vendredi 24 juin 2022

Au rapport Pas de «fuite des soignants» de l’hôpital, mais toujours une pénurie endémique

par Nathalie Raulin     publié le 23 juin 2022 

Selon une enquête de la Fédération hospitalière de France, les postes d’infirmiers et de paramédicaux vacants ne baissent pas mais les besoins ont augmenté à la suite de la crise sanitaire, tandis que l’absentéisme du personnel, surchargé et sursollicité, se stabilise à un niveau élevé. 

L’hôpital public est-il vraiment à bout de forces, comme alertent depuis des mois syndicats hospitaliers et collectifs de soignants ? A la veille d’un été qui promet d’être difficile, notamment pour les services d’urgences, la Fédération hospitalière de France (FHF) a tenté de faire le point sur la situation réelle des ressources humaines dans les établissements de santé en leur adressant en avril un questionnaire détaillé. Les réponses que lui ont retournées quelque 400 établissements (CHU, CHS, CH, Ehpad et autres ESMS) employant plus de 380 000 professionnels non médicaux ne laissent pas de place au doute : même variable d’une région à l’autre et plus ou moins aigu suivant la taille des hôpitaux, le manque de soignants est un mal endémique, mais pas au point que le prétendent les syndicats.

De fait, selon l’enquête de la FHF, l’idée d’une «fuite des soignants»de l’hôpital public ne se vérifie pas. En réalité, leurs effectifs (en équivalent temps plein) ont progressé de 3% entre 2019 et 2021, et leur masse salariale a crû de 16% à la suite des revalorisations du Ségur. Le problème, pointe l’enquête, c’est que ce surplus de personnel «n’a pas permis de réduire le nombre de postes vacants»d’aides-soignants et plus encore d’infirmiers, en particulier dans les établissements hors CHU.

Des besoins en personnel relevés par la pandémie

Pour cause, à la suite de la crise sanitaire, les hôpitaux ont revu à la hausse leur besoin de personnel pour faire face au dynamisme de la demande de soin mais aussi à la prise en charge de patients à la santé plus dégradée qu’auparavant. Or, la quasi-totalité des établissements disent rencontrer des problèmes de recrutement de personnel paramédical, et de façon permanente pour 80 % d’entre eux. Dans les CHU, les blocs opératoires et la chirurgie sont particulièrement concernés, alors que les hôpitaux de moindre taille sont davantage en difficulté sur les soins du quotidien : médecine, urgence et psychiatrie.

En parallèle, les soignants surchargés et sursollicités (97 % des établissements de santé ont recours aux heures supplémentaires) fatiguent. Signe de l’épuisement post-crise sanitaire, l’absentéisme se stabilise à un niveau élevé : «En 2021, l’absentéisme moyen atteint 9,9 %, soit un point de plus qu’en 2019 [année de référence avant crise] et 2,5 points de plus qu’en 2012», signale l’enquête de la FHF, qui pointe que «cet absentéisme peut devenir très difficile à gérer notamment dans les plus petits établissements ou services quand des clusters sont détectés».

De ce manque de paramédicaux, l’activité hospitalière se ressent aujourd’hui de façon inquiétante. Selon l’enquête de la FHF, 57 % des centres hospitaliers et 85 % des CHU ont désormais recours à des fermetures de lits temporaires. «Cela réduit d’autant la capacité de rattrapage de l’activité en faveur des patients dont l’intervention a dû être déprogrammée lors des phases aiguës de l’épidémie»,précise l’enquête. Selon la FHF, au regard des chiffres de 2019, le nombre cumulé de séjours hospitaliers en 2020 et 2021 devrait être plus élevé d’au moins 3 millions. En clair, durant la crise sanitaire, les reports, voire les renoncements aux soins, ont été massifs. «On est devant une urgence de santé majeure, alerte Zaynab Riet, déléguée générale de la FHF. Pour près de la moitié, ce sont des interventions chirurgicales non réalisées. Or sur les premiers mois de 2022, on ne constate aucun rattrapage !»


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