lundi 13 décembre 2021

Elle lutte contre ces hôpitaux trop machos

Elle lutte contre ces hôpitaux trop machos

Elle lutte contre ces hôpitaux trop machos ©Morsa Images

86% des femmes médecins se sentent discréminées. Géraldine Pignot, urologue, lutte contre le sexisme avec l'association qu'elle préside. Rencontre. 

ELLE. Comment expliquer le machisme reste si prégnant dans le milieu hospitalier ?                          

Géraldine Pignot. Malgré les mouvements récents comme #MeToo, il y a une forme d'omerta à l'hôpital. La culture hospitalière, avec son rapport au corps particulier, se sent à part des autres milieux professionnels : les médecins, parce qu'ils sont en lien direct avec la mort et la souffrance, ont besoin d'un exutoire, de prendre de la distance. Il n'empêche que certaines limites ne peuvent plus être dépassées. Autre point : la situation déplorable de l'hôpital étant criante, beaucoup considèrent que la question du sexisme n'est pas prioritaire. Or nous estimons au contraire qu'elle est capitale pour la qualité de vie au travail et donc pour l'hôpital lui-même. Hommes comme femmes ont tout à gagner à évoluer dans un environnement respectueux.               

ELLE. Comment est née votre association, Donner des ELLES à la santé* ?

G.P. Pendant longtemps, j'étais confrontée à un sexisme « ordinaire » que je refusais de regarder en face. Tout ce langage non verbal dont on ne se rend pas compte immédiatement, ces remarques qu'on ne relève pas et qui finissent par impacter négativement votre confiance en soi, je préférais « faire avec ». Quand on a le nez dans le guidon, on a tendance à passer au-delà. Mais aujourd'hui, je ressens une urgence à m'investir : à cause de tous les problèmes de l'hôpital public, il y a une fuite des talents vers les structures privées de la médecine. J'estime qu'il est de ma responsabilité d'aider les plus jeunes. De faire en sorte qu'elles trouvent à l'hôpital un lieu où elles peuvent s'épanouir.                

ELLE. Avec Donner des ELLES à la santé, vous proposez une charte que cinq établissements ont déjà adoptée. Comment les avez-vous convaincus et quelles sont les principales mesures ?

G.P. D'autres établissements de santé sont aussi sur la voie ! Il faut dire que, depuis la loi d'août 2019 sur la transformation de la fonction publique, l'hôpital est tenu d'agir en faveur d'une plus grande égalité entre femmes et hommes… Ils sont donc enfin obligés d'y prêter attention. L'idée de notre charte est d'accompagner les établissements, de leur suggérer des indicateurs de suivi comme la répartition femmes-hommes des postes de chefs de service ou l'évaluation des différences de salaires… Nous mettons également en place du mentoring gratuit, des ateliers pour aider à lutter contre l'autocensure. Nous sensibilisons également les personnels hospitaliers à la question du sexisme : beaucoup de jeunes ne savent pas à qui se référer lorsqu'ils y sont confrontés. L'idée pourrait être de créer un numéro vert à cet effet. Il faut arrêter de fermer les yeux et de se dire que tout va bien !     

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