vendredi 15 octobre 2021

Pollution de l’air : la double peine pour les enfants pauvres

par Aurore Coulaud  publié le 14 octobre 2021

Dans un rapport publié ce jeudi, le Réseau action climat et Unicef France dénoncent les effets de la pauvreté sur la santé des plus jeunes et appellent à des changements dans les politiques publiques de lutte contre la pollution de l’air.

On le sait, en France, trois enfants sur quatre respirent un air toxique, d’après des données communiquées par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en 2018. Une pollution qui est également responsable de plus de 48 000 morts chaque année. Si l’impact sur la santé est documenté depuis longtemps, que sait-on réellement des facteurs de risques chez les plus jeunes, et plus particulièrement socio-économiques ? A l’occasion de la journée nationale de la qualité de l’air, l’ONG Réseau action climat (RAC) et le comité national français du Fonds des Nations unies pour l’enfance (Unicef France), très en pointe sur la question, publient ce jeudi un rapport qui souligne les liens entre pollution atmosphérique et statut social.

«Les enfants pauvres sont généralement plus vulnérables à la pollution de l’air parce qu’ils sont soumis au cours de leur vie à davantage d’expositions néfastes», peut-on lire dans le document. Constat qui peut toutefois varier d’une ville à l’autre. A Lille, par exemple, «les concentrations moyennes de dioxyde d’azote [un gaz toxique dû en grande majorité au trafic routier, ndlr] augmentent avec le niveau de défaveur socio-économique». L’inverse est observé dans l’agglomération de Lyon ainsi qu’à Paris. Là-bas, ce sont les zones habitées par des populations socio économiquement intermédiaires et aisées «qui présentent les concentrations moyennes en dioxyde d’azote les plus élevées». Pourtant, dans la capitale, «les habitants les plus pauvres risquent trois fois plus de mourir d’un épisode de pollution que les habitants les plus riches» La cause ? Un moins bon état de santé et un moindre accès aux soins.

Asthme, diabète, cancer…

Faute de ressources suffisantes, les populations pauvres «peuvent plus difficilement se soustraire à des conditions défavorables», détaille encore le rapport. A savoir, une qualité de l’air intérieur dégradée, une moins bonne isolation des logements, une plus forte exposition au bruit, à la chaleur… auxquelles se cumule souvent le manque d’espaces verts, parcs, aires de jeux…

Des facteurs qui peuvent s’avérer lourds de conséquences pour la santé à court et long termes. En effet, l’exposition aux polluants d’origine naturelle ou résultant d’activités humaines (trafic routier, industrie, agriculture…) peut provoquer, même à de faibles niveaux, «des symptômes irritatifs au niveau des yeux, du nez et de la gorge» mais aussi aggraver des pathologies respiratoires chroniques (asthme, bronchite…), favoriser le développement de maladies cardiovasculaires (infarctus du myocarde, AVC…) et respiratoires (cancer du poumon…) voire provoquer la mort, explique Santé publique France. Par ailleurs, d’après l’institution, de nouvelles études montrent également un rôle de la pollution de l’air sur le diabète, les troubles de la reproduction, les affections neurologiques. Les enfants, eux, «sont particulièrement vulnérables en raison de l’immaturité de leurs organismes et de la fréquence à laquelle ils respirent», insistent le RAC et Unicef France qui dénoncent, de fait, une double peine pour les enfants pauvres.

Equité environnementale

Pour combattre ces inégalités, les deux organismes enjoignent l’Etat et les collectivités à aller plus loin qu’un objectif de diminution des concentrations de polluants atmosphériques et demandent la prise en compte du «champ économique et social» pour de meilleurs résultats sanitaires, notamment chez les plus vulnérables que sont les enfants. Cinq préconisations sont faites, notamment celle d’intégrer davantage la question des inégalités sociales dans les études d’impact, ainsi que celle de l’équité environnementale dans les politiques publiques en s’assurant, par exemple, que «les bénéfices sanitaires des zones à faibles émissions profitent à tous». Le rapport recommande d’accompagner les changements de mobilités en renforçant notamment la «prime à la conversion pour les ménages les plus modestes», ou encore d’«améliorer la prise en compte des enfants dans l’élaboration des politiques de santé environnementale» en s’appuyant sur «le concept d’exposome et des 1 000 premiers jours de vie comme fenêtre de grande vulnérabilité». «C’est l’idée de prendre en compte l’accumulation des expositions auxquelles est soumis un individu de la conception jusqu’à la mort», explique Valentin Desfontaines, responsable mobilités durables au RAC.

L’OMS rappelle qu’à l’échelle planétaire, la pollution de l’air tue chaque année environ sept millions de personnes, dont plus de quatre millions en lien avec l’air ambiant. «On le sait, les enfants subiront les impacts de la pollution de l’air au cours de leur vie d’adulte», renchérit Valentin Desfontaines. D’après Santé publique France, si «les effets sont plus importants dans les grandes agglomérations, les villes de taille petite et moyenne, ainsi que le milieu rural sont aussi concernés».


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