lundi 25 avril 2022

Ashley Graham affiche sans triche son corps post-partum

par Sabrina Champenois  publié le 27 avril 2022

Figure du «body positivisme», la mannequin américaine a posté sur les réseaux sociaux des photos qui font écho à la tendance à lever les tabous autour de la maternité, ventre relâché et vergetures comprises.

Elle est une militante éclatante et de longue date de la diversité des morphologies, au sein même de ce biotope notoirement normatif qu’est l’industrie de la mode. Elle en a d’ailleurs fait les frais, à ses débuts, en 2000 : repérée à l’adolescence dans un centre commercial de son Nebraska natal, Ashley Graham se lance dans le mannequinat mais envisage bientôt de jeter l’éponge face aux injonctions à maigrir et les anathèmes grossophobes.

Et puis, virage à 360 degrés : l’antithèse de la brindille de rigueur depuis Kate Moss, se met à assumer ses mensurations (1,75 m, 85 kg, taille 48 en vêtements), et, progressivement, les coutures craquent. Elle apparaît dans des campagnes de pub (notamment pour de la lingerie), s’affirme dans la catégorie «plus size», défile pour de grandes marques, jusqu’à décrocher des couvertures de magazines, ces sésames qui font les «tops».

En 2016, Graham est même la tête de gondole de l’iconique édition de Sports Illustrated dédiée aux maillots de bain, une première pour un mannequin de taille 48, qui valide l’attractivité des corps voluptueux. Bilan, aujourd’hui, à 34 ans, elle a construit une image (et un business) à grand succès qu’attestent les réseaux sociaux : 17,7 millions d’abonnés sur Instagram, 4,5 millions sur Facebook, 320 000 sur Twitter. Désormais moins mannequin qu’influenceuse «body positive», Ashley Graham y distille un empowerment joyeux, sexy et sportif, à base de confiance en soi, d’écoute de soi et de sororité qui est complètement de saison mais qu’elle a contribué à faire émerger, impossible de la taxer d’opportunisme.

Lundi, Ashley Graham a encore prouvé son adéquation avec l’époque : sur Instagram, elle a posté trois selfies, d’elle en culotte dans sa salle de bains. Leur spécificité ne réside pas dans l’exercice narcissique – comme toute influenceuse, elle y excelle, documente constamment son quotidien. C’est l’imperfection (supposée) révélée qui les distingue. Ces photos montrent un ventre relâché, zébré de vergetures. Car Ashley Graham, déjà mère d’un fils depuis 2020, a accouché en janvier de jumeaux. «Salut, nouveau ventre. On a traversé beaucoup de choses. Merci.#3moispostpartum», dit la légende du post, typique de la bonhomie «grahamienne». L’un des clichés est un gros plan où elle empoigne la chair hachurée, dans un geste résolument décomplexé

Certes, des posts précédents incluent des tableaux de maternité glamour bien classiques (la mère allaitant, la mère aux deux nouveau-nés, la working woman de retour au sport et aux affaires…) mais ils sont entrecoupés par des aperçus de «vraie vie» (la mère épuisée, la mère au tee-shirt mouillé par les pertes de lait…). Voilà qui rejoint complètement un mouvement qui prend ces derniers temps de l’ampleur, contre l’idéalisation de la grossesse et les injonctions collatérales à la félicité. Témoignages, livres, podcasts, hashtag (#MonPostPartum), les coups de boutoir se multiplientpour dénoncer les non-dits, sur la fatigue, les souffrances et dégâts physiques mais aussi psychologiques, ou encore le manque d’écoute du corps médical.

Communicante consensuelle, Ashley Graham ne va pas jusqu’à dénoncer des tabous. Mais en exposant à la fois crûment et fièrement son corps post-enfantement, elle montre ce que les mères s’emploient souvent à planquer, comme des séquelles honteuses alors qu’inévitables. Et elle va à l’encontre de l’imagerie de la wonderwoman qui se remet en deux deux de son accouchement, comme si rien ou presque ne s’était passé, telle la pin-up Emily Ratajkowski… qui se veut aussi avocate du body positive, elle est d’ailleurs copine avec Ashley Graham. Mais Graham, elle, revendique des imperfections qui permettent une identification nettement plus réaliste, qu’atteste l’avalanche de «merci» déclenchée par son post sur Instagram.


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