lundi 4 octobre 2021

Philharmonie des enfants, récré à sons

par Marie Klock   publié le 3 octobre 2021
«Géants» à cordes, mini salle de concert, atelier de bruitage… Le nouvel espace parisien dédié à l’éveil des plus jeunes aux subtilités de la musique détonne par ses machineries et activités ludiques créatives et l’importance accordée au plaisir et à l’émotion. 

Heureux les petits Parisiens, car un nouveau lieu enchanté leur ouvre grand les bras depuis la semaine dernière : le 29 septembre, la toute rutilante Philharmonie des enfants se dévoilait au public dans un recoin du paquebot iridescent de Jean Nouvel. Ses 1000 mètres carrés sont subdivisés en un espace central, sorte d’agora-repos où sortent du sol d’intrigants périscopes, et cinq espaces thématiques disposés en étoile tout autour. L’ensemble, qui a mis trois ans à voir le jour, se veut un terrain d’exploration du son et de la musique dans lequel les gamins de 4 à 10 ans peuvent toucher à tout, absolument tout, en totale autonomie : si les différentes stations sont pourvues de notules explicatives, ces dernières sont réduites à leur strict minimum et plutôt destinées à ce mal nécessaire qu’est l’adulte accompagnant, être supérieur qui n’a pas de temps à perdre à tâtonner pour comprendre comment taper sur le machin pour faire tinter le truc.

Une cabine pour écouter le son par les os

Après avoir prêté une oreille à d’étonnants «haïkus sonores» composés par Wladimir Anselme et qui émergent des périscopes, on se carapate au hasard dans une pièce tout en turquoise. Là se tiennent d’impressionnants «Géants», sortes de robots réalisés par de géniaux luthiers et dont une mécanique plus ou moins complexe de leviers et de manivelles permet de frotter, pincer ou frapper les cordes qu’ils ont dans le ventre, le plus impressionnant étant probablement ce «Géant à vent» qu’il faut d’abord remplir d’air en sautant sur un ballon avant de faire sonner ses tuyaux d’orgue par le truchement de pistons gros comme un tabouret. Malin : les machines (ultra robustes) incitent les enfants à s’y mettre à plusieurs, non seulement pour comprendre la bête, mais aussi pour actionner les leviers parfois coriaces. Par la suite, on va d’émerveillement en émerveillement devant l’ingéniosité des installations : une mini-salle de concert rock (avec une vraie machine à brouillard !) où les instruments se jouent façon Guitar Hero, une cabine pour écouter le son par les os, un petit train qui lit la séquence mélodique que vous venez de composer en roulant dessus, un atelier de bruitage de film, un globe géant à l’intérieur duquel sont épinglés des dizaines d’airs traditionnels, un jeu Pongoù vous pilotez la raquette en chantant une note, un épatant synthétiseur qui transforme le son en dessin animé… et même, oui, des perruques musicales.

Une sorte de paradis absolu de l’éveil musical

Tout ici s’adresse à la sensibilité, au corps, aux émotions, et parle à tous types de gamins, quelle que soit leur capacité d’attention, leur niveau de connaissances, leur degré d’enthousiasme à l’idée d’une visite de «musée». Quand vous ressortirez de là, vous n’aurez appris ni la date de naissance de Mozart ni les caractéristiques d’une gamme majeure ni combien de doubles croches contient une ronde, mais vous aurez joué et c’est bien là que tout commence. Une sorte de paradis absolu de l’éveil musical, pour lequel on a mis les moyens financiers (10 millions d’euros précisément) et humains, alors que la discipline, parent pauvre et bâtard de l’enseignement de la musique, est plutôt habituée à composer avec trois bouts de ficelle, quelques idiophones poussiéreux et des trésors d’imagination. Prochaine étape prévue : répliquer et faire essaimer l’initiative ailleurs en France. Pour l’amour des gosses, espérons qu’il ne s’agit pas que d’un vœu pieux et que le Géant à vent fera bientôt des petits dans tous les coins du pays.


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