dimanche 28 novembre 2021

Mobilisation des sages-femmes : «La philosophie du “soignant un jour, soignant toujours”, c’est terminé»

par Alicia Girardeau  publié le 27 novembre 2021

Les professionnelles du secteur mènent un week-end d’action pour obtenir des revalorisations salariales et davantage de considération pour leur métier, qu’elles estiment ne plus pouvoir exercer dans de bonnes conditions.

Depuis le début de l’année, les sages-femmes se mobilisent pour dénoncer leurs conditions de travail, le manque d’effectifs et de reconnaissance de leur profession. Alors que le gouvernement prévoit une revalorisation globale de leur rémunération de 500 euros net par mois et la mise en place d’une sixième année d’étude, certains syndicats appellent de nouveau à trois jours d’action entre ce vendredi et dimanche. Camille Dumortier, présidente de l’Organisation nationale syndicale des sages-femmes (majoritaire), explique à Libération les revendications du mouvement.

Pourquoi une nouvelle mobilisation malgré les annonces du gouvernement ?

Il y a des avancés indéniables mais toujours insuffisantes. Le compte n’y est pas. La hausse annoncée de 500 euros par mois comprend d’une part la revalorisation salariale de 183 euros du Ségur de la santé que l’on touche déjà depuis un an, et d’autre part une prime de 240 euros, qui ne compte même pas dans le calcul de la retraite. Et puis, ça peut être supprimé à tout moment. Par ailleurs, cette revalorisation ne concerne ni les sages-femmes enseignantes, ni les sages-femmes territoriales dans les services de PMI [protection maternelle et infantile, ndlr] alors qu’elle devrait s’appliquer à toutes. Au-delà du côté financier, tout cela ne va pas régler le problème des effectifs, des conditions de travail, et plus largement de l’attractivité de la profession.

Qu’attendez-vous concrètement ?

La reconnaissance qui nous est due et devrait nous être due depuis longtemps. Mais quand on alerte sur le fait qu’on ne peut plus prendre en charge correctement nos patientes, on nous répond que ce n’est pas dans le tempo. On prend des risques quotidiennement. Les consultations de grossesse durent en moyenne dix minutes avec un médecin généraliste. Nous, on doit en prendre minimum trente pour faire un point complet sur l’état physique de la mère, de l’enfant à naître, répondre aux questions que les patientes se posent… Notre cœur de métier, c’est ça. Prendre le temps. A l’hôpital, ce n’est humainement pas possible de devoir s’occuper de trois ou quatre patientes en train d’accoucher, si on veut le faire comme on devrait. Le métier n’attire plus. Toutes les sages-femmes ont un bac +5 mais gagnent à hauteur d’un bac +3 pour des responsabilités colossales. Les études pour y parvenir sont extrêmement difficiles. D’ailleurs, on se réjouit de la mise en place de la sixième année d’études qui va permettre aux étudiants d’être moins en difficulté, mais en même temps, soyons réalistes. Un bac +6 payé 2 200 euros par mois ? Moi, je ne conseillerais pas à ma fille de se diriger vers cette voie-là. Mieux vaut être médecin, ou dentiste.

Jusqu’à quand s’étendra la mobilisation ?

Tant qu’on n’aura pas les moyens de bien s’occuper de nos patientes, on se mobilisera. Ce sera un week-end par mois, une semaine à la période de Noël, sauf si d’ici là de nouvelles discussions s’ouvrent. Certains aimeraient que les sages-femmes se taisent à l’approche des élections, jouent la montre, mais ne se rendent pas compte des conséquences directes de cette inaction. Aujourd’hui, la philosophie du «soignant un jour, soignant toujours», c’est terminé. Les sages-femmes qui font ça depuis vingt ou trente ans démissionnent. Des collègues se reconvertissent car elles n’en peuvent plus de travailler dans des conditions pas acceptables.


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