lundi 30 août 2021

30 km/h en ville, un remède à l’accélération ?

Octave Larmagnac-Matheron publié le  

© PublicDomainPictures/Pixabay


Depuis aujourd’hui, la vitesse est limitée à 30 km/h dans toutes les rues de Paris (ou presque). De quoi, sans doute, attiser des tensions déjà anciennes entre la maire de la capitale, Anne Hidalgo, et les automobilistes. Selon un sondage Ifop, la mesure serait pourtant soutenue par 61% des habitants… Cette nouvelle réglementation comporte différents objectifs, comme le résume l’adjoint EELV David Belliard : « Améliorer la sécurité des piétons »« réduire significativement le bruit », et « apaiser la ville ». Mais aussi, indirectement, réduire le trafic global, en rendant la voiture moins attractive. Un premier pas pour endiguer l’accélération globale de nos modes de vie, selon le philosophe, géographe et urbaniste Paul Virilio, qui plaidait pour une « prohibition véhiculaire ». Mais insuffisant pour Milan Kundera !

  • Faut-il limiter la vitesse en ville à 30 kilomètres par heure ? Et surtout, question fondamentale : pour quelle raison faudrait-il le faire ? Il y a bien sûr un enjeu de sécurité. Mais ce n’est pas tout, remarquait l’essayiste Paul Virilio (1932-2018) : notre monde doit faire face à un danger existentiel inédit, celui de l’accélération technique globale. De plus en plus, dans une « course […] vers l’ubiquité », le temps nécessaire pour parcourir une distance se réduit. Et dans ce recroquevillement, c’est l’espace lui-même qui se contracte, jusqu’à disparaître. La ville, haut lieu de la circulation, n’est plus un lieu où l’on est, mais un lieu où l’on passe. « La cité n’est qu’une halte, un point sur la voie synoptique d’une trajectoire », écrit-il.
  • Dans « Les perspectives du temps réel » (1991), Virilio plaide donc pour endiguer cette sorte de vaporisation du monde : « À quand des sanctions juridiques ? Une “limitation de vitesse”, non pour cause probable d’accident de la circulation, mais en raison des risques encourus d’épuisement des distances de temps. » Contrecarrer la dissolution de l’espace implique un acte de volonté, sans lequel la technique, livrée à elle-même, ne cessera jamais son accélération. « Il s’agit là d’actes de gouvernement, c’est-à-dire de voirie politique visant justement à limiter la “puissance d’assaut extraordinaire” que développe la motorisation des masses », notait déjà Virilio dans Vitesse et politique (Galilée, 1977).
  • Lire la suite ...


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire