mercredi 8 juin 2022

Crise à l’hôpital : petits rassemblements, grand ras-le-bol

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Publié le 7 juin 2022

Mardi 7 juin, les personnels hospitaliers se sont rassemblés dans une cinquantaine de villes en France, en réponse à l’appel de neuf syndicats et collectifs de soignants.

Manifestation des soignants, à Rennes, le 7 juin 2022.

Au service des urgences de l’hôpital de la Timone (Assistance publique-Hôpitaux de Marseille, AP-HM), à Marseille, aucun brassard de gréviste ni banderole sur la façade ne laissent entrevoir la journée de mobilisation nationale. Les effectifs sont présents mardi 7 juin. « On a tous reçu notre ordre de réquisition la semaine dernière », explique Elodie Lemariey, 37 ans, une des cadres de santé du service. Pourtant, infirmiers, aides-soignants et médecins se disent tous « très concernés » et témoignent d’une lassitude générale. Ici, sur trente postes de médecins, quatorze sont vacants.

Un patient est transporté dans les urgences de l’Hôpital de la Timone, à Marseille, le 7 juin 2022.

« Si on me demande ce que je veux tout de suite, je réponds : des médecins ! » Cheffe du service des urgences, Céline Meguerditchian jongle, comme tous les jours, avec ses tableaux de service. Aujourd’hui, ils sont quatre médecins urgentistes et un médecin orthopédiste. « Nous devrions être neuf, mais nous nous sommes réorganisés pour assurer la continuité et respecter les temps de travail », assure-t-elle. Depuis minuit, 80 patients se sont présentés dans le service. Le seuil de saturation est fixé à 60. Ici, avec une moyenne de 250 passages par jour, il est régulièrement atteint.

La crise des urgences est le point de départ de la mobilisation de mardi. Faute de soignants, 120 services ont été contraints de limiter leur activité ou s’y préparent, selon un décompte établi fin mai par l’association SAMU-Urgences de France. Le 31 mai, Emmanuel Macron a annoncé le lancement d’une « mission flash », pilotée par François Braun, président de SAMU-Urgences de France, qui devra remettre ses conclusions à la ministre de la santé « au plus tard le 1er juillet ».

Mais l’annonce ne rassure pas. « Qu’est-ce qui va se régler en un mois ? », s’interroge une cadre infirmière présente dans le cortège bordelais, dénonçant une nouvelle mesure « pansement ». De nombreux cadres des trois sites du centre hospitalier universitaire (CHU) de Bordeaux – Pellegrin, Haut-Lévêque et Saint-André – se sont mobilisés. Ils soulignent l’importance de leur participation, en soutien aux urgences, alors que, le 18 mai, le service du CHU Pellegrin a fermé ses portes au tout-venant de 17 heures à 8 heures. A ces horaires, c’est le SAMU qui fait le tri pour les entrées.

« Les gens ne mesurent pas l’urgence »

En queue de cortège de la manifestation partie du CHU de Rennes, Dorothée Degruson, qui représente le Collectif inter-hôpitaux (CIH), est venue faire entendre la voix des usagers. Dans le rassemblement, qui compte quelque 200 personnes, peu de non-professionnels de la santé. « Les gens ne mesurent pas l’urgence. Lorsqu’ils viennent à l’hôpital, ils sont bien soignés par un personnel pressé mais souriant malgré tous les dysfonctionnements »,analyse-t-elle.

Au sein de la manifestation à Paris, devant le ministère de la santé et des solidarité, le 7 juin 2022.

Au sein du rassemblement parisien, la mobilisation est, là aussi, plutôt timide, avec entre 200 et 300 manifestants à quelques pas du ministère de la santé. Nicolas Kazolias, vêtu de sa blouse d’aide-soignant, est venu dénoncer la dégradation de ses conditions de travail au sein des urgences de l’hôpital Tenon, dans le 20e arrondissement. « Chaque été, on ferme des services pour que les gens puissent partir parce qu’on n’est pas assez nombreux. Là, on en a fermé beaucoup plus tôt en raison du manque de soignants », explique-t-il, ajoutant qu’une quarantaine de lits ont déjà été fermés à Tenon en amont de la période estivale.

Aide-soignant depuis douze ans, il souhaite une revalorisation salariale et un recrutement massif au sein de l’hôpital public : « Le ratio soignants-patients doit être revu à la hausse. Et il faut des plannings plus attractifs. Les soignants ne peuvent plus être tous les jours à l’hôpital, travailler de jour comme de nuit, faire des heures supplémentaires quotidiennes… »

A l’hôpital psychiatrique Paul-Guiraud, à Villejuif (Val-de-Marne), où Julien Garnier est aide-soignant, 100 postes d’infirmier restent vacants. La situation est tout aussi alarmante côté médecins, avec, selon lui, beaucoup de départs à la retraite. « Actuellement, on a 70 lits fermés. Les patients peuvent attendre quarante-huit heures sur un brancard. Parfois [sous contention]. » Fin mai, Brigitte Macron a inauguré au sein de l’hôpital un espace dit « 3 R », destiné à « respirer, relativiser, se relaxer »« Nous, les R qu’on attendait, c’était plutôt “recrutement, revalorisation et reconnaissance” », ironise l’aide-soignant.

Manifestation du personnel soignant à Bordeaux, le 7 juin 2022.


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