jeudi 9 décembre 2021

Les hospitaliers méritent mieux que des débats approximatifs et des contre-vérités

par Frédéric Valletoux, président de la Fédération Hospitalière de France  publié le 9 décembre 2021

Des chiffres tronqués et décontextualisés lancés par des pseudo-experts minimisent insidieusement la charge de travail supplémentaire due au Covid-19, alerte Frédéric Valletoux, président de la Fédération hospitalière de France.

De contre-vérités irresponsables en omissions coupables, tous les coups semblent permis pour taper sur l’hôpital public. Décidément, la précampagne présidentielle et sa cascade de déclarations excessives est bien ouverte. Une mise au point et un sursaut s’imposent.

Qu’a-t-on entendu ces derniers jours ? Que les hôpitaux publics seraient peuplés à 30 % de bureaucrates. Ah, la vieille rengaine... La crise n’est pas encore finie et les décès se poursuivent, mais déjà ceux qui rêvent de livrer notre bouclier sanitaire aux mains du marché se réveillent. L’hôpital public a pris en charge plus de 80 % des patients Covid hospitalisés, organisé des transferts sanitaires interrégionaux au plus fort de la crise, dépêché des soignants en Outre-Mer (et il le fait encore aujourd’hui), réorganisé tous ses services pour être capable de faire face à la saturation des réanimations, mais non, notre hôpital ne serait ni agile, ni réactif, ni admirable : il serait bureaucratique.

Je le redis donc avec force, les emplois administratifs à l’hôpital représentent 10% des effectifs, pas 20, pas 30, pas 40 : 10%. Ce chiffre est pourtant en accès libre sur le site des statistiques du ministère de la Santé. Comme celui de 14% d’emplois administratifs constatés dans les cliniques privées. Mais, trop soucieux d’attaquer nos hospitaliers pour respecter la vérité des faits, les habitués de l’hôpital bashing se plaisent à intégrer la catégorie des secrétaires médicales à leurs calculs. Elles seront sans doute ravies d’apprendre qu’elles ne sont que des bureaucrates. Et une fois qu’on aura supprimé leurs postes pour débureaucratiser l’hôpital, les soignants seront ravis d’apprendre qu’ils doivent accueillir le public, gérer l’attente des patients aux urgences, organiser les agendas de tout leur service, ainsi que le suivi du dossier de leurs patients, etc.

Pseudo-experts de plateaux

Et que dire des flots de commentaires des pseudo-experts de plateaux suite à la publication du rapport de l’Agence technique de l’information sur l’hospitalisation (Atih) ! Oui, les patients Covid n’ont représenté «que» 2% des hospitalisations en 2020 et 5% des réanimations. Encore heureux ! Les experts de la parole pensaient-ils que les hôpitaux avaient complètement cessé leur activité ? Pensaient-ils qu’en 2020, toutes les personnes ayant subi un accident, une maladie, fait un AVC, ou encore une crise cardiaque avaient été refusées aux portes de nos services d’urgences ? Pensaient-ils qu’en 2020, toutes les femmes enceintes avaient accouché à domicile ?

Qu’ils aillent donc dire aux hospitaliers que tout cela n’était qu’une mascarade, ils sauront les recevoir. Décontextualisés et lissés sur l’année, les chiffres de l’Atih qu’ils brandissent masquent l’intensité des pics épidémiques, font l’impasse sur les 12% de décès hospitaliers pour Covid et négligent insidieusement la charge de travail supplémentaire et les durées d’hospitalisation plus longue pour ces patients, comme les 2,3 millions d’actes médicaux déprogrammés pour la seule année 2020 qu’il a fallu organiser, reprendre, désorganiser à nouveau, etc. Et puis, 2% des hospitalisations, cela ne représente que 220 000 personnes après tout.

Déclarations à l’emporte-pièce

Et pendant ce temps, la campagne présidentielle suit son bonhomme de chemin. Sans que personne ne s’indigne, ni ne daigne formuler des propositions pour assurer la pérennité de notre hôpital public. Qu’on parle de tout sauf de santé. Rendez-vous compte les Français n’entendent parler que de ça depuis 18 mois, ils risqueraient d’en avoir marre ! D’ailleurs, 30% de postes de praticiens hospitaliers vacants ou 5% de postes d’infirmiers vacants, qu’est-ce que c’est ? Une peccadille sans doute.

Stop. Il est plus que temps de s’intéresser aux leçons de cette crise. A force de ne commenter que les variations quotidiennes de l’épidémie, politiques et journalistes délaissent les questions de fond et laissent le champ libre à toutes sortes de déclarations à l’emporte-pièce. La situation de notre hôpital mérite mieux que des débats approximatifs alimentés à coup de «yakafokon». Que les candidats à la présidentielle se mettent au travail et leur proposent un vrai avenir plutôt que de les renvoyer à des fausses vérités. Les hospitaliers méritent notre respect, pas seulement parce qu’ils sont aussi des électeurs, mais parce qu’en pleine cinquième vague, la communauté soudée qu’ils forment répond encore présent. Soutenons-les.


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