mercredi 22 juin 2022

Crack à Paris : « Le droit à la santé est le même pour tous et en premier lieu pour ceux qui sont les plus en difficulté sociale et sanitaire »

Publié le 21juin 2022

TRIBUNE

Les deux médecins Bernard Basset et Amine Benyamina, spécialistes des addictions, dénoncent, dans une tribune au « Monde », la remise en cause d’un centre de soins pour les usagers de drogues à Chardon-Lagache dans le 16e arrondissement de Paris.

Alors que les élections législatives se sont tenues dans un climat tendu, les personnes souffrant d’addiction au crack risquent d’être sacrifiées sur l’autel des petits calculs électoraux. En effet, depuis des mois, plusieurs centaines d’usagers de drogues, principalement de crack, sont parquées dans des conditions indignes d’un pays développé, dans des conditions d’hygiène, de sécurité et d’« habitat » déplorables, et relégués dans un no man’s land bordé d’un mur qui constitue le symbole de toute la politique à leur égard : l’enfermement.

Il faut rappeler clairement que ces personnes ont avant tout besoin de soins et d’un soutien social, quelle que soit l’ampleur de leurs difficultés. La France s’honore d’avoir un système de santé basé sur la solidarité et le soutien aux plus démunis. Cette solidarité, qui est à la base de notre système de santé, est d’autant plus indispensable que les situations sont plus difficiles.

Nous sommes contraints de rappeler ces vérités d’évidence à un moment où l’intolérance s’exprime publiquement pour remettre en cause un centre de soins pour les usagers de drogues à Chardon-Lagache, dans le 16e arrondissement de Paris. Ce projet a été élaboré par deux associations expérimentées avec le soutien d’un service hospitalier universitaire, en concertation avec la Mairie de Paris et l’agence régionale de santé.

Un déni de soins opposé par la classe politique

Les opposants contestent depuis des mois, sinon des années toute solution pour venir en aise à ces personnes. Or, les réponses efficaces sont connues. Elles sont largement utilisées dans les pays proches qui ont une approche pragmatique et non morale des addictions (Suisse, Allemagne, Belgique, Pays-Bas…). Ces solutions sont évaluées positivement par les organismes scientifiques (Inserm en France).

Au lieu de répondre avec clarté et pédagogie aux inquiétudes des riverains, plusieurs personnalités politiques s’ingénient à mettre de l’huile sur le feu. L’ancien ministre de la santé, Olivier Véran, qui a créé juridiquement les Halte Soins Addictions (HSA) les torpille aujourd’hui par pure démagogie électorale de circonstance.

En pleine période électorale, la ministre de la santé et de la prévention, Brigitte Bourguignon, [qui a été battue aux élections législatives et va quitter le ministère de la santé], est soumise à la pression des candidats pour renoncer à la création de ce centre de soins. Face au déni de soins opposé par une grande partie de la classe politique, nous devons aujourd’hui nous battre pour réaffirmer concrètement que le droit à la santé est le même pour tous, et en premier lieu pour ceux qui sont les plus en difficulté sociale et sanitaire.

Nous refusons la perpétuation de camp de relégation qui serait la seule politique pour les nouveaux parias que seraient les consommateurs de crack.

Nous dénonçons toutes ces petites lâchetés qui se traduisent par des situations dramatiques pour les personnes. Nous appelons solennellement à un sursaut de dignité pour en finir avec des renoncements honteux qui aboutissent à refuser des soins à ceux qui en ont le plus besoin


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