mardi 17 mai 2022

À quoi peut bien servir un “chief happiness officer” ?




De plus en plus d’entreprises font appel aux services de “responsables du bonheur” au bureau. Si cet intitulé de poste peut prêter à sourire, le “Wall Street Journal” décrit le quotidien parfois austère et les contraintes de ces salariés pas comme les autres.

“C’est un intitulé de poste qui suscite autant de questions que de sourires narquois.” En 2003, le géant du burger McDonald’s se fendait d’un communiqué humoristique annonçant la promotion de sa mascotte, le clown Ronald, au rang de chief happiness officer (CHO), littéralement “responsable en chef du bonheur”. “Et la formule fleure encore bon le cornet de frites et la clownerie”, s’amuse le Wall Street Journal. Le quotidien financier décide pourtant de dépasser la boutade, conscient que l’implantation d’une atmosphère propice au bien-être dans le monde professionnel est devenue une mission des plus sérieuses.

S’il est difficile d’estimer précisément le nombre de ces CHO, le journal américain constate que le nombre de profils se revendiquant comme tel sur le réseau social professionnel LinkedIn a bondi de 65 % en deux ans. Le poste peut recouvrir d’autres appellations, mais le nombre croissant de ces “grands manitous de la bonne humeur en milieu professionnel” est le signe que les employeurs sont de plus en plus soucieux d’implanter un idéal de “fun” dans leur culture d’entreprise.

“La tâche est noble mais pas toujours aisée”, résume le titre :

“Alors que nombre de travailleurs se sentent en position de force pour réclamer des augmentations et des horaires plus souples – et n’ont pas de mal à faire jouer la concurrence – l’objectif du CHO est de retenir les talents à grand renfort de tonneaux de bière et de cours de Pilates.”

Citronnade et kickball

Parti à la rencontre de plusieurs responsables du bonheur, le Wall Street Journal relève la variété des techniques et astuces employées pour maintenir le moral des troupes. Une CHO réalise des sondages hebdomadaires auprès des employés, puis leur fournit des conseils sur leur carrière, leurs finances, leurs hobbies, etc. Une autre propose chaque matin une citronnade et un “journal de la gratitude”, qu’elle définit comme une liste des bonnes raisons d’être optimiste. Enfin, les CHO ne renient pas les bienfaits du sport, avec des séances de kickball, équivalent enfantin du baseball.

Interrogée par le titre, la CHO d’une start-up de marketing numérique, Erika Conklin, explique avoir passé les derniers jours à acheter des boissons alcoolisées et à réserver des jet-skis pour un voyage d’entreprise en Floride. Elle confie que l’intitulé de son poste “paraît bien plus glamour qu’il ne l’est en réalité”. Outre l’organisation d’activités pour la cohésion des salariés, son travail consiste le plus souvent en l’accomplissement de tâches qui incomberaient à une simple responsable des ressources humaines : elle doit toujours composer avec des contraintes de bénéfices et de masse salariale et être à l’écoute des doléances, elle signe des contrats avec des entreprises d’événementiel et est souvent obligée de veiller tard au bureau

Plusieurs CHO interrogés par le titre soulignent la pression constante que représente le fait d’être considéré comme responsable de la félicité en entreprise. Si le moral des effectifs plonge, ils en seront tenus en partie responsables, car ils sont rémunérés pour éviter cela. Karyn Twaronite, “responsable de la diversité, de l’équité et de l’intégration” au sein du cabinet d’audit financier et de conseil Ernst & Young (EY), explique par ailleurs qu’elle a la lourde tâche de veiller à la “santé mentale et émotionnelle” des salariés, et de s’investir notamment dans la prévention de l’isolement.


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