lundi 18 octobre 2021

Education sexuelle : les codes ont changé

Par     Publié le 17 octobre 2021

En dire trop, pas assez, pas au bon moment… beaucoup de parents redoutent de parler de sexualité avec leurs enfants. La chroniqueuse de « La Matinale » Maïa Mazaurette leur donne des idées d’ouvrages actualisés, de vidéos instructives et drôles, et leur explique comment donner les bonnes clés.


LE SEXE SELON MAÏA

Parler de sexualité aux enfants : cette conversation, beaucoup de parents et d’adultes la redoutent. Certains ont peur de mal faire (d’en dire trop, ou pas assez, ou pas au bon moment). D’autres y projettent leurs mauvais souvenirs (des confessions forcées, des explications à côté de la plaque, des métaphores douteuses). D’autres encore se disent que l’éducation à la sexualité n’a rien à faire dans la relation parent-enfant (ça se discute), que quelqu’un d’autre se chargera de ce fardeau (ça se discute aussi), qu’il ne faut pas égratigner l’innocence des bouts de chou (innocence ou ignorance ? ça se discute également)…

Pourtant, le code a changé. Les enfants sont différents : Internet leur donne accès à toute l’information du monde, et non, désolée, vous ne pourrez pas contrôler leur consommation. Les adultes sont différents : moins attachés aux hiérarchies familiales strictes que par le passé, ils peuvent apporter leur touche d’empathie et d’humour (même le malaise peut être marrant, non ?). Enfin, l’éducation sexuelle est différente : le miel et les abeilles ont laissé place à un programme scolaire solide − peu ou pas suivi certes, mais disponible en ligne pour les parents les plus curieux.

Evoquons d’ailleurs un instant les contours de cette éducation sexuelle − qui charrie beaucoup de fantasmes. Quand les adultes évoquent le sexe, leurs interrogations se rangent essentiellement dans deux catégories : 1) comment plaire ; 2) comment (faire) jouir. Cependant, à hauteur de marmot, le sexe est avant tout un organe, dont il faut comprendre le fonctionnement, l’hygiène et l’évolution au moment de la puberté. Cet organe dicte tout un tas d’attentes sociales que les enfants peuvent éponger (« le rose, c’est pour les filles ») ou rejeter (« moi, je ne me marierai jamais »).

Le sexe qu’on a entre les jambes a un impact sur le rapport à l’amitié, à l’amour, au risque, au corps, à la confiance, à la santé, aux loisirs, à la carrière… les questions de désir et de plaisir sont présentes, bien sûr. Mais éduquer ses enfants à la sexualité ne signifie absolument pas qu’on leur apprend le Kama-sutra. D’autant que l’école, les camarades de récré, Internet et la pornographie prendront le relais sur les points plus « techniques » (avec plus ou moins de bonheur, mais c’est un autre débat).

Face à ces considérables enjeux, les parents et grands-parents ont donc un rôle crucial à jouer… mais pas de panique ! Les familles bénéficient de supports spécifiques (ce n’est pas nouveau), extrêmement variés (ça, c’est nouveau) et surtout actualisés (les questions d’identité, d’orientation sexuelle et de consentement sont évidemment abordées).

Des livres à consommer en solo et à son rythme

Prenons par exemple la production littéraire : il faut parfois se donner un peu de mal pour la dénicher au fin fond des rayonnages (même si certains libraires promeuvent les manuels d’éducation sexuelle en tête de gondole), mais franchement, il y a de quoi faire. Ce médium présente l’avantage de se consommer en solo – voire en secret –, aussi bien qu’avec l’aide des adultes. Mais surtout, l’objet livre permet d’avancer à son propre rythme, contrairement aux vidéos ou aux podcasts. Je recommande, par ordre d’âge :

- Pour les tout petits : L’Encyclo de la vie sexuelle 4/6 ans (Isabelle Fougère, Hachette Enfants 2016). On part d’une histoire dialoguée et de dessins mignons pour poser les bases les plus élémentaires… dont la fameuse question : comment on fait les bébés ?

- 6-8 ans : Le Petit Illustré de l’intimité (Tiphaine Dieumegard et Mathilde Baudy, Belle Etoile, 56 pages, 15 euros). Tout est dans le titre : un tome pour fille, un tome pour garçon, avec de très jolies illustrations et des explications concernant les parties génitales. Les autrices sont sage-femme et prof d’arts appliqués : un vrai boulot de passionnées !

- 10-12 ans : Le Guide du zizi sexuel de Zep (Hélène Bruller et Zep, Glénat, 2020). Vous avez peut-être entendu parler de ce grand classique (contrairement à ce que son titre suggère, il n’est pas particulièrement destiné aux porteurs de zizis), mais saviez-vous qu’il en existe une version explicitement destinée aux fillettes ? A tenter : Le Petit Guide de la foufoune sexuelle (Julia Pietri, Better Call Julia, 84 pages, 15 euros).

