mardi 8 février 2022

Crédit immobilier : par une décision historique, le Parlement supprime en partie le questionnaire de santé

Par  et    Publié le 03 février 2022

Députés et sénateurs réunis en commission mixte paritaire ont supprimé jeudi le questionnaire médical pour les prêts inférieurs à 200 000 euros. Les consommateurs pourront par ailleurs changer d’assurance emprunteur, sans frais, à tout moment.

Le Parlement a voté la suppression du questionnaire médical pour les prêts immobiliers inférieurs à 200 000 euros par personne.

C’est une louange qui ne résonne pas si fréquemment dans les chambres du Parlement français. L’association Les Séropotes, qui accompagne les personnes LGBT+ vivant avec le VIH, a remercié « chaleureusement » les élus qui ont voté, jeudi 3 février, la suppression du questionnaire médical, jusqu’à présent nécessaire avant la souscription d’un crédit immobilier. Or, ce questionnaire condamne aujourd’hui les personnes malades – et les anciens malades – à emprunter à des tarifs élevés, voire prohibitifs, en raison de l’assurance attachée au crédit immobilier. Il s’agit d’« un pas en avant historique vers la fin de la double peine qui frappe aujourd’hui toutes les personnes qui ont rencontré ou rencontrent le chemin de la maladie », a salué le collectif.

Ce texte, fruit d’un compromis entre députés et sénateurs réunis en commission mixte paritaire (CMP), prévoit précisément la suppression du questionnaire médical pour les prêts immobiliers inférieurs à 200 000 euros (par personne, donc 400 000 euros si l’on emprunte à deux) et dont le terme intervient avant le soixantième anniversaire de l’emprunteur. « Cela représente plus de la moitié des crédits immobiliers », affirme le sénateur Daniel Gremillet (Les Républicains, Vosges), rapporteur au nom de la commission des affaires économiques. La proposition de loi doit encore être votée une dernière fois par les deux chambres, l’Assemblée nationale puis le Sénat, d’ici à la mi-février. La mesure s’appliquera dès la promulgation de la loi.

Le texte initial, une proposition de loi portée par la députée Patricia Lemoine (Agir) « pour un accès plus juste, plus simple et plus transparent au marché de l’assurance emprunteur », s’était d’abord concentré sur la possibilité de changer, sans frais et à tout moment, l’assurance des prêts immobiliers – et non plus seulement à la date anniversaire. L’objectif était de renforcer la concurrence entre banques (en quasi-monopole sur ces produits) et assureurs, au profit du consommateur.

Adoptée, rejetée, rétablie

Cette disposition, adoptée en première lecture à l’Assemblée, a ensuite été rejetée par le Sénat, dominé par l’opposition de droite. Rétablie en CMP, cette disposition entrera en vigueur le 1er juin pour les nouveaux contrats et le 1er septembre pour les autres. De plus, conformément à la volonté du Sénat, les obligations d’information des assurés sur leur droit à résiliation sont renforcées. Les assureurs devront ainsi informer leurs clients chaque année de l’existence de ce droit et des modalités de sa mise en œuvre.

C’est à l’initiative des sénateurs que le volet « santé » de la proposition de loi a été largement renforcé. Outre la suppression du questionnaire médical, la chambre haute est parvenue à imposer le raccourcissement du délai du « droit à l’oubli » pour les cancers et l’hépatite C, de dix à cinq ans.

En pratique, quand on souscrit un prêt, il ne sera plus nécessaire de déclarer sa maladie à l’assureur si les traitements sont terminés depuis au moins cinq ans, comme c’était déjà le cas déjà depuis 2020 pour les cancers survenus avant l’âge de 21 ans. C’était une promesse de campagne d’Emmanuel Macron, en 2017.

« Nous avions demandé ces cinq ans pour tous dès l’inscription du droit à l’oubli dans la loi en 2016, et l’année suivante, nous avions interpellé les candidats à la présidentielle », raconte Isabelle Huet, directrice générale de l’association RoseUp, qui défend et informe les femmes atteintes d’un cancer. Une campagne plus tard, ce vieux combat associatif est finalement sur le point d’être gagné.

Une « avancée importante »

« Voyant la fin de la mandature approcher, nous avons remis le sujet sur la table. La mesure a été votée d’abord au Sénat, contre l’avis du gouvernement, et, lundi, le ministre de la santé, Olivier Véran, a finalement indiqué qu’il y était favorable », poursuit Mme Huet.

Thierry Breton, le directeur général de l’Institut national du cancer, salue une « avancée importante » pour les anciens patients concernés, ajoutant toutefois :

« Même si, côté données épidémiologiques, on observe que les taux de survie après ces cinq ans sont très bons pour la plupart des cancers, il y a derrière le droit à l’oubli une logique de mutualisation des risques, et son extension ne pouvait relever que d’une décision politique. »

« Une marche de plus a été franchie vers la guérison sociale » des personnes ayant eu un cancer

« Une marche de plus a été franchie vers la guérison sociale » des personnes ayant eu un cancer, se réjouit de son côté Catherine Simonin, administratrice de la Ligue nationale contre le cancer : « Après les traitements, on pense qu’on va reprendre une vie normale, mais en réalité on découvre que ce n’est pas fini, qu’on est toujours stigmatisé, qu’on ne pourra pas s’assurer sans surprime par exemple. C’est terrible quand vous l’apprenez, personne ne vous a prévenu. »

Un « fardeau » financier, mais aussi « psychologique », à ses yeux. Or, avec la fin du questionnaire de santé et le droit à l’oubli, « on n’a plus à dire qu’on a eu un cancer, qu’on est différent des autres, c’est très important ».

L’enjeu de l’emprunt « est aussi terrible au niveau macroéconomique, vu le nombre de personnes concernées par le cancer (3,8 millions de personnes ont ou ont eu un cancer en France) : en achetant votre logement, vous préparez votre retraite et évitez de dépendre de la solidarité nationale, en empruntant pour votre activité professionnelle vous créez de l’activité économique », renchérit Mme Huet. Pour la Ligue nationale contre le cancer, le combat pour le droit à l’oubli n’est toutefois pas terminé : elle demande désormais que le délai soit réduit à deux ans pour les prêts professionnels.


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