mercredi 9 février 2022

Adoption : ce que prévoit la loi définitivement votée par l’Assemblée nationale

Le Monde avec AFP   Publié le 8 février 2022

La proposition de loi à l’initiative de députés LRM, adoptée par 96 voix contre 15, ouvre l’adoption aux concubins et aux couples pacsés.

Des parents français reviennent d’Haïti, où ils ont adopté leurs enfants, à Paris, le 22 décembre 2010.

La proposition de loi a été pensée comme un « texte de progrès ». L’Assemblée nationale a adopté, mardi 8 février, par un ultime vote des députés, la proposition de la députée La République en marche (LRM) Monique Limon relative à l’adoption. 96 députés ont voté pour, 15 se sont prononcés contre.

L’Assemblée avait le dernier mot après que députés et sénateurs ont échoué à trouver un accord sur ce texte, déposé en 2020. La droite, majoritaire à la Chambre haute, estimait que le texte allait à l’encontre de l’objectif de « donner une famille à un enfant, et non l’inverse ».

Face aux associations du secteur qui peinaient également à être convaincues, le secrétaire d’Etat à l’enfance, Adrien Taquet, avait vanté des mesures permettant d’« ancrer fermement et définitivement l’adoption dans la protection de l’enfance et dans une modernité soucieuse du bien-être de tous les membres de notre société ».

Ouvrir l’adoption aux couples non mariés, abaisser l’âge minimal requis pour les parents… Voici les principales mesures instaurées par ce texte.

  • Ouverture de l’adoption aux couples non mariés

Il s’agit de la mesure-phare du texte. Elle doit mettre fin aux « discriminations relatives aux règles d’union ou à l’homoparentalité », selon Coralie Dubost (LRM). Jusqu’alors, seuls les couples mariés et les célibataires avaient le droit d’adopter. La proposition de loi votée mardi ouvre l’adoption aux concubins et aux couples pacsés.

Les députés Les Républicains (LR) se sont opposés à cette évolution, jugeant que le mariage était « le cadre le plus protecteur ». Pour Monique Limon, au contraire, le mariage n’est « pas une garantie de stabilité » pour les enfants.

  • Abaissement de l’âge minimal pour pouvoir adopter

Le texte a pour ambition de faciliter les demandes d’agrément. L’âge minimal requis est abaissé de 28 à 26 ans et la durée de vie commune du couple est réduite de deux à un an.

Par ailleurs, le texte fixe un écart d’âge maximal de 50 ans entre le plus jeune des adoptants et le plus jeune des enfants à adopter.

Enfin, les adoptions entre ascendants et descendants en ligne directe sont interdites, tout comme celles entre frères et sœurs. Selon le rapport de la commission des lois de l’Assemblée nationale, ces adoptions représenteraient moins de 0,5 % des décisions d’adoption plénières prononcées par les tribunaux.

  • Adoption d’un enfant né de PMA à l’étranger dans un couple de femmes séparées

La mesure a pour objectif de régler la situation des couples de femmes qui ont eu recours à une procréation médicalement assistée (PMA) à l’étranger et sont désormais séparées. Le texte voté par les députés ouvre la possibilité pour la femme qui n’a pas accouché d’adopter l’enfant, malgré l’opposition de la mère biologique

Le dispositif est transitoire puisque la loi de bioéthique, votée en 2021, règle la question en ouvrant la PMA aux couples de femmes en France. La disposition restera en vigueur jusqu’en 2025 et permettra au juge d’établir le lien de filiation entre la mère qui n’a pas accouché et l’enfant après s’être assuré que le refus de la mère biologique n’a pas de « motif légitime ».

Les débats ont été particulièrement houleux sur cette mesure qui a mécontenté jusqu’au MoDem, allié de LRM. Selon la droite, il s’agit d’un « bricolage » pouvant conduire à des « adoptions forcées ».

  • Valorisation de l’adoption simple et facilitation de l’adoption plénière

L’adoption peut être simple, auquel cas la personne adoptée conserve sa filiation d’origine, ou plénière (établissement d’un lien de filiation qui se substitue aux liens d’origine et qui est irrévocable).