- 12-15 ans : Tout nu ! Dictionnaire bienveillant de la sexualité(Myriam Daguzan-Bernier et Cécile Gariepy, Ricochet, 2020). Archi-clair, inclusif, joliment mis en page : c’est mon coup de cœur.

- 15 ans et plus : Petit guide pour une sexualité féministe et épanouie(collectif Osez le féminisme ! First, 234 pages, 14,95 euros). Quatre ans après l’explosion #metoo, impossible d’accompagner les jeunes femmes vers l’âge adulte sans leur donner une boîte à outils engagée – avec cet ouvrage, on apprend (entre autres) à se protéger des violences sexistes et sexuelles.

- Enfin, une option « tout terrain » pour les familles nombreuses : Corps, amour, sexualité : les 100 questions que vos enfants vont vous poser, par Charline Vermont (Albin Michel, 208 pages, 15,90 euros). Ce manuel a l’avantage de progresser par étapes, puisque les mêmes interrogations (« ça veut dire quoi, intime ? », « est-ce que je peux choisir d’être une fille plutôt qu’un garçon ? », « est-ce que je peux aimer qui je veux ? ») sont traitées en différents « niveaux » correspondant à la maturité de l’enfant.

Vidéos en streaming, comptes TikTok et Instagram

Passons maintenant aux contenus vidéo, très appréciés par les jeunes… mais souvent moins suivis par les parents. En comparaison avec un livre, l’interaction sera différente : certains jeunes acceptent de partager la tablette ou le smartphone, d’autres considèrent leurs appareils comme une extension de leur intimité. Sans envahir l’espace privé, les adultes peuvent toujours poser des questions sur le type de chaînes consommées, quitte à se faire ensuite leur propre idée (comme si vous aviez besoin d’une excuse pour regarder Sex Education sur Netflix !).

Sur navigateur, je recommande la chaîne SexoTuto, réalisée par l’animatrice Maïtena Biraben pour FranceTV : une quarantaine d’épisodes de quatre minutes, tous gratuits. Sur TikTok, voici les comptes que je conseille : Carla Valette (2,5 millions d’abonnés). Cette étudiante en médecine aborde plein de sujets différents, dont la sexualité. Les autres options sont plus spécialisées : Doctor JFK (131 000 abonnés), étudiant en pharmacie et médecine, Lilou sans tabou (109 000 abonnés), Sex & Co (67 000 abonnés) et Le Cœur Net (66 000 abonnés), par Laure Geisler, médecin généraliste. L’humour fonctionne aussi : pour aborder le sujet plutôt tendu des infections sexuellement transmissibles, il peut être intéressant de consulter le compte Tiktokeur.ist consacré au déballage de préservatifs en tout genre…

Sur l’incontournable Instagram, je vous renvoie à l’article du Monde Campus sur « la nouvelle génération de l’éducation sexuelle » publié le 31 août et qui citait les ressources suivantes – autant de comptes très suivis et très influents : @jemenbatsleclito, @tasjoui, @mashasexplique, @sexysoucis, @jouissance.club, @wi_cul_pedia, @gangduclito, @lafaqdecamille. Ces contenus ne sont pas destinés aux enfants, puisque avant 13 ans ils n’ont (supposément) pas le droit d’accéder à TikTok ni à Instagram.

Le plus important reste le dialogue

Toutes ces recommandations vous semblent-elles suffisantes ou, au contraire, écrasantes ? Dans un cas comme dans l’autre, ces supports ne servent pas à se décharger du « problème » de l’éducation sexuelle. Le plus important reste le dialogue : aux parents d’ouvrir la porte aux conversations et aux questions, sans brusquer ! Le plus important consiste à normaliser le sujet. Un échange fructueux peut commencer par de simples remarques du quotidien. Imaginons un enfant qui trouve telle chanteuse « super belle » : cette petite phrase permet de lancer une conversation passionnante (et pas que pour les plus jeunes !) sur les critères esthétiques de notre société, le rapport à la confiance en soi, à la séduction… et bien sûr, au rapport entre sexualisation et sexualité.

Pas besoin de forcer le trait : entre les films et les séries télévisées, les publicités et les livres, les informations et la vie des célébrités, les enfants et ados baignent dans des références à la sexualité. Certains parents (et certains intellectuels) regrettent cette omniprésence. D’autres estimeront que ces informations font partie de la vie, qu’elles sont nécessaires pour grandir, pour comprendre le monde qui nous entoure… et qui sait ? pour mieux apprécier ses futures rencontres.

Bien sûr, la peur de « donner toutes les clés » est compréhensible. Mais sur ce point, je voudrais vraiment rassurer les parents : les clés servent autant à ouvrir des portes (vers les autres, vers le plaisir) qu’à les fermer (pour préserver son intégrité). Et c’est peut-être cet équilibre qui définit le mieux les nouveaux codes de l’éducation sexuelle : informer pour protéger. Un enfant qui comprend son corps, et le corps des autres, possède des bases solides pour avancer. Vers où ? Ça, c’est lui ou elle qui le décidera.


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