lundi 14 février 2022

Pour la création d’un service d’accompagnement sensuel et sexuel des personnes en situation de handicap

par Alexandra Barrier, Directrice générale du groupe SOS, déléguée au handicap. et Patrice Tripoteau, Directeur général adjoint Actions associatives et politiques d’inclusion – APF France handicap publié le 14 février 2022

Deux responsables associatifs demandent de clarifier au plus vite la loi et de lancer des expérimentations pour permettre l’accès à ce besoin fondamental.

La France compte 12 millions de personnes en situation de handicap qui font l’objet de préjugés et vivent régulièrement des situations discriminantes. Elles doivent trop souvent se battre pour faire reconnaître leurs droits fondamentaux, par essence inaliénables. En tant que associations accompagnant des personnes en situation de handicap, nous mesurons quotidiennement l’ampleur du chemin à parcourir pour qu’elles puissent jouir de leur pleine citoyenneté. Certes, depuis la loi du 11 février 2005, elles ont acquis un droit à la compensation des conséquences de leur handicap. Mais cette avancée indiscutable est fragilisée lorsqu’il est question du droit des personnes en situation de handicap d’accéder à une vie intime, affective et sexuelle. Nous sommes chaque jour témoins du fait que pour beaucoup, celle-ci n’est pas seulement restreinte, difficile, ou rare, elle est tout simplement inaccessible. Comment accepter que nos concitoyens en situation de handicap ne puissent pas accéder à ce besoin fondamental ?

Face à cette discrimination, nous nous sommes depuis de nombreuses années engagés en sensibilisant les professionnels de nos associations à cette question et en leur proposant des formations. C’est un premier pas vers l’effectivité d’une vie intime, affective et sexuelle des personnes en situation de handicap que nous accompagnons, mais c’est insuffisant. Depuis de nombreuses années, ce constat souffre d’une approche expéditive et dogmatique, et de l’absence d’une législation en adéquation avec la santé sexuelle.

Pour autant nous saluons la circulaire du 5 juillet 2021 signée par la secrétaire d’Etat des Personnes handicapées, qui réaffirme l’impérieuse nécessité de permettre l’accès à une vie affective, relationnelle, intime et sexuelle pour les personnes en situation de handicap. Ces droits doivent être garantis aux personnes accompagnées dans les établissements et services sociaux et médico-sociaux. Cette circulaire préconise, à juste titre, un certain nombre d’actions à mener. De même, nous apportons notre soutien au développement de centres ressources régionaux «vie intime, affective, sexuelle et de soutien à la parentalité des personnes en situation de handicap» initié suite au Comité interministériel du handicap (CIH) du 3 décembre 2019.

La responsabilité du politique et du législatif

Par ailleurs, le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) saisi de cette question par le gouvernement, a plaidé, le 13 juillet 2021, en faveur d’une politique de nature à favoriser un droit d’accès à la vie intime affective et sexuelle des personnes en situation de handicap. Nos équipes ont d’ores et déjà lancé la transformation de leur offre de service au sein des établissements pour une transition inclusive. Ainsi, les chambres d’un lieu de vie deviennent de véritables domiciles pour respecter l’intimité des personnes et leur vie privée tel que l’exige la Convention internationale des droits des personnes handicapées (CIDPH). Nous devons aussi avancer sur le sujet de l’accès à l’assistance sexuelle des personnes en situation de handicap qui le souhaitent, dans le cadre d’un service d’accompagnement de professionnels spécifiquement formés à cet effet, encadrés par une réflexion éthique, loin des amalgames véhiculés par certains protagonistes du débat.

Sur cette question, le comité souligne, en outre, s’agissant des personnes empêchées physiquement d’accéder à des relations sexuelles, que si «la recherche de solution de nature à permettre un droit effectif d’accès à une vie sexuelle ne soulève pas de question éthique en soi», elle soulève une difficulté en ce qu’elle viendrait«modifier le cadre législatif relatif à la prostitution et aux principes qui s’y réfèrent, auquel le CCNE est également particulièrement attaché», renvoyant cette question à la responsabilité du politique et du législatif. Nous pensons qu’il est grand temps de sortir cette problématique de l’ornière dans laquelle elle s’est enlisée. De fait nous demandons au gouvernement de lancer, sans plus attendre, l’expérimentation de services encadrés d’accompagnement sensuel et sexuel et, en parallèle, d’élaborer un cadre législatif susceptible de permettre l’accès effectif à la vie affective et sexuelle des personnes en situation de handicap. C’est une question de dignité humaine.


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