Dans le rapport intitulé Vers une éthique de l’adoption, donner une famille à un enfant, la députée Monique Limon et la sénatrice Corinne Imbert notaient en 2019 que la loi du 11 juillet 1966 avait consacré l’adoption plénière comme la forme « idéale » de l’adoption, mais que cette vision des choses ne correspondait plus à la réalité de la société française, dans laquelle les adoptions internationales sont en forte diminution.

Pour inverser la logique et donner plus de visibilité à l’adoption simple, le texte voté mardi reformule le code civil. Il y sera désormais clairement inscrit que l’adoption simple ajoute un lien de filiation avec la personne qui en fait l’objet, mais que ses droits dans sa famille d’origine sont conservés. En France en 2018, 90 % des personnes adoptées selon cette procédure le sont par le conjoint de leur parent et sont en moyenne âgées de 34,5 ans.

Concernant l’adoption plénière, la possibilité d’y recourir pour les enfants de plus de 15 ans – pour l’heure exclus du dispositif, sauf exception – est favorisée, en particulier par les personnes qui les ont accueillis au titre de l’aide sociale à l’enfance. Le texte prévoit également qu’un juge puisse prononcer l’adoption de mineurs de plus de 13 ans (qui doivent normalement donner leur consentement) ou de majeurs protégés lorsqu’ils ne sont pas en capacité d’y consentir.

  • Renforcement du statut de pupille de l’Etat et réforme du recueil des enfants

Le texte réaffirme le caractère protecteur du statut de pupille de l’Etat, qui concerne les enfants mineurs privés durablement de leur famille.

En vertu de cette proposition de loi, le recueil d’enfants devient une compétence exclusive de l’aide sociale à l’enfance (ASE). Pour la France, « nous voulons que l’ASE recueille les enfants pour qu’ils bénéficient du statut de pupille de l’Etat, bien plus protecteur », explique Monique Limon. Les Organismes autorisés pour l’adoption ne sont ainsi plus autorisés à recueillir des enfants en France pour leur trouver une famille – leur activité est principalement tournée vers les adoptions internationales.

Le texte vise également à améliorer le fonctionnement des conseils de famille, organes de tutelle des pupilles de l’Etat dans les départements. Le conseil de famille n’inclura plus qu’un membre sélectionné pour ses compétences dans le domaine médical, psychologique ou social, au lieu de deux experts de la protection de l’enfance ; une disposition qui inquiète l’association Enfance et familles d’adoption. Un spécialiste de la lutte contre les discriminations doit, en revanche, faire son entrée.

Un bilan médical, psychologique et social est aussi prévu pour tous les enfants bénéficiant du statut de pupille de l’Etat, ainsi que la définition d’un « projet de vie ». « Ce projet peut être une adoption, si tel est l’intérêt de l’enfant », précise le texte. « La mise en place de ce bilan a pour vocation d’évaluer les facteurs de risque mais également la capacité de résilience de l’enfant ainsi que son engagement dans le projet d’adoption », souligne le rapport de la commission des lois de l’Assemblée.

Les parents biologiques confiant leur enfant devront, par ailleurs, consentir à ce qu’il devienne pupille de l’Etat, ce qui implique qu’il puisse être adopté. La droite et certaines associations du secteur ont critiqué la disparition du consentement exprès des parents à l’adoption.

  • Interdiction de l’adoption internationale individuelle

Pour davantage de garanties lors d’une adoption internationale, l’accompagnement des candidats sera obligatoire par un organisme autorisé pour l’adoption ou l’Agence française de l’adoption. L’adoption internationale individuelle sera ainsi prohibée.

En 2019, 706 enfants pupilles de l’Etat (sur 3 248) ont été adoptés, auxquels se sont ajoutés 421 enfants adoptés à l’étranger. L’adoption internationale, qui représentait 71 % des adoptions en 2007, ne concerne plus que 7 % des procédures en 2018.


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