon seront libres de droit et disponibles en ligne et en plusieurs langues sur la plateforme Tomglobal.orgsoulignent Laura et Franck Marciano, vice-présidents de l’association. Elle est ingénieure en informatique, lui, en génie mécanique. Ils sont parents d’un adolescent atteint d’infirmité motrice cérébrale (IMC). Toutes les solutions vont pouvoir aider des milliers de personnes dans le monde.»

Depuis son lancement en 2014 en Israël, le mouvement TOM compte une centaine d’associations présentes dans 34 pays. Il est à l’origine de 634 projets et 213 644 innovations. Parmi ces inventions : une chaise roulante pour enfants en bas âge, une planche à découper les légumes utilisable par les personnes amputées d’une main, ou une planche de surf pour que les personnes à mobilité réduite puissent sentir les vagues en toute autonomie.


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