jeudi 3 février 2022

Education à la sexualité : «Ça se trouve où le point G? J’aimerais bien le savoir»

par Marlène Thomas

publié le 2 février 2022

Au lycée de Gondecourt, dans le Nord, c’est la première séance d’éducation à la sexualité pour de nombreux élèves. Au programme : contraception, notions sur le plaisir et le consentement.

«L’objectif n’est pas de faire un cours.» Le cadre est posé dès les premières minutes par Stéphanie Ryckebusch, enseignante de SVT. En cercle, une quinzaine d’adolescents de seconde du lycée Marguerite de Flandre de Gondecourt (Nord) se jaugent en silence. Ils assistent pour la quasi-totalité d’entre eux à leur première séance d’éducation à la vie sexuelle et affective. La loi en prévoit pourtant trois par an du CP à la terminale. Un temps d’échange, animé en binôme, que le lycée organise en non-mixité pour aider à délier les langues. La première question anonyme – rédigée en amont par les garçons – est piochée dans un tote bag bleu. «Comment le stérilet agit ?» Un élève rebondit : «C’est quoi un stérilet ?» Il peut compter sur les explications imagées de ses pairs. «Ça ressemble à une espèce de T comme Tesla. C’est une sorte d’implant pour ne pas avoir d’enfant», lance Benoît (1), les bras croisés sur son sweat bordeaux.

«L’idée est qu’on renvoie les questions vers le groupe, par exemple “qu’est-ce que la mouille ?”» nous exposait en amont Emilie Bacro, professeure de SVT chargée ce mardi du groupe des filles, en s’appuyant sur l’une des interrogations du jour. Elle fait partie de l’équipe de sept personnels du lycée formée en 2018 par l’académie à la tenue de ces séances. Une impulsion donnée par Stéphanie Ryckebusch à son arrivée. De presque rien, l’établissement est passé à 1h30 pour toutes les classes de seconde. «On n’arrive pas à faire tous les niveaux mais c’est déjà bien. Trois séances par an ce serait inatteignable», concède Stéphanie Ryckebusch qui se dit «guidée par l’envie de faire entendre aux élèves un autre discours que le discours phallocentré.»

«C’est juste pour rassurer les gens les tailles»

Les mystères de la contraception féminine agitent d’ailleurs le groupe des mecs. «Pourquoi la pilule du lendemain, on ne peut pas la prendre tous les jours ?» questionne l’un d’entre eux avant de laisser la prof de SVT, plaquette de pilule en main, développer les bonnes pratiques. «C’est important de parler de contraception féminine pour pas que ça soit tout le temps le garçon qui se contraceptionne», imagine Lucas, 15 ans, dans un naïf renversement de la charge contraceptive. Une dizaine de minutes plus tard, Christelle Vercruysse, qui accompagne Stéphanie Ryckebusch, pioche un autre bout de papier : «Comment mettre un préservatif et comment choisir la taille ?» Masque blanc posé négligemment sous le nez, Romain réagit : «C’est juste pour rassurer les gens les tailles.» Dans le mille. «C’est du marketing. Tu mettrais des préservatifs taille XS toi ?» appuie Stéphanie Ryckebusch avant de se lancer dans la traditionnelle démonstration.

Ces interrogations font écho à celles agitant de l’autre côté du couloir le groupe des lycéennes. «La pilule du lendemain est gratuite pour les mineures», rappelle Emilie Bacro. Presque mieux informée que l’enseignante sur les dernières évolutions législatives, Charlotte (1), 15 ans, qui compte deux séances de ce type à son actif – «une aide importante pour plus tard» selon elle – questionne : «Les autres pilules ne sont pas gratuites maintenant pour les mineures ?» Le point avancées gouvernementales terminé, elles égrènent avec aise les autres méthodes à disposition. L’occasion pour Emilie de dégainer de sa boîte bleue un stérilet. «C’est un gynécologue qui le met, précise-t-elle. Vous savez ce qu’est un spéculum ?» Sa jeune voisine mime : «C’est le gros truc qui s’ouvre ?»

«Légende urbaine»

Sur le plaisir, les réactions se font plus timorées. «Est-ce que la masturbation a des effets négatifs ?» Blanc dans l’équipe masculine. «Des effets positifs alors ?» rame Stéphanie Ryckebusch. Julien (1), qui ne s’attendait pas à «aborder autant de sujets», se jette à l’eau : «Ça réduit le stress non ?» L’occasion pour l’enseignante de poursuivre sur l’origine hormonale du plaisir. Question suivante. «C’est quoi une femme fontaine ?» Raclements de gorge et rires gênés. «C’est la particularité de certaines femmes qui peuvent émettre un liquide à la jouissance mais c’est théâtralisé par la pornographie», explique-t-elle. Face au mutisme, elle ajoute :«Certaines personnes sont plus à même de vous en parler, moi je sèche un peu.» Fou rire dans l’assistance.

Dans la salle bleue, le plaisir est aussi au cœur des préoccupations. Sweat orange sur le dos, Lylia – qui a eu quatre séances au collège – demande : «C’est quoi le point G ?» En face d’elle, une camarade lui répond : «C’est l’endroit qui donne le plus de plaisir.» Emilie Bacro interroge dans un sourire : «Ça se trouve où ? J’aimerais bien le savoir.» Lylia, qui regrette que ces séances se basent «uniquement sur des normes hétéros et qu’on ne parle pas assez d’un point de vue féminin», essaie : «C’est dans l’anus non ?» Emilie Bacro en profite pour marteler que les «zones érogènes sont un ensemble et le point G une légende urbaine». Une transition toute trouvée pour parler du clitoris, qu’elle figure sur sa main. «Le point G quand on le localise dans le vagin c’est sûrement le clitoris stimulé en interne», développe-t-elle.

«C’est quoi la bonne durée ?»

Pendant que les filles dissertent sur les bonnes conditions d’une première fois, les garçons débattent de «la durée moyenne d’un rapport sexuel» dont transparaît une répandue angoisse de la performance. Signe de l’évolution de la vision pénétrocentrée de la sexualité, Benoît note : «Ça dépend à partir de quand on compte, si c’est qu’à partir de la pénétration ou non.» Un rappel : elle n’est pas obligatoire. «C’est quoi la bonne durée ?» relance Stéphanie Ryckebusch. «Quinze minutes», tente l’un, «Deux minutes maximum mais ça dépend des hommes», essaie un autre provoquant l’hilarité. L’enseignante remet les pendules à l’heure : «Le temps d’un rapport sexuel varie. Il ne faut pas forcément une pénétration et l’objectif est que les deux aient du plaisir.»

En fin de séance, les enseignantes mixent les groupes. A travers la métaphore d’une tasse de thé, une vidéo explique ce qu’est le consentement : «Vous ne pouvez pas aller chez elle, la forcer à boire du thé, et dire “mais tu voulais bien du thé la semaine dernière !”» Des ricanements résonnent. En fin de visionnage, Emilie Bacro pousse le groupe dans ses retranchements : «Comment peut-on comprendre si la personne ne dit pas non ?» Noémie (1) souffle de prêter attention «au comportement». Benoît, lui, tranche : «Si elle ne répond pas, il ne faut rien tenter.» Une réponse, du tac au tac, d’un ado de 15 ans, qu’on aimerait bien entendre plus souvent dans la bouche des adultes.

(1) Les prénoms ont été changés.


